Deux automnes, trois hivers
de Sébastien Betbéder
On peut être optimiste, en ce début d’année : en France, le cinéma continue à développer une création artistique de qualité, au plan humain comme au plan esthétique. L’année 2013 a vu émerger une pléiade de jeunes cinéastes français, d’une nouvelle génération : ils savent concilier humour, tendresse et émotion pour présenter des personnages jeunes, attachants, mais en pleine recherche d’eux-mêmes dans un monde marqué par les incertitudes du présent et de l’avenir.
On a pu apprécier ainsi : Un monde sans femmes de Guillaume Brac, La bataille de Solférino de Justine Triet, La vie domestique d’Isabelle Czajka ; voici aujourd’hui Deux automnes, trois hivers, avec comme acteur l’excellent Vincent Macaigne, déjà présent dans les deux premiers films ci-dessus.
Tous sont révélateurs d’une nouvelle mentalité : après la fin des grandes espérances en l’avenir, bien loin des trente glorieuses et de leur foi dans le progrès, ces jeunes vivent au présent et s’attachent aux petits riens de la vie quotidienne. Par leur impertinence, leur fantaisie, leur fraîcheur, leur angoisse cachée, ces cinéastes sont à leurs aînés ce que la Nouvelle Vague avait été pour ses prédécesseurs.
Ici, Arman (Vincent Macaigne) a 33 ans, un travail qui ne mérite pas qu’on en parle, un ami inséparable depuis l’École des Beaux Arts de Bordeaux et tombe amoureux d’Amélie en faisant son jogging. Il est lunaire, attachant, inconstant.
Une série d’aventures et de rebondissements verra un couple se constituer, se défaire, puis renaître.
La mise en scène, toute en légèreté et en élégance, s’adressant directement au spectateur, rend attachants ces personnages, les deux amis mais aussi les proches, tous si humains et si fragiles. La relation homme-femme est dans le monde actuel si complexe, soumise à tant d’aléas.
Mais finalement : quand après bien des aventures tous deux se retrouvent ensemble, quand Amélie a fêté ses 30 ans, quand Arman au réveil voit Amélie en ombre dans l’embrasure de la fenêtre, ne comprend-il pas enfin qu’elle est pour lui quelqu’un d’unique, qu’elle fait partie de sa propre existence ?
Cette génération si déroutante est capable de redécouvrir de l’intérieur des valeurs fondamentales.
Jacques Lefur