Cardinal Vingt-Trois : "Des cadeaux oui, mais pas démesurés"
En cette veille de Noël, le cardinal André XXIII est interviewé sur RTL.
L'archevêque de Paris répond aux questions de Philippe Corbé.
Bonjour André Vingt Trois
Bonjour
Nous sommes le 24 décembre, ce matin pour venir ici à RTL vous avez traversé de larges rues illuminées à grands frais… vous êtes passé devant des magasins achalandés avec luxe. On est quand même très loin de la pauvreté de la crèche de Bethléem.
Oui, tout à fait. C'est notre société qui en est loin. C'est notre mode de vie qui est tout à fait différent de ce qu'il était au premier siècle. Heureusement.
En même temps, Noel c'est la fête absolue de la surconsommation matérialiste ?
Oui. D'une certaine façon, cette surconsommation elle a un peu deux visages. Elle a le visage de la solidarité, du partage, le désir de faire plaisir à ceux qu'on aime et de leur faire des cadeaux qui manifestent qu'on est dans une fête. Ce qui est son visage sympathique et positif. Et puis elle a un visage négatif qui est : essayer d'oublier qu'on existe. Essayer de faire la fête pour ne pas penser à la réalité.
Vous ne conseillez pas aux parents de donner moins ou pas de cadeaux ? Rassurez-moi.
Pas de cadeaux, non. Des cadeaux raisonnables, oui. Je veux dire ne pas entrer dans les excès.
Pas de jeux vidéo, de dépenses inconsidérées…
Pas de choses démesurées !
Vous croyez au Père Noël, vous ?
Ah non je n'y ai jamais cru !
Et ça ne vous agace pas que le gros bonhomme rouge fasse concurrence parfois dans l'esprit de beaucoup de gens au Petit Jésus ?
Non, ça fait partie du folklore. Ça n'a pas grande importance.
Des millions de chrétiens vont célébrer ce soir la naissance du Christ. Ce sont de grandes questions : la naissance, la vie, l'enfant désiré ou pas. Beaucoup de femmes et d'hommes en France sont attachés au droit à l'avortement et parmi ces hommes et ces femmes beaucoup de chrétiens. Vous les comprenez parfois ?
Je pense qu'il y a des situations de détresse où on comprend que des gens soient acculés à des décisions très graves. Je ne crois pas que ce soit le cas de 200.000 personnes chaque année. Donc je pense qu'il y a une disproportion entre le nombre des avortements en France et les situations de détresse réelle. On sait très bien, beaucoup de gens font la théorie qu'on est maintenant dans une pratique de l'avortement de convenance.
De convenance, c'est-à-dire de confort ?
De convenance, c'est-à-dire que ce n'est pas le bon moment, etc. Et puis on est devant une revendication d'un droit à l'avortement. C'est-à-dire du droit de vie et de mort sur un autre.
Mais quand l'enfant n'est pas désiré, vous comprenez que des femmes ou des hommes puissent choisir.
Ils peuvent choisir de ne pas le concevoir.
Ah oui, mais les joies du plaisir sexuel sont parfois incontrôlables !
Mais le plaisir sexuel n'inclue pas forcément la procréation
Je vous demande ça en cette veille de Noël parce que certains chrétiens ont cru lire dans les écrits récents du Pape Benoit XVI un infléchissement, une ouverture de sa position sur le préservatif, notamment comme moyen de contraception et évidemment comme moyen de protection contre les MST.
Pas du tout. Il n'a jamais parlé du préservatif comme moyen de contraception.
Il avait dit que c'était peut être une sorte de moindre mal dans certains cas précis.
Il n'a pas dit que c'était un moindre mal, il a dit que dans des situations extrêmes de danger pour le partenaire, c'était moins criminel d'éviter de donner la mort…
Donc on s'est trompé en lisant une ouverture ? On a lu autre chose…
Peut-être.
Ou on a voulu voir autre chose ! On parlait de l'avortement. Plus aucun parti politique en France ne défend cette position là de l'Église sur l'avortement. Même Marine Le Pen a fait infléchir celle du Front National. Et on l'a entendu ces derniers jours comparer les prières de rues des musulmans, notamment dans votre ville de Paris à l'occupation.
Eh bien c'est son fonds de commerce…
C'est tout ?
Qu'est ce que vous voulez que je vous dise ? Je ne suis pas là pour faire la publicité de Marine Le Pen. Donc je préfère parler d'autre chose.
Marine Le Pen ou d'autres qui brandissent comme ça l'étendard de la laïcité. Vous vous êtes beaucoup exprimé ces derniers mois sur la burqa, sur les questions d'immigration. Vous avez l'impression que les questions de laïcité sont agitées par les partis politique de gauche et de droite ?
Il y a à certains moments, des expressions un peu différentes. Il y en a qui profitent de cette occasion pour ressusciter de vieux combats dont on pensait qu'ils avaient été clos dans les années 1920. Mais enfin il y a toujours des gens qui n'ont pas suivi l'actualité.
Vous pensez à qui précisément ?
Non mais je pense à des groupes laïcards particulièrement virulents.
À gauche ? Mais aussi ailleurs ?
Pas à gauche, des laïcards tout simplement, voilà.
Vous avez été reçu lundi par François Fillon. Vous vous réjouissez que le nouveau gouvernement ne compte pas de Ministère de l'Immigration, de l'Identité Nationale ?
Non, ça me fait ni chaud ni froid parce que je pense que le fait qu'il y ait un ministère ou pas ne change pas grand-chose à la politique
Vous pensez que le gouvernement a infléchi sa position sur les politiques d'immigration ?
Je n'en suis pas sûr du tout. Je pense que la politique d'immigration est repassée au ministère de l'intérieur. Point. Ca ne veut pas dire qu'elle a changé.
Et pourtant vous aviez appelé à une nécessaire ouverture à l'autre, cet été par exemple.
Tout à fait, oui mais je ne sais pas : je voudrais savoir s'il y a eu un infléchissement de la politique de l'immigration. Je n’en suis pas sûr.
Parmi les succès inattendus de l'année, 750.000 exemplaires vendus de Spiritus Dei, c'est un disque enregistré par des prêtres. Plus de 3 millions de spectateurs pour le film « Des hommes et des Dieux ». Est-ce que ça vous réjouit de voir que la foi est une question présente dans la société française ?
Je ne suis pas sûr que ces succès médiatiques que vous évoquez soient significatifs d'une présence de la foi.
Ça ne vous plait pas ? Le film vous l'avez vu ?
Si, si. Oui, ça veut dire qu'il y a un intérêt. Ça ne veut pas dire que la foi progresse. Ça veut dire qu'il y a un intérêt pour des questions qui touchent à la foi et en particulier pour le film « Des hommes et des Dieux » ; il y a certainement une question de fond qui est posée sur le choix de vie.
L'engagement absolu.
Les spectateurs se trouvent devant des hommes tout à fait ordinaires, comme vous et moi, qu'on a pu connaître ; et brusquement ils sont dans une situation d'absolu et ils se disent : « mais alors ça peut arriver à tout le monde d'être dans une situation d'absolu ».
Vous voulez dire que cet intérêt médiatique ce n'est pas forcément ce qui va faire remplir les églises le dimanche matin ?
Sûrement pas.
Et vous le regrettez ?
Non, mais ce n'est pas comme ça qu'on remplit les églises.
Merci
Bon Noel