Pas Dieu, pas l'homme, mais le démon

Publié le par G&S

Un lecteur fidèle de Garrigues & Sentiers nous a adressé ce texte sous forme de commentaire, 
mais nous avons pensé qu’il fallait le publier sous forme d’article Coup de Cœur, en lien avec le dossier Le péché.

Merci à G&S d'avoir ouvert un dossier sur Le péché, ce sujet sensible et que l'on a eu tendance à occulter pendant quelques décennies.

Adolphe GeschéJe ne peux m'empêcher d'y joindre les réflexions d'un grand théologien disparu, Adolphe Gesché 1 (j'apprécie beaucoup la parole et les écrits de Joseph Moingt, mais il n'est pas toujours facile à suivre).

Replacer le péché dans le contexte plus large du mal me semble une approche intéressante et un certain nombre de contributeurs au dossier en ont fait mention.

Adolphe Gesché a traité du sujet à travers deux ouvrages au moins, Dieu pour penser le mal et Le mal et la lumière.

Après tout, si le malheur est le mal subi, le péché est le mal commis : malheur et péché ont un cousinage pas très éloigné, dont le mal pourrait être une sorte d'« ancêtre commun ». Et puis, si la notion de péché sépare le croyant de l'incroyant, la vision du mal leur montre leur commune humanité.

Je ne vais pas résumer la pensée d'Adolphe Gesché, mais simplement transcrire quelques citations tirées principalement du second ouvrage Le mal et la lumière, au risque de faire apparaitre sa pensée comme décousue ou non argumentée, ce qu'elle n'est évidemment pas : ce sont plutôt des petits " noyaux d'olive " à retourner dans la bouche (j'emprunte l'image à Erri de Luca).

 

* À propos du mal

   - « C'est parce que le mal atteint l'homme que Dieu est offensé ».

Adolphe Gesché aime bien dire que Dieu a été « surpris par le mal ». René Guyon relève que le mot péché apparaît tardivement dans le récit biblique, il en est de même pour la notion de mal qui est absente des deux premiers chapitres de la Genèse (mis à part l'arbre de la connaissance où la notion est un peu abstraite) : « Pour la Genèse, le mal est ce qui n'a pas été prévu... Le récit de la création ne parle pas du mal... Dans le plan de la création, le mal n'a aucune place... Mail il survient brusquement venant d'un inconnu ("Or le serpent...")... La responsabilité du mal n'a pas être cherchée ni du coté de Dieu, ni du coté de l'homme. »

* Autres réflexions d'Adolphe Gesché sur ce Dieu surpris par le mal

   - « Un Dieu surpris par le mal est peut-être un Dieu naïf, mais au moins il n'est pas ce Dieu inqualifiable qui permet le mal.

   - La théologie – une certaine théologie – et la philosophie parlent de la permission du mal. La Bible ne formule pas cette odieuse hypothèse.

   - Le christianisme n'explique ni ne supprime le mal ; il l'exorcise, en disant : ce n'est pas Dieu, ce n'est pas l'homme, c'est le démon. Cela est considérable. »

 

* sur le serpent ou le démon

   - « Ève a été le premier théologien, elle qui a désigné le coupable du mal (le serpent-démon), ce que n'avait pas compris l'homme (et, qui sait, Dieu ?). Dieu et l'homme bafouillent devant le mal ("Adam, où es-tu ?", "Ève, qu'as-tu fait ?"). Seule Ève, le premier théologien de l'histoire, voit clair : "c'est le serpent".

   - L'homme n'est pas essentiellement mauvais. C'est le cas du diable, en revanche. Le démon est mauvais alors que l'homme ne fait que commettre le mal."

   - Dieu et nous avons le même adversaire : le démon, le mal. Cela nous réunit très fort ».

 

 * sur le péché

   - « Le mal est infini. Le péché ne l'est pas. De là qu'il est rémissible.

   - Avoir pensé le mal comme péché, c'est avoir rendu possible de ne plus voir le mal comme irrémédiable.

   - Ce n'est qu'un péché, devrait-on dire. En effet, le péché est une faute rémissible. Voilà la bonne nouvelle chrétienne. Il y a le mal (que n'importe qui, sans être chrétien, peut qualifier tel). Mais la foi au salut prononce que le mal n'est pas irrémédiable. Non, le mal n'est pas une "invention des prêtres", car le mal existe. Mais le péché est une "invention des prêtres", car Dieu dit que le péché peut être pardonné.

  - Le contraire du péché, ce n'est pas la vertu, c'est la foi ». (d'après Kierkegaard).

Pierre Locher
63450 Saint-Amant-Tallende

1 - Adolphe Gesché (Bruxelles, 25 octobre 1928 – 30 novembre 2003), prêtre du diocèse de Malines et Bruxelles, docteur et maître en théologie, membre de l'Académie royale de Belgique, et professeur émérite à la Faculté de théologie de l'Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve, était spécialement soucieux du dialogue avec les incroyants.

Il était notamment membre de la commission « Religion et théologie » auprès du Fonds national de la recherche scientifique (FNRS, Belgique), de l'Association européenne de théologie catholique (AETC, Tübingen) et de la Commission théologique internationale (CIT, Rome). Il l'est l'initiateur d'un colloque qui s'organise tous les 2 ans : http://www.uclouvain.be/colloque-gesche (source : Wikipedia).

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