Cathos, il faut lire la confession d'Augsbourg
En 1979, parut une édition œcuménique 1 de la Confession d'Augsbourg (= C.d'A.) pour le 450e
anniversaire de sa publication. Cette nouvelle traduction a mis à disposition des lecteurs francophones, catholiques comme luthériens ou réformés, un écrit qui a représenté, à son époque, la
dernière opportunité d'un dialogue réel entre l'Église romaine et les « protestants », avant que devienne définitive la rupture, déjà entamée avec la condamnation de l'enseignement de
Luther par la Bulle Exsurge Domine de Léon X (1520), et ensuite son excommunication.
En postface, figure un texte important de Mgr Armand Le Bourgeois 2. Sans complaisance, il livrait ses réactions « spontanées » mais riches d'une « lecture attentive et répétée » de la Confession d'Augsbourg. Il constate dès l'abord qu'elle « représente l'ancêtre des textes œcuméniques, dans la mesure où elle témoigne de la volonté de s'expliquer clairement entre chrétiens, avec l'espoir de liquider certains contentieux nés souvent d'interprétations erronées, ou du moins de définir avec précision les convergences et les divergences ».
Dans la première partie, Articles fondamentaux de la foi et de la doctrine, on s'aperçoit que, comme le souligne Mgr Le Bourgeois, « un catholique – surtout après Vatican II – retrouve sa propre foi dans la plupart des articles ». Cette lecture permet du moins de balayer un certain nombre d'idées négatives reçues sur ce que professent les protestants issus du luthéranisme, d'autant que le principal rédacteur, Philippe Melanchthon (1497-1560), grand humaniste, a gardé un ton assez irénique à ce manifeste.
La doctrine exposée dans la C.d'A., affirme la conclusion de sa première partie, « est conforme à la pure Parole de Dieu et à la vérité chrétienne. Puisque notre doctrine est clairement fondée sur les Saintes Écritures ; puisqu'elle n'est nullement en contradiction avec l'Église chrétienne universelle, pas même avec l'Église romaine […] nous estimons que nos adversaires ne peuvent pas être en désaccord avec nous quant aux articles ci-dessus. Pour cette raison ils agissent donc entièrement sans charité, avec précipitation et contrairement à l'unité chrétienne et à l'amour, ceux qui se sont mis en tête de rejeter les nôtres comme des hérétiques, de les condamner […] sans qu'ils puissent justifier leur conduite par aucun commandement de Dieu ni par aucun témoignage de l'Écriture Sainte. Car l'aberration et le désaccord portent principalement sur divers abus et certaines traditions ».
En effet, les 21 articles de la 1e partie résument une doctrine qui est celle de l'Église. Dès l'article 1 est proclamée l'adhésion au Concile de Nicée (325), c'est-à-dire au même Credo que l'Église romaine. Et l'accord se poursuit sur la plupart des points importants, en particulier touchant à Jésus-Christ. C'est le cas à l'article 3, Du Fils de Dieu, qui redit le Credo, et à l'art. 17, Du retour du Christ pour le jugement, aboutissant à la vie éternelle et à la félicité ou à l'enfer et aux tourments éternels. (NB. : il n'est pas question du Purgatoire). Et l'article 2 admet l'existence du péché originel, « corruption innée et contagieuse… qui assujettit à la damnation… tous ceux qui ne sont pas régénérés par le baptême ».
L'article 4 porte sur La justification, longtemps pierre d'achoppement entre Rome et les Réformés, avec la question qui fâche sur la place des œuvres, qui reste, tout au long, la grande préoccupation de la C.d'A. Mais on sait que le 31 octobre 1999 cet obstacle a été dépassé par une Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification, intervenue entre l'Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale aboutissant à une formule commune : « Nous confessons ensemble que la personne humaine est, pour son salut, entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu ». Fini donc le semi-pélagianisme d'une partie de la prédication catholique et de la multiplication des œuvres et pratiques de dévotion. Ce qui n'empêche pas l'article 6, De la nouvelle obéissance, s'appuyant sur les Pères de l'Église, d'enseigner qu'on doit faire, « pour l'amour de Dieu, toutes sortes de bonnes œuvres que Dieu lui-même a commandées. Mais il faut se garder de mettre sa confiance dans ces œuvres et de vouloir mériter par elles la grâce de Dieu ».
