Carême, temps de lutte contre nos idolâtries

Publié le par G&S

Les chrétiens viennent d’entrer dans le temps du Carême qui les invite à résister à leurs pulsions primaires habituelles pour vivre une certaine épreuve du « désert ». Dans une société où les belles images de la publicité comme les exhortations des responsables politiques à soutenir la croissance par nos achats ne cessent de nous pousser à consommer, on ne saurait trop exagérer l’importance de vivre des temps de distance et de recul.

Au début de sa vie publique, le Christ a séjourné au désert pour affronter les grandes tentations de l’homme : celle de la voracité, du pouvoir et de la séduction qui ne cessent de générer des idoles masquant la gratuité inconditionnelle et créatrice de Dieu.

En ce début du XXIe siècle, nous savons que les progrès des sociétés ont été de pair avec la persistance d’atroces barbaries. Nous savons que l’accès à l’humain n’est jamais acquis une fois pour toutes et qu’aucune institution, aussi nobles que soient ses origines, n’est à l’abri des perversions. Nous avons vu des religions prêchant l’amour bénir des crimes nationalistes et des idéologies généreuses sombrer dans de sanglantes bureaucraties. Le grand optimisme du XIXe siècle qui attendait de la diffusion de la science et de la culture une automaticité du progrès moral a volé en éclats. L‘horreur de la Shoah a été perpétrée par un des pays d’Europe les plus cultivés et christianisé depuis quinze siècles !

En réaction contre ces idoles meurtrières masquées derrière l’affirmation de valeurs universelles peut apparaître la tentation d’un scepticisme radical à l’égard de tout projet d’amélioration de la vie en société. Mais ce n’est pas parce que l’on a été pris en flagrant délit de niaiserie idolâtre qu’il convient de s’abandonner aux niaiseries de la « pensée unique » de l’époque. Ce n’est pas parce que l’on a été délogé une fois de ses idolâtries que l’on est dispensé de rester à l’écoute des malheurs du monde. Ce qui est en cause, ce ne sont pas les valeurs mais l’oubli de la source intérieure qui peut seule donner sens aux créations institutionnelles qui prétendent incarner ces valeurs.

Nous avons tous, dans notre vie, à nous défaire d’idoles que nous avons plus ou moins vénérées. Le temps de Carême peut nous apprendre à surmonter ces tentations immanquablement suivies de déceptions et de régressions. Certes, comme l’écrit l’auteur de la première Épitre de Jean : « Dieu, nul ne l’a jamais contemplé ». Mais, ajoute-t-il, « si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour, en nous, est accompli » 1. Aucune prétendue connaissance du « vrai Dieu » ne saurait faire l’économie de l’engagement dans une fraternité universelle. Notre avenir ne sera fait ni de l’enfermement  dans nos idolâtries ni de la rumination de nos rancœurs ou de la subtilité de nos analyses critiques. Il est ce que nous allons commencer ensemble car chaque idole renversée ouvre les chemins de nouvelles naissances.

Bernard Ginisty

1 – Première Épître de Jean 4,12

Publié dans Réflexions en chemin

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