Dieu pour penser… le Cosmos

Publié le par G&S

À propos de l'ouvrage d’Adolphe Gesché

Une tâche urgente : repenser notre théologie de la création

Dieu pour penser le cosmos (Gesche) 07.06.13Dieu n'est pas que dans les lieux de culte, ni dans les communautés de croyants, Il n’est pas seulement le Dieu de l'homme, Il est Dieu de tout l'univers, ou il n'est pas Dieu. La relation entre Dieu et l'homme n'est pas qu'un face à face, il y a un tiers : la nature, le cosmos. Si l'homme ne s'identifie pas à la nature, il n'en reste pas moins qu'il y a ses racines (oubli funeste de certains de nos contemporains). Comment parler des relations de Dieu avec la nature, sinon en parlant du Dieu de la création ? 

Dans la création du cosmos, Dieu donne à l'homme un lieu pour l'habiter, un « chez lui ». Comme le dit le psalmiste (Ps 115, 16) : « Les cieux sont les cieux du Seigneur, mais la terre, il l'a donnée aux hommes ». C'est son bien propre et nul ne peut l'en déposséder, pas même Dieu.

Dieu est-il horloger ?

La question paraît dépassée, mais est-ce si sûr ? N'est-on pas encore dans une vision très « Voltairienne » de la création : un Dieu cause originelle ? Avant de se précipiter sur la création comme « explication d'une origine », ne faut-il pas commencer par l'étonnement et l'admiration. Dieu ne fait-il pas ainsi ? : « Dieu vit que cela était bon ». Et contrairement à ce que suggère la « causalité horlogère », Dieu, en créant l'homme, s'est interdit d'être le simple moteur d'une dictée réglée d'avance :

« Créer, c'est susciter quelque chose d'entièrement autre, et qui n'aura de signification, pour son créateur lui-même, que dans cette autonomie donnée et reconnue. […] Ce cosmos, au lieu d'être une horloge déjà réglée, est un monde où l'invention est la loi de son enfantement ».

Il faut en finir avec l'idée d'un Dieu-Cause, car la causalité ne respecte pas l'altérité. Le don que le Créateur fait au créé lui donne d’exister comme différent, séparé (cf. l'hébreu bara = faire en séparant).

Dieu joue-t-il aux dés ?

Adolphe Gesché propose une relecture du premier chapitre de la Genèse et commence par noter à propos du Fiat lux qu'il n'est pas écrit « faisons la lumière », mais « qu'advienne la lumière », puis « la lumière fut faite » et non « Dieu fit la lumière ». Il y a comme une certaine absence, une discrétion de Dieu dans cet impersonnel. Autre remarque, si Dieu est bien le sujet du « Fiat », ultérieurement, ce sont les choses créées qui deviennent sujets : « Que les luminaires éclairent la terre », ce n'est pas Dieu qui va régir directement la création, ce sont les créatures, et en premier l'homme. Parler d'un plan de Dieu au sens de fabrication programmée est étranger au monde biblique, car l'homme ne serait pas libre : « C'est parce que Dieu est liberté, que le monde est liberté. […] Nous avons droit et devoir de liberté parce que le créateur est un créateur libre et qui ne veut que cela. »Si Dieu joue aux dés, c'est au sens où Il lance le jeu, c'est à l'homme de continuer, Dieu ne joue pas à notre place. Si Dieu joue, c'est au sens où il accepte le risque d'une liberté qui peut le contredire. « La création, c'est jouer à deux, alors qu'il serait tellement plus aisé de jouer seul, avec une toute-puissance sans partage ».

Dans sa conclusion, Adolphe Gesché nous rappelle l'expression d'Emmanuel Levinas selon laquelle l'homme est créé a-thée, c'est-à-dire séparé, distingué, cet athéisme de séparation (et non de refus) étant source de liberté. « Le Dieu dans lequel je ne ferais que me retrouver moi-même est proprement et littéralement le faux-dieu et l'idole. […] La création est un espace entre Dieu et moi ». Et cet espace entre Dieu et moi, le cosmos, est la condition du salut, le lieu du salut désiré par Dieu, proposé par Dieu au consentement de l'homme.

Pierre Locher

Adolphe Gesché (1928-2003) est de ces théologiens qui vous ouvrent les yeux sur des vérités qui, après coup, vous paraissent évidentes : « mais bien sûr », se dit-on. C'est un pédagogue et un poète : même si parfois il faut relire deux fois une même phrase, il participe au renouvellement du langage chrétien, en particulier dans une collection de livres intitulée Dieu pour penser, dont le quatrième tome s’intitule Dieu pour penser le cosmos. Adolphe Gesché, conscient du nouveau rapport que nous souhaitons entretenir avec la nature, donne sa contribution à une théologie revisitée de la création et du cosmos.

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P
<br />  <br /> <br /> <br /> Sans faire une recension exhaustive de la bibliographie d'Adolphe GESCHÉ, on peut citer les 7 volumes de la série "Dieu<br /> pour penser" écrits entre 1993 et 2003 (publiés au Cerf) : Le Mal, L'Homme, Dieu, Le Cosmos, La Destinée, Le Christ, Le Sens. Le titre de cette série est une indication sur sa<br /> théologie : Adolphe GESCHÉ souhaite remettre Dieu au centre de la vie humaine.<br /> <br /> <br /> Pierre Locher<br />
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F
<br /> Par ailleurs, la tonalité de l’analyse présentée par Adolphe Gesché évoque l’esprit d’une traduction primitive du Notre Père. Cette traduction fut effectuée par une<br /> religieuse anonyme, à partir d’un Notre Père écrit en araméen-syriaque, très proche de l’araméen de Jésus.<br /> <br /> <br /> La prière commence ainsi : <br /> <br /> <br /> Toi, le Souffle, la lumière à l’origine de toute chose, /   que ta lumière creuse en moi sa propre demeure.<br /> <br /> <br /> Que tes conseils règnent  / jusqu’au rassemblement du multiple de<br /> la création  / en sa source unique.<br /> <br /> <br /> Que ta volonté et la nôtre puissent agir dans toute chose /   comme<br /> dans ta lumière… <br /> <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />
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F
<br /> « Créer, c'est susciter quelque chose d'entièrement autre, et qui n'aura de signification, pour<br /> son créateur lui-même, que dans : cette autonomie donnée<br /> et reconnue. […] Ce cosmos, au lieu d'être une horloge déjàréglée, est un monde où l'invention est la loi de son<br /> enfantement ». Merci à Pierre Locher de nous faire connaître cet auteur. Dommage qu’il n’ait pas mentionner ses références<br /> bibliographiques…<br /> <br /> <br /> Une fois de plus, nous constatons que le Dieu des chrétiens ne ressemble à aucun des dieux inventés par les hommes jusqu’alors… En effet,<br /> « cette autonomie donnée et reconnue »  porte la signature du Dieu trinitaire, un Dieu-Amour…<br /> <br /> <br /> La relation<br /> d’altérité exprime la vie de ce Dieu, perpétuellement ouvert :<br /> aux autres Personnes divines, à toutes les personnes humaines, à la beauté de l’univers ; tous accueillis dans la discrétion, la vérité de leur être respectif et dans le respect de leur<br /> autonomie propre…<br /> <br /> <br /> Francine Bouichou-Orsini <br />
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