Éditorial
Garrigues & Sentiers on the Net
La représentation de la Crucifixion placée en tête de cet éditorial
illustre le scandale de la désunion. 1
Les déchirures de l'Église, nous en sommes tous responsables, parfois coupables.
Nous disputant sur les dogmes et les rites,
nous stagnons au pied de la Croix tels les gardes jouant aux dés
la « tunique sans couture du Christ », symbole de l’unité,
au lieu de proclamer ensemble la « Bonne Nouvelle » de l’Évangile.
G&S
Beaucoup pensent aujourd’hui que le mouvement œcuménique n’avance plus guère. Ils ont l’impression que, par ce temps de crise du christianisme en Occident, les Églises, plus conscientes de leur fragilité, se replient sur leur identité propre, et laissent de côté le souci de l’œcuménisme. Qu’en est-il vraiment ?
Le groupe œcuménique de la ville d’Aix-en-Provence, redémarré sous une forme nouvelle depuis 2007, a proposé cette année de réfléchir sur ce sujet, lors des quatre conférences de l’année 2011-2012.
Il a fait appel pour cela à quatre grands responsables des principales confessions chrétiennes existant en France. Il leur a demandé de préciser le regard qu’ils portent sur la situation œcuménique et sur leur propre Église dans son rapport avec les autres Églises. Ils nous proposent ainsi des regards croisés sur les Églises chrétiennes, regards qui sont des invitations pour tous les chrétiens à se situer eux-mêmes face au désir d’unité exprimé par le Christ : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi » (Jean 17,21).
Sur L'œcuménisme aujourd'hui, nous avons donc la chance de pouvoir présenter quatre points de vue d'artisans actifs du rapprochement entre les Églises. Un premier regard, venant de l'Église catholique, est donné par Mgr Gérard Daucourt, évêque de Nanterre, membre du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens. Avec réalisme mais optimisme, il constate à la fois les blocages qui subsistent toujours dans la marche à l'unité, mais souligne aussi des progrès et des éléments d'espérance. Cette espérance est encore plus visible, très spirituelle, chez le père Michel Evdokimov, prêtre de l'Église orthodoxe. On peut la résumer à travers une comparaison qu'il propose : « Le mystère de la Trinité est le modèle suprême, parfait, de l’unité : l’unité absolue, avec la diversité absolue ». Le pasteur Laurent Schlumberger, président de l'E.R.F., commence son intervention en présentant les "clichés" que nous risquons de garder les uns sur les autres, et qu'il faut reconnaître pour avoir quelque chance de les dépasser. Une bonne démarche pour le faire, entre autres, c'est de travailler ensemble, et aussi de n'oublier jamais qu'« il nous faut apprendre à comprendre l’Unité comme union et non comme uniformité ». Clôturant la série, Pierre Lacoste, pasteur à Cannes de l’Union des Églises évangéliques libres de France, présente les différentes branches des « évangéliques ». Derniers venus, leur développement est actuellement vigoureux, bien qu'ils soient moins connus et que pèse encore sur eux bien des idées reçues. Il met en place un utile résumé de leur histoire très liée aux « réveils » qui ont ranimé les protestantismes depuis le XVIIIe s.
Ce « noyau dur » établi par des « hommes d'Église », des témoignages plus personnels nous invitent à réfléchir à notre place dans la recherche de l'unité. Odile Tardieu, Une catholique depuis 16 ans dans la ville de Calvin, atteste que ce qui fut le bastion calviniste intransigeant au milieu du XVIe siècle, est devenu un foyer d'initiatives œcuméniques comportant beaucoup de rencontres et d'échanges. Le débat reste ouvert sur l'hospitalité eucharistique ; elle apparaîtrait «naturelle » dans les cas de couples mixtes, mais également à certaines occasions (mariages, enterrements…). Souffrances, parfois, à la publication de certains textes romains ; joie de l'accord luthéro-catholique sur la justification par la foi, malgré un recours de Rome, peu après, aux indulgences. Au delà d'un certain désenchantement après les espérances de Vatican II, tenir l’Espérance chevillée au corps.
Deux articles de Marcel Bernos se complètent un peu. Une voie "naïve" vers l'Unité s'interroge sur ce que pourrait être une union des Églises, non dans l'uniformité mais dans une enrichissante diversité, à condition de rester centré sur l'essentiel. Pour éviter la cacophonie, l'évêque de Rome, naguère patriarche d'Occident, garderait une primature garante de l'unité. Pour prendre conscience de ce qui relève de l'ignorance ou de préjugés entre les chrétiens, est proposée une analyse sommaire de l'un des textes fondateurs du « protestantisme » : Cathos, il faut lire la Confession d'Augsbourg. Les 21 premiers articles de ce manifeste correspondent à la doctrine chrétienne, issue du Credo de Nicée (325), commun aux catholiques et aux réformés. Les sept suivants portent sur des points dénoncés comme des abus et qui, souvent, en étaient. La ligne directrice du texte protestant de 1530 est la justification par la foi ; une génération plus tard, le décret du concile de Trente sur la question ne disait pas vraiment autre chose : mais la rupture était déjà consommée. Preuve qu'il faudrait s'écouter davantage avant de trancher les questions doctrinales et disciplinaires. Le mouvement œcuménique doit servir à ça.
G&S
PS : Pour éclairer la longue histoire des ruptures ou des rapprochements entre les Églises, G&S offre une chronologie, bien qu’elle soit par nature incomplète tant les faits sont nombreux et parfois subjectifs.
1 - La tunique sans couture a été évoquée à propos de
la relation judaïsme-christianisme dans l'article Marie, fille de Sion et Mère des
chrétiens.