Bright Star
de Jane Campion
C’est un film émouvant et admirable que nous propose Jane Campion pour son retour après un long arrêt. La réalisatrice néo-zélandaise, on s’en souvient, avait obtenu la Palme d’Or à Cannes pour « La leçon de piano », puis avait présenté « Portrait de femme » d’après Henry James en 1996. Elle s’intéresse aujourd’hui au grand poète romantique anglais John Keats (1795-1821), mais cette fois encore en mettant au centre le portrait d’une jeune femme, Fanny Brawne, qui fut le grand amour du poète (ici excellemment interprétée par l’actrice australienne Abbie Cornish).
Jane Campion excelle à décrire ici un grand amour romantique. Romantique, car l’amour y implique l’extrême absolutisation de l’autre comme unique. Fanny, jeune fille à la personnalité affirmée, sûre d’elle-même, s’intéresse à ce voisin dont les poèmes la déroutent mais qui très vite l’enflamme. En retour, c’est elle, « bright star », l’étoile brillante que le poète chantera.
Romantique, cela signifie aussi que l’amour rencontre les plus grands obstacles sur le chemin de son accomplissement.
Les conventions sociales d’abord : John Keats est un jeune homme pauvre, sans ressources, vivant chez des amis, il n’est pas « un parti » pour une jeune fille de bonne famille, le mariage n’est pas envisageable, même pour la mère de Fanny pourtant proche de sa fille. On ne peut alors sortir sans chaperon, ce qui nous vaut quelques scènes amusantes avec la jeune sœur de Fanny qui l’accompagne partout.
Et puis, autre obstacle, la maladie. Le frère de John Keats est mort dès le début du film, poésie, amour, beauté du monde, mort, s’entrelacent dans un faisceau indissociable, John lui-même est bientôt malade et partira pour se soigner jusqu’en Italie, sans sa bien-aimée.
Cet amour passionné et tragique, Jane Campion sait le situer dans des images de toute beauté, mettant aussi en valeur les admirables poèmes et lettres d’amour de John Keats. Jamais la campagne anglaise n’avait paru aussi belle. La cinéaste crée une harmonie entre le climat de l’époque, les images et l’atmosphère de son film.
Beauté et émotion se marient jusqu’au bout.
Jacques Lefur