Entendra-t-on l'avis de professionnels de l'enfance ?

Publié le par G&S

Notre amie Francine Bouichou-Orsini, à qui les questions posées par l'adoption par les couples homosexuels tiennent profondément à cœur, comme femme et comme spécialiste de l'enfant, est intervenue plusieurs fois à ce propos dans ce blog. Elle a voulu, le débat se poursuivant, préciser brièvement et clairement son point de vue, parfois mal compris.

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Revenir sur le thème du Mariage pour tous, déjà longuement débattu, m’incite à souligner deux points essentiels :

1° Nous sommes, évidemment, obligés de reconnaître ce qui s’impose comme des situations de fait :

- L’évolution des sociétés et des cultures fait apparaître aujourd’hui (sous prétexte d’égalité) de nouvelles pratiques ou de nouveaux besoins : ce que l’on appelle le mariage pour tous.

- Par ailleurs, les aléas de l'existence imposent parfois des contextes dans lesquels la famille se décompose. Dans le cas du divorce, l’enfant se trouvera, au quotidien, vivre auprès de l’un ou l’autre parent en fonction de leur présence variable. Dans le cas de « mère célibataire », l’enfant ne connaîtra qu’un seul des deux parents.

Ces situations s’imposent comme des faits sur lesquels l’État n’a pas à intervenir, car ils relèvent de la sphère du privé. De même, et sauf cas extrême de délit, l’État n’intervient pas pour contrôler si la responsabilité éducative des parents est bien assumée.

2° Mais pour autant, l’État n’est pas autorisé à créer et à multiplier des situations non conformes aux droits de l’enfant, lequel doit être reconnu comme une personne. Une personne à protéger, parce qu’incapable de revendiquer ses droits propres. Mais – hélas ! – il faut constater que l’État demeure impuissant à contrôler et assurer le respect de ces droits confié à des institutions administratives (le Conseil constitutionnel) incompétentes dans le domaine scientifique.

La psychologie de l’enfant et les professionnels de l’enfance revendiquent le droit de l’enfant à connaître ses propres racines, à leur conférer un sens et à pouvoir l’exprimer avec des mots qui aident à penser la réalité de ses attaches familiales. La psychanalyste Marie Balmary s’inquiète : « qu’allons-nous faire des mots père et mère ? Comment expliquerons-nous aux enfants que semblable et différent, une chose et son contraire, c’est la même chose… ? ». Interrogation reprise par Sylviane Agacinski (philosophe qui enseigna à l’École des hautes études en sciences sociales 1) : « Deux mères peuvent-elles remplacer le père ? C’est une dénégation de la finitude et de l’incomplétude de chacun des deux sexes que l’amour ne peut effacer » (discours prononcé aux Semaines sociales en novembre 2012).

Oui, l’enfant ne peut construire son identité et sa propre image qu’en référence aux proches du quotidien. Par exemple, pour une petite fille, elle doit pouvoir affirmer : « je suis une fille comme maman, mais pas un garçon comme papa ». Sur cette base, à signification universelle, alors se met en place la relation d’altérité, matrice fondamentale pour l’espèce humaine. Accepter comme substitut l’exclusivité d’une référence culturelle (telle ladite théorie du genre) serait illusoire et dangereux.

Depuis Henri Wallon, le père de la psychologie scientifique de l’enfant, jusqu’à Christian Flavigny, pédopsychiatre, directeur de service à l’Hôpital de la Salpêtrière 2, il est reconnu que l’enfant, lors de sa naissance, apparaît au sein des mammifères comme le seul être totalement démuni pour survivre (cf. l’histoire des « enfants-loups »).

En conclusion : en ce domaine, la sagesse devrait conduire à retenir et à respecter le principe de précaution, en vue se conformer aux normes prescrites par la Déclaration des droits de l’homme, articles 4 et 6 : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

Francine Bouichou-Orsini
anciennement enseignante et chercheuse en psychologie de l’enfant

1 – Et par ailleurs épouse de Lionel Jospin (Note de la Rédaction)
2 – Je veux papa ET maman, Éditions Salvator, novembre 2012

Publié dans Réflexions en chemin

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