Au Nom de Dieu ?

Publié le par G&S

Pasteur-Florence-Taubmann.jpgLa tragédie qui vient de s’achever à Toulouse risque de faire apparaître à nouveau Dieu et la religion comme responsables de la haine entre les hommes. Or ce ne sont pas les religions qui tuent. Ce sont des individus ou des groupes. Ce n’est pas Dieu qui commande de tuer. Ce sont les hommes qui projettent sur Dieu leurs fantasmes de puissance et de destruction. Pourtant on accuse souvent Dieu, ou les religions, et on imagine que tout irait mieux s’ils disparaissaient d’un monde devenu enfin raisonnable et rationnel. C’est faire peu de cas des passions qui mordent le cœur humain, de génération en génération et de siècle en siècle : jalousie, haine, domination, cruauté.

Gageons que si elles n’avaient pas le nom de Dieu, ou la cause religieuse, pour les justifier, les parer d’un semblant de noblesse, leur fixer un but et une récompense, elles ne tarderaient pas à trouver un autre idéal, quelque nécessité suprême de remplacement pour s’autoriser à déferler sur le monde selon leur bon plaisir. Les totalitarismes athées nous en ont donné de terribles exemples.

Alors comment se fait-il que le Dieu des trois monothéismes, dont l’enseignement vise la justice, la sollicitude, la miséricorde, la paix entre les hommes puisse être, de siècle en siècle et en ce moment-même, métamorphosé au point d’apparaître en sa figure contraire ? Question terrible et douloureuse pour les croyants, souvent désarmés pour y répondre !

Textes à l’appui, les accusateurs de Dieu et des religions ont beau jeu de poser le doigt sur des versets impitoyables, aussi bien dans la Bible que dans le Coran. De fait ils s’y trouvent, injustifiables mais explicables dans des contextes historiques où la violence n’avait pas le caractère scandaleux qu’elle revêt à notre époque.

Mais rendons à Dieu ce qui est à Dieu et aux hommes ce qui leur appartient : croire que les textes et les Livres Saints sont inspirés ne signifie pas que Dieu les aurait écrits, ni même dictés lui-même, sauf de manière métaphorique. Ce sont des hommes qui ont écrit la Bible et le Coran, pas n’importe lesquels certes, mais des hommes, des témoins, des croyants, des transmetteurs. Dire cela n’enlève rien à la valeur unique de ces textes, au contraire. Reconnaître leur humanité, c’est aussi rendre à Dieu son altérité, sa transcendance : on ne saurait le contenir, ni emprisonner sa Parole, dans l’Écrit ni dans la pierre.

Mais c’est aussi redonner aux croyants des différentes religions toute leur responsabilité de lecteurs, d’auditeurs, d’interprètes, et de témoins des Écritures. Sébastien Castellion en son temps disait : « Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. ». Ceux qui tuent au nom de Dieu donnent raison à ceux qui rejettent Dieu au nom de l’humanité.

Alors Dieu, la religion, sont-ils des réalités trop dangereuses ? Si dangereuses que mieux vaudrait s’en passer ? En achevant le processus de sécularisation des sociétés et en reportant sur la seule conscience éthique de l’être humain la responsabilité d’assumer les devoirs, les interdits, les valeurs nous permettant de vivre dans notre société démocratique ?

Certes la morale personnelle et la morale politique peuvent se ressourcer en elles-mêmes et dans des convictions humanistes. Mais l’être humain, comme les sociétés, recèlent des complexités, des zones d’ombre, des rêves d’absolu, des passions destructrices, des élans nihilistes devant lesquelles la réflexion éthique, le raisonnement moral sont à la fois candides et démunis. Et si la psychanalyse offre des outils d’exploration de l’âme et des comportements très précieux, cela ne suffit pas pour construire l’avenir.

Il incombe aux croyants des différentes religions monothéistes – non pas de proposer leur religion comme un remède aux maux de la planète ou comme un ilot de pureté dans ce monde déchu – ce serait une imposture, mais de témoigner que le Dieu auquel ils se réfèrent, qu’il se nomme Hashem, Dieu de Jésus-Christ, ou Allah, est le contraire d’un tueur : un Dieu de vie et pour la vie.

Et qu’ils le disent ensemble est d’une importance majeure pour déjouer les discours de ceux qui prêchent l’opposition, sinon la guerre des religions.

Et qu’ils le disent haut et fort dans la cité est enfin le meilleur moyen de ne pas abandonner ce Nom aux fondamentalistes, aux intégristes et aux extrémistes, c’est-à-dire à ceux qui l’utilisent pour leurs fins propres, que celles-ci soient religieuses, économiques ou politiques.

Pasteur Florence Taubmann
Présidente de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France

Publié dans Réflexions en chemin

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
<br /> Au milieu de tout ce tumulte actuel , ces déclarations désordonnées ,passionnelles et contradictoires dont les médias nous abreuvent quotidiennement,le texte de Florence est un vrai bouquet de<br /> fraîcheur et de raison !<br /> <br /> <br /> Robert Kaufmann<br /> <br /> <br /> Président de l'AJC de Marseille<br />
Répondre
D
<br /> Merci "Madame Pasteure" pour cette réflexion qui sonne tellement juste.<br /> <br /> <br /> Je me permets de transmetter ce texte au blogmestre de ma paroisse  ... Peut-être le postera-t-il ?<br />
Répondre
A
<br /> Totalement d’accord avec ce texte. Outre l’excellente analyse de fond que fait le pasteur Taubman, elle offre, chemin faisant, deux constats de méthode<br /> importants :<br /> <br /> <br /> 1° la dangerosité de ceux qui prétendent défendre LA Vérité, imparable couverture de leur volonté à parler au nom de Dieu pour étayer leur désir de domination<br /> ;<br /> <br /> <br /> 2° l’efficacité de l’histoire pour relativiser les dogmes et pratiques des différentes religions, permettant de tenir compte des conditions culturelles,<br /> sociales, politiques, etc. dans lesquelles se sont développés les 3 monothéismes. Par exemple, l’influence du cadre impérial, qui a enfermé le christianisme, devenu religion d’État au<br /> IVe siècle, dans une société hyper-hiérarchisée et dans le juridisme ; ou<br /> le milieu semi-nomade et tribal de la société arabe —qui n’est plus celui du XXIe siècle— dans lequel s’est développé l’islam, confronté, à l’époque, en outre aux querelles internes des groupes chrétiens,rivaux qu’il rencontrait.<br />
Répondre