Benoît XVI, un homme d’hier ou de l’après-demain ?
Une question lancinante me traverse à chaque grand événement pontifical : pourquoi sont-ils venus, si nombreux, si divers ? Ces foules sont intrigantes.
À l’issue de ce voyage au Royaume-Uni, je m’interroge toujours. Comment Benoît XVI, cet homme si modeste, si timide, à l’élocution si recto tono, qui ne dit rien de conforme à la pensée ambiante, peut-il réunir tant de foules, si calmes et si tranquilles ? Dans un monde où prédomine le temps court, il ne craint jamais de prendre le temps long nécessaire à la pensée, à l’écriture, à l’enseignement. Alors que se multiplient les artifices de communication fondés sur des mots basiques et courts, il développe une pensée enracinée dans l’histoire, déployant un vaste registre lexical. Alors que prévaut la primauté du sentiment, de l’émotion, il appelle sans cesse à la raison, à l’esprit critique, au recul nécessaire à la pensée. Alors que la culture de l’écrit se dissout lentement, il attend simplement d’être lu. Alors que la transmission de l’Histoire tend à s’évaporer, il rappelle sans cesse les pierres miliaires qui ont balisé notre chemin.
Benoît XVI est-il, au fond, un homme d’hier, comme en sont persuadés ses nombreux détracteurs, ou un homme de l’après-demain, lorsque auront échoué toutes les recettes de communication, les buzz d’enfer, le storytelling simplement destinés à orienter des flux de consommation ?
Encore une fois, au Royaume-Uni, le bruit de fond médiatique s’est inversé en quelques heures. Peut-être parce que le pape s’est délibérément situé à côté et non face aux critiques. Peut-être parce qu’il a décidé de ne porter « que » le Christ. Dans l’avion, il l’a bien dit aux journalistes : « Une Église qui tenterait de se rendre attractive ne serait pas fidèle à sa mission, qui est d’être transparente en Jésus-Christ ». Et il a fixé cet objectif précis aux laïcs.
En tous cas, les foules sont là, ni manipulées ni conditionnées. Juste présentes. Qu’attendent-elles ? Une vague espérance que le bon, le bien, le vrai ont encore un sens ? Que la vie a un sens ?
Les réponses habituelles ne me convainquent pas. Le pape serait le pape et donc les foules viendraient par une sorte de tropisme ? Insuffisant. L’opposition des catholiques au monde moderne leur imposerait de se rassembler pour faire front ? Ce n’est pas conforme à la réalité, à la tonalité de ces rassemblements.
Qu’en penser ?
Frédéric Mounier
Correspondant à Rome de La-Croix.com
qui a publié cet article sous le titre Hyde Park : pourquoi sont-ils venus ?