Il est vrai que sur cette question, des « abus » semblent avoir été loin puisque, si l'on en croit Melanchthon (art. 27, Des vœux monastiques), on aurait, de son temps, prétendu que les vœux monastiques élevaient au dessus du baptême, méritant la rémission des péchés et la justification devant Dieu. On y reviendra.
Sur l'Église, l'article 7 ne dit rien d'inacceptable pour un Chrétien soucieux d'unité par delà ce qui procède d'une culture particulière : « Nous enseignons aussi qu'il n'y a qu'une Sainte Église chrétienne et qu'elle subsistera éternellement. Elle est l'Assemblée de tous les croyants parmi lesquels l'Évangile est enseigné en pureté (l'art. 5 a insisté sur le Ministère de la Parole) et où les Saints Sacrements sont administrés conformément à l'Évangile. Car pour qu'il y ait unité véritable de l'Église chrétienne, il suffit que tous soient d'accord dans l'enseignement de la doctrine correcte de l'Évangile et dans l'administration des sacrements en conformité avec la Parole divine ». Mais quant à obtenir « l'unité véritable de l'Église chrétienne, il n'est pas indispensable qu'on observe partout les mêmes rites et cérémonies qui sont d'institution humaine ».
À propos des sacrements, la C.d'A. condamne (art. 8) la prétention qu'avaient les donatistes à refuser la validité d'un sacrement administré par un prêtre impie. Cette condamnation, semblable à celle qu'avait portée jadis l'Église de Rome, n'était pas sans répondre à des problèmes contemporains dans la période troublée de la Renaissance. Les sacrements ne sont employés correctement (art. 13) que si on les reçoit avec foi et si l'on s'en sert pour consolider la foi.
Les Luthériens gardent trois sacrements (Art. 9, 10, 11 et 12). D'abord, bien sûr, le baptême « nécessaire au salut » ; ils admettent même, contre les Anabaptistes, le pédo-baptisme par lequel les enfants « sont offerts à Dieu et lui deviennent agréables ».
Dans la sainte Cène, la C.d'A. enseigne que « le vrai corps et le vrai sang du Christ sont réellement présents, distribués et reçus, sous les espèces du pain et du vin ». On sait que pour les catholiques ces espèces sont « substantiellement » transformées en corps et sang du Christ (transsubstantiation, notion entrée dans le dogme en 1215 à Latran IV), alors que chez les théologiens luthériens, plus prudents sur les transformations physico-chimiques, ils coexistent.
Contrairement à ce que sera ultérieurement la position des Calvinistes, la C.d'A. conserve ce qu'on peut appeler le sacrement de pénitence, à commencer par la confession privée (art. 11). Cependant, l'énumération complète de tous les délits n'est pas nécessaire parce qu'elle est impossible. La repentance (art. 12), qui comprend la contrition et la foi en l'Évangile et en l'absolution, s'appuie sur « la certitude que les péchés nous sont remis et que la grâce nous est méritée par Jésus-Christ », application de la « sola fide », professée par les Réformés, contre d'éventuelles « œuvres de satisfaction ». On doit ensuite « amender sa vie et renoncer au péché ». L'Église ne doit pas refuser l'absolution chaque fois que le pécheur se repent.
Qu'il n'y ait pas d'autres « sacrements », pour les luthériens, ne signifie pas qu'ils ne considèrent pas telle pratique, retenue parmi les sept sacrements par l'Église romaine, comme respectable. Par exemple, à l'article 16, sur le Gouvernement civil, il est écrit que l'Évangile enseigne qu'on doit observer le mariage comme une véritable « institution divine ».
