Débat sur la laïcité : les religieux s’unissent pour dire « non »
Les responsables des cultes en France, déjà opposés au débat du 5 avril sur la laïcité et l'islam, reviennent à la charge mercredi avec une déclaration commune soulignant « les confusions préjudiciables » qu'il engendre.
« Faut-il dans le contexte actuel un débat sur la laïcité ? » s'interrogent les représentants des six grandes religions de France (catholique, orthodoxe, musulmane, protestante, juive, bouddhiste), réunis au sein de la Conférence des Responsables de Culte en France (CRCF). « Le débat est toujours signe de santé et de vitalité. Le dialogue est toujours une nécessité. Mais un parti politique, fût-il majoritaire, est-il la bonne instance pour le conduire seul ? »
« L'accélération des agendas politiques risque, à la veille de rendez-vous électoraux importants pour l'avenir de notre pays, de brouiller cette perspective et de susciter des confusions qui ne peuvent qu'être préjudiciables », selon la CRCF.
Déjà, la semaine dernière, Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France, déclarait : « Depuis le début, notre impression est que ce débat est comme trop marqué du sceau d'un calendrier électoral ».
Impression partagée par le pasteur Claude Baty : « On voit bien que le grand souci d'un certain nombre, ce n'est pas la laïcité, mais comment utiliser les religions à leur profit dans une période électorale. Dès le départ, j'ai souligné que ce débat était malsain », rappelle-t-il.
« Malsain », c'est également le terme choisi par le grand rabbin de France Gilles Bernheim pour qualifier le climat ambiant d'une société « très malade » qui cherche des « boucs émissaires ».
En réponse, le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, a une nouvelle fois justifié mercredi la volonté de l'Élysée d'organiser ce débat.
« C'est à un grand parti politique de traiter des questions du pacte de la République laïque, à condition que ce ne soit pas dans une logique de stigmatisation », a-t-il expliqué.
Dans les milieux confessionnels, certains n'hésitent pourtant pas à qualifier de « course à l'échalote » entre l'UMP et le Front national la récupération de thèmes sécuritaires et identitaires et refusent de s'y associer.
Malgré les démarches de M. Copé et du ministre de l'Intérieur chargé des Cultes, Claude Guéant, les responsables religieux refusent de participer au débat, préférant envoyer des "observateurs".
C'est le cas du pasteur Baty, de Mgr André Vingt-Trois (président de la Conférence des évêques de France) ou de Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman.
Au-delà de l'écueil d'une récupération politique, en période électorale, qui se traduirait par « des amalgames et des risques de stigmatisation » des musulmans, tous relativisent le bien-fondé même du débat, alors que rapports et circulaires se sont empilés et attendent qu'on les consulte.
« Faut-il recenser tous les colloques et autres séminaires qui ont abordé en long et en large la question de la laïcité et de ses applications dans notre pays depuis des années ? », s'interroge la CRCF.
« Faut-il rappeler les travaux étendus et exhaustifs de la Commission présidée par le Pr Jean-Pierre Machelon, qui ont donné lieu à un rapport remis au ministre de l'intérieur le 20 septembre 2006 ? ». Ce rapport avait abordé d'une manière approfondie les différents aspects liés à l'exercice du culte en France.
Au centre d'une vaste polémique, le « débat sur l'islam » de l'UMP – devenu « colloque sur la laïcité » par pudeur sémantique, puis « convention » –, qui se tiendra le 5 avril devrait surtout concerner l'exercice du culte musulman en France : prières dans la rue, soins à l'hôpital, formation des imams, viande halal dans les cantines, accompagnement des sorties scolaires.
La-Croix.com