Des institutions et des hommes
La critique des institutions constitue un sport national. Que ce soit au niveau politique où l’on n’en finit plus de nous expliquer qu’il faut réformer les institutions, au niveau éducatif où l’on ne compte plus les projets de réforme suivis immanquablement de déceptions et de manifestations, au plan religieux où de nombreux vaticanologues nous expliquent les tares du système de gouvernement de l’Église catholique, peu d’institutions trouvent grâce devant notre regard critique.
Il y a une sorte de destin des institutions.
Dans un premier temps, l’époque de la création, l’institution se remet sans cesse en cause au nom des valeurs qui l’ont fait naître. Elle se perçoit comme un outil à perfectionner sans cesse au service d‘un but qui la dépasse.
Puis, peu à peu, ceux qui la font fonctionner adaptent ces valeurs à leur confort intellectuel et matériel. Ce qui était un outil devient une finalité en soi : c’est le temps du corporatisme.
Enfin, peut arriver la phase contre-productive : l’obsession du fonctionnement de l’institution et des intérêts de ceux qui y travaillent en fait progressivement un contre témoignage par rapport aux valeurs dont elle se réclame. Combien d’institutions créées dans la ferveur militante, spirituelle, révolutionnaire, poétique ont fini en refuge pour caciques et prébendes pour les amis du pouvoir !
Il est donc sain que se déploie l’analyse critique des institutions afin qu’elles évitent de sombrer dans ces dérives. Pour cela, cette critique ne doit pas se réduire à une sorte de dépit d’amoureux déçus attendant « le salut » de ces institutions. On exècre alors ce qu’on a adoré.
Si l’on veut éviter de radoter indéfiniment dans des débats stériles il convient de réinterroger sans cesse les institutions au nom des valeurs qui les ont suscitées. C’est un travail de régulation permanente qui, évidemment, remet en cause régulièrement des pensées et des personnes « installées ». Ce travail est parfois dangereux : il a mené le Christ à la mort.
Nous pensons trop souvent que les institutions redeviendraient bonnes si elles étaient gouvernées par des gens qui pensent comme nous. Ainsi, le monde pourrait à nouveau marcher vers des lendemains qui, à défaut de chanter, pourraient tout au moins fredonner !
Finalement nous sommes obsédés par la question du pouvoir.
À l’heure où les medias se délectent des jeux d’influence en vue de l’élection d’un nouveau Pape, il est plus que jamais nécessaire de se souvenir que la vitalité de l’Église catholique ne viendra pas d’abord d’un Pape « sauveur suprême » mais de la prise de responsabilité de chaque croyant.
Bernard Ginisty