Sachant la place prépondérante de la Parole de Dieu, on ne s'étonnera pas que le court article 14, intitulé Du gouvernement de l'Église, insiste sur les conditions de l'enseignement et de la prédiction publique, ainsi que sur l'administration des sacrements.
L'article 15 devient plus critique vis-à-vis des Rites ecclésiastiques. Il consent à ce qu'on observe ces « rites établis par des hommes » quand on peut le faire « sans péché et [lors]qu'ils contribuent à la paix et au bon ordre dans l'Église ». En revanche, il refuse d'en charger les consciences, car « toutes les traditions instituées par les hommes pour réconcilier Dieu et mériter sa grâce sont contraires à l'Évangile et à la doctrine du salut par la foi en Christ ». Seraient inutiles, on y reviendra : les vœux monastiques, les distinctions établies entre les aliments, les jours de l'année, etc. par lesquels on croit offrir satisfaction pour les péchés.
On a parfois reproché à Luther sa complaisance à l'égard des princes, et plus tard à Calvin d'avoir transformé Genève en une sorte de théocratie. L'article 16 sur le Gouvernement civil prône effectivement le respect total de la société civile et de ses activités : emplois publics, armée, justice, commerce, mariage. Il insiste sur la vie intérieure et « prescrit de mettre en pratique la charité chrétienne dans ces états, et que chacun fasse de bonnes œuvres selon sa vocation ». Les Chrétiens doivent obéir aux autorités et aux lois, « sauf dans le cas où ils ne peuvent s'y conformer sans pécher, car, dans ce cas, on doit obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes ».
Sur un débat essentiel du temps : le Libre arbitre 3 (art. 18), la C.d'A., s'appuyant sur saint Augustin, reconnaît qu'il y a dans l'homme une intelligence innée, « une certaine liberté de volonté pour mener une vie extérieure honorable et pour choisir entre les choses accessibles à la raison. Mais sans la grâce, l'assistance et l'opération du Saint-Esprit, il n'est pas possible à l'homme de plaire à Dieu […] de mettre sa confiance en lui, et d'extirper de son cœur la mauvaise convoitise innée. Ce hiatus entre Dieu et les hommes pose la question De l'origine du péché originel (art. 19), qui relève de « la volonté pervertie qui produit le péché dans tous les méchants et les impies ».
À partir de l'article 20, De la foi et des bonnes œuvres, les déclarations sont plus longues et le ton devient, parfois, un peu plus polémique, quoique non sans mesure et nuances. Ainsi, s'il dénonce les « pratiques puériles et vaines, telles que rosaires, cultes des saints, moinerie, pèlerinages, neuvaines, jours fériés, confréries, etc. », il reconnaît que « nos adversaires ne font plus tant de cas de toutes ces observances inutiles, comme ils le faisaient autrefois. Ils ont même appris à parler de la foi […] Ils vont jusqu'à enseigner maintenant que nous ne sommes pas justifiés devant Dieu uniquement par les œuvres. Ils y joignent la foi en Christ ». À noter qu'une demie génération plus tard le Décret sur la Justification du Concile de Trente (6e session, 13 janvier 1547) n'était pas très éloigné, quant au fond, de ces positions modérées, appuyées sur Éphésiens 2,8 : le salut gratuit par la grâce de Dieu, doctrine « éminemment consolante et salutaire pour les consciences inquiètes et terrifiées ». La C.d'A. n'est pas hostile aux « bonnes œuvres », mais remises à leur place : « nous enseignons qu'il est absolument nécessaire que l'on fasse de bonnes œuvres, non pas dans l'intention de s'y fier et de mériter la grâce, mais par amour pour Dieu, et pour sa louange ».
Contrairement à ce que l'on dit parfois, les Luthériens ne sont pas hostiles à l'invocation des saints (art. 21), à condition de les prendre pour exemples et non comme intercesseurs « car il n'y a qu'un seul Réconciliateur et Médiateur entre Dieu et les hommes : Jésus-Christ (1Timothée 2,5) ».
La conclusion de la première partie insiste sur le fait que sa doctrine est clairement fondée sur les Saintes Écritures, « nullement en contradiction avec l'Église chrétienne universelle, pas même avec l'Église romaine » ; et elle s'étonne que ses partisans puissent être rejetés comme hérétiques et condamnés.
La deuxième partie : Articles qui sont contestés et où l'on traite des abus qui ont été corrigés peut paraître plus contestataire, mais ils s'appuient sur l'Écriture et correspondent presque toujours à une défense de la justification par la foi. Notons qu'une partie des objets de ces controverses semblent aujourd'hui en partie tombés en désuétude, dépassés, ou pourraient l'être.
Article 22 : De la communion sous les deux espèces pratiquement interdite alors pour les laïcs. La C.d'A. constate que les textes scripturaires invitent à cette pratique. On peut ajouter qu'elle a été pratiquée au moins occasionnellement en Occident jusqu'au concile de Constance (1415) ; elle le reste dans certains cas comme pour les époux lors du mariage, et reste constante en Orient. Rien sur le plan dogmatique ne justifie cette restriction, si l'on en croit Vatican II et les dernières normes liturgiques 4. Il ne s'agit donc que d'une disposition pragmatique, parce que pour la distribution du vin il est difficile d'évaluer la quantité nécessaire, qu'elle demande plus de personnes et qu'elle pose la question du procédé de distribution (boire à la coupe, cuiller ou chalumeau, intinction…).
Autre question, qui reste actuellement contestée : Du mariage des prêtres (art. 23). C'est au nom de la morale que la C.d'A. s'élève contre le célibat de prêtres, trop souvent « incapables de se contenir dans les bornes de la chasteté ». Et ceux qui ont rallié Luther et sont entrés dans l'état de mariage l'ont fait pour des raisons de conscience, « pour éviter tant de scandales odieux, l'adultère et la fornication ». Il rappelle la remarque de Paul (1Corinthiens 7,9) : « Il vaut mieux se marier que de brûler » et aussi que, dans l'Église d'autrefois (en fait jusqu'à la Réforme grégorienne à la fin du XIe s.), il était d'usage que les prêtres et les diacres se marient, et qu’ils continuèrent souvent, au delà, illicitement. « Dieu lui-même… a établi l'état du mariage pour venir en aide à l'infirmité humaine et pour mettre obstacle à l'immoralité ». D'ailleurs « il n'y a point de vœu qui puisse modifier la loi divine ». On sait que Charles-Quint, inquiet de voir l'Église d'Allemagne éclater, plaida en faveur de cette demande auprès du Saint-Siège, en vain.
Autre sujet majeur de dispute : De la messe (art. 24). Melanchthon précise qu'elle est célébrée chez les protestants « d'une manière plus sérieuse et avec plus de vénération que chez nos adversaires ». Seule innovation : « en quelques endroits on chante des cantiques allemands à côté des chants latins, pour instruire et exercer le peuple, puisque toutes ces cérémonies doivent servir principalement à l'instruction du peuple dans ce qu'il lui est nécessaire de connaître concernant le Christ ». NB. : sauf exception, il a fallu attendre Vatican II pour que la messe catholique puisse être dite largement dans les langues nationales.
Puis le rédacteur dénonce les abus auxquels la messe a pu donner lieu. On en a fait « une véritable kermesse ; on l'a achetée et vendue ; [partout…] la plupart des messes ont été célébrées pour de l'argent […], messes vénales et privées qu'on était obligé jusque là de célébrer pour jouir de certaines prébendes ou pour s'assurer un revenu… ».
Apparemment, des prédicateurs affirmaient que la mort du Christ « n'aurait expié que le péché originel et qu'il aurait institué la Messe pour qu'elle soit un sacrifice pour les autres péchés […] De là vint l'immense multiplication des messes, par lesquelles on prétendait obtenir de Dieu tout ce dont on avait besoin. Il va sans dire qu'ainsi la foi en Christ et le véritable service divin sont tombés dans l'oubli ». Or, une fois de plus, la C.d'A. rappelle que, selon les Écritures, le Christ s'est offert une seule fois, qu'ainsi il a aboli le péché et nous a sanctifiés une fois pour toutes (Hébreux 9,26-28 ; 10,10) ». En outre, autrefois la messe n'était pas célébrée tous les jours.
On a déjà dit que les Luthériens avaient conservé la confession (art. 11 et 12). L'article 25 y revient, célébrant l'absolution cette « grâce inestimable et précieuse » et dont les paroles sont consolantes et le « pouvoir… nécessaire aux consciences angoissées ». Il s'oppose, en revanche, à l'énumération interminable des péchés et l'accablement imposé des satisfactions, indulgences, pèlerinages, etc., en lieu et place d'une véritable repentance. On doit reconnaître que la nouvelle conception du sacrement de pénitence aujourd'hui va dans ce sens.
Destiné également à désencombrer les consciences scrupuleuses, la C.d'A. refuse la distinction des aliments (art. 26) : jeûne et abstinence considérés par l'Église romaine comme des pratiques méritoires au détriment de la seule foi au Christ, au risque de les multiplier sans fin, et de les rendre impraticables. « Déjà avant nous, bon nombre de gens pieux se sont plaints de ce que ces traditions engendrent force querelles dans l'Église, et que des âmes pieuses sont empêchées par là de parvenir à la vraie connaissance de Christ […] Il déplut déjà à saint Augustin qu'on chargeât les consciences du joug de tant de traditions […] une nécessité impérieuse nous a contraints de dénoncer les erreurs… qui sont nées d'une fausse conception des traditions […]. On ne saurait avoir l'intelligence de [la doctrine de la foi] tant qu'on s'imagine qu'on peut mériter la grâce par des œuvres de son propre choix ».
Les partisans de la C.d'A. sont pourtant loin de mépriser la mortification, comme on le leur reprochait ; ils la font servir « non pas à mériter des grâces, mais à maintenir le corps dans une disposition qui ne fasse point obstacle à ce qui est exigé de chacun par le devoir de sa vocation ». Ils ne rejettent pas les jeûnes, ni d'autres rites ou traditions, tels les jours de fêtes, mais leur caractère obligatoire.
Des vœux monastiques (art. 27). On se souviendra que Luther a été moine augustin pendant au moins seize ans : il sait de quoi il parle. C'est peut-être pour cela que cet article est si long. « Du temps de saint Augustin l'état monastique était libre. Plus tard, la bonne discipline et la saine doctrine s'étant corrompues, on inventa les vœux monastiques, voulant ainsi rétablir la discipline par l'intervention de cette espèce de prison […] En plus on a imaginé beaucoup d'autres règles, qui formèrent autant de chaînes et de fardeaux dont on accabla bien des gens, même avant l'âge convenable 5. Bon nombre de personnes aussi se sont engagées dans la vie monastique par ignorance, qui, bien que n'étant pas trop jeunes, s'étaient fait illusion sur leur force ». Sans compter ceux sur qui on a fait pression.
La C.d'A. s'interroge sur l'utilité des couvents : « autrefois, on (y) tenait des écoles dans lesquelles on enseignait les Saintes Écritures […] si bien que c'était aux couvents qu'on prenait les pasteurs et les évêques […] Maintenant on prétend que (par) la vie monastique… on mérite la grâce et la justice devant Dieu ; oui, on dit même qu'elle est un état de perfection… supérieur aux autres états qui, eux, sont institués par Dieu, tel le mariage, qui permet d'éviter l'impudicité. Si bien que ceux qui rompent leurs vœux pour se marier, à supposer même [qu'ils] soient blâmables, il n'en suivrait pas qu'on doive dissoudre le mariage qu'ils ont contracté par la suite ». La suite est, de nouveau, un plaidoyer en faveur de la justification par la foi et elle seule. Car la seule perfection chrétienne « consiste à craindre Dieu sincèrement et de tout son cœur, et à avoir quand même la ferme confiance du cœur et la foi par laquelle nous sommes assurés que, grâce à Christ, nous avons un Dieu favorable et miséricordieux… »
Article 28 : Du pouvoir des évêques. La C.d'A. distingue le pouvoir spirituel des évêques et la « puissance temporelle du glaive ». Certains évêques se comportaient davantage en seigneurs qu'en pasteurs, confusion qui a engendré des soulèvements et des émeutes. Ces évêques, abusant du pouvoir qui leur a été donné par le Christ, ont accablé les consciences, entre autres par un emploi brutal de l'excommunication ; ils ont même osé s'immiscer dans le politique et installer et destituer des rois et des empereurs.
Les prédicateurs de la Réforme luthérienne reconnaissent le pouvoir des évêques, mais « le ministère épiscopal, en tant que ministère de droit divin, consiste à prêcher l'Évangile, à pardonner les péchés, à juger la doctrine, à rejeter la doctrine contraire à l'Évangile, à exclure de l'Église chrétienne les impies dont l'impiété est manifeste, sans violence, uniquement par le moyen de la Parole de Dieu ». Il n'a donc rien à voir avec le gouvernement civil qui « s'occupe de toute autre chose que de l'Évangile, puisqu'il protège, non pas les âmes, mais les corps et les biens des sujets contre la violence matérielle, au moyen de l'épée et des châtiments corporels ». Il est vrai que par la suite il y a eu parfois confusion dans les pays passés à la Réforme calviniste, à Genève en particulier.
À la fin de ce texte, on retrouve une véritable obsession de la liberté de conscience, car « la servitude de la Loi n'est pas nécessaire pour la Justification (Galates 5,1) », mais sans aucun laxisme. Il y a un vrai souci de l'ordre dans les assemblées, mais aussi une méfiance à l'égard de nouveaux rites, d'un culte semblable au culte lévitique. En même temps, des modifications de pratiques ont été apportées – sans raison – comme on l'a vu pour le refus de la communion sous les deux espèces.
Conclusion de la Confession d'Augsbourg
Le rédacteur de la C.d'A. remarque qu'il aurait pu alléguer bien d'autres erreurs ou abus. Il n'a pas voulu céder à la prolixité. Il ajoute qu'il n'a eu l'intention de ne blesser personne mais de s'en tenir toujours à l'Écriture. « Nous avons décidé de remettre par écrit les articles ci-dessus, pour exposer publiquement notre Confession et notre Doctrine. Si quelqu'un la trouve insuffisante, nous sommes prêts à lui fournir une plus ample déclaration, appuyée de preuves tirées des saintes et divines Écritures ». Cette adresse à l'empereur est signée par sept princes et villes de l'empire.
Le long texte de Melanchthon (139 p.) est plus riche que cette manière de résumé commenté. Il a semblé néanmoins utile d'attirer l'attention des lecteurs d'un dossier sur l'œcuménisme sur ce qui constitue la base première de la séparation. On peut regretter que l'incompréhension ou l'intransigeance de certains responsables religieux, les conditions historiques, y compris des relations de l'Empire de Charles Quint et du pape Clément VII, au moment de la Diète d'Empire, tenue à Augsbourg en 1530, pour régler ce qui semblait un schisme, ait précipité une rupture, dont on pourrait espérer sortir.
Marcel Bernos
1 – Éditions Le Centurion,
Paris et Labor et Fides, Genève, 1979, 139 p.
2 – Alors évêque d'Autun et Président de
la Commission épiscopale pour l'Unité.
3 – Il y aura controverse entre Luther
et Érasme, celui-ci s'éloignant de celui-là, jusqu'à la rupture.
4 – Cf. L'Instruction Redemptionis
Sacramentum (25 mars 2004) chap. 4,4, § 100 à 104.
5 – Parfois avant les 15 ans canoniques
et donc la capacité de discernement de l'engagement.