Appel de prêtres et de diacres en Autriche
Comme nous l’avons fait récemment pour l’Appel de
21 prêtres français au Vatican,
il nous a paru bon de porter à votre connaissance l’appel ci-dessous,
en date du 19 juin 2011 et qui a réuni, dit-on, plus de deux cents signatures.
Le rapprochement s’impose à plus d’un titre.
Tous deux participent d’un même « signe de temps » :
la volonté qui se fait jour au sein de l’Église catholique romaine
qu’elle connaît
du fait de la désaffection d’un nombre croissant de ses fidèles.
Et, pour leurs deux appels aussi, les signataires ont choisi de
rester anonymes.
Mais c’est peu dire que les propositions qu’ils font pour
répondre à la crise sont divergentes ;
elles s’opposent du tout au tout.
Il reste que leurs initiatives conjointes constituent un autre « signe des temps » :
rien moins que l’ouverture d’un débat au sein de l’Église catholique.
On ne peut que se réjouir, tout en regrettant qu’il n’ait pas lieu à visage découvert.
S’il est permis de paraphraser Sade, comment ne pas s’écrier :
« Cathos, encore un effort… » ?
C’est à ce débat que nous voulons contribuer en publiant à la fois cet appel
(dont nous avons, comme il se doit, scrupuleusement respecté la présentation)
et la réaction de condamnation qu’il a suscitée
de la part du président de la Conférence épiscopale autrichienne.
G&S
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Appel à la désobéissance
Le refus romain d’une réforme de l’Église nécessaire depuis bien longtemps et l’inaction des évêques non seulement nous autorisent, mais nous obligent à suivre notre conscience et à agir de notre propre initiative :
Nous prêtres voulons porter à votre connaissance nos intentions futures :
1 – Nous allons à l’avenir lors de chaque célébration intercéder en vue d’une réforme de l’Église. Nous prenons au sérieux la parole biblique : Demandez et vous recevrez. Ce qui compte devant Dieu, c’est la liberté de parole.
2 – Par principe, nous n’allons pas refuser l’accès à l’eucharistie aux croyants de bonne volonté. Ceci s’applique en particulier aux divorcés-remariés, aux membres d’autres Églises chrétiennes et à l’occasion à ceux qui ont quitté l’Église.
3 – Nous allons éviter autant que possible lors des dimanches et jours fériés de faire plusieurs célébrations ou de faire intervenir des prêtres qui sont de passage ou qui sont étrangers à la localité. Il est préférable d’élaborer soi même une célébration de la parole plutôt que d’avoir une liturgie présidée par des acteurs en tournée.
4 – Nous allons à l’avenir considérer qu’une liturgie de la parole avec distribution de la communion est une célébration eucharistique en l’absence de prêtres et la nommer ainsi. Nous remplirons ainsi nos obligations dominicales en cette période de pénurie de prêtres.
5 – Nous n’allons pas non plus respecter l’interdiction d’homélie à des laïcs compétents et formés ou à des professeures de religion. Il est nécessaire en ces temps difficiles d’annoncer la parole de Dieu.
6 – Nous allons aussi œuvrer pour que chaque paroisse ait son propre chef, que ce soit un homme ou une femme, marié ou non, que ce soit sa fonction principale ou non. Il ne s’agit pas de faire des regroupements de paroisses mais de définir une nouvelle image du prêtre.
7 – En conséquence nous allons donc utiliser toutes les occasions pour nous exprimer en faveur de l’accession à la prêtrise des femmes ou des personnes mariées. Et nous les accueillerons en tant que collègues prêtres.
De plus nous nous sentons solidaires de tout collègue qui a dû interrompre ses fonctions parce qu’il s’est marié, mais aussi avec celui qui continue d’exercer en tant que prêtre bien qu’il entretienne une relation. Par leur décision, les uns et les autres suivent leur conscience, comme nous d’ailleurs aussi avec notre protestation. Nous les considérons de la même manière que le pape et les évêques, comme nos frères. Quels sont ceux qui seront nos prochains, nous ne le savons pas. Un seul est notre maître et nous tous devrions, en tant que chrétiens et chrétiennes, être des frères et sœurs.
C’est la raison pour laquelle nous nous mobilisons, nous intervenons et nous prions. Amen.
juin 2011
Le cardinal Christoph Schönborn se dit « bouleversé » par l’appel ouvert à la désobéissance publié par des prêtres autrichiens, fin juin.
Dans un article de la revue du diocèse de Vienne, «Thema Kirche », publié le 7 juillet 2011, le cardinal Christoph Schönborn a publié une longue réponse aux mouvements contestataires qui agitent l’Église autrichienne, et notamment la « Pfarrer-Initiative ».
Cette association de prêtres a été fondée en 2006 à Sankt Pölten (Autriche) pour remettre en cause ce qu’elle estime comme des dysfonctionnements dans l’Église autrichienne : l’animation des paroisses face au manque des prêtres, la stagnation des dialogues concernant la communion de toutes les Églises chrétiennes, la vocation de tous les chrétiens à s’engager pour l’Église.
En janvier 2011, après une nomination d’évêque contestée, ce collectif a envoyé une lettre à Benoît XVI, afin de lui présenter la résolution de plusieurs mouvements réformateurs dans l’Église catholique d’Autriche selon laquelle l’ordination des évêques sans participation de l’Église locale, à savoir les clercs et les représentants du peuple de l’Église, contredirait la tradition ecclésiale et les prescriptions de l’Évangile.
Devant l’absence de réponse, le 19 juin, dimanche de la Trinité, l’initiative des prêtres qui compte déjà plus de 300 membres, dont 50 diacres, a lancé un « appel à la désobéissance », avec cette revendication : « Nous allons à l’avenir dire une intercession pour la réforme de l’Église pendant chaque messe. Nous n’allons plus refuser aux croyants de bonne volonté l’Eucharistie, ce qui vaut particulièrement pour les divorcés-remariés et les membres d’autres églises chrétiennes. Nous nous déclarerons à toute occasion pour l’admission de femmes et de mariés au sacerdoce. »
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Résumé de la réponse du Cardinal Schönborn, archevêque de Vienne
Le cardinal Schönborn commence sa réponse par un appel à l’unité : « Je vous appelle à l’unité, que Jésus a demandée au père et pour laquelle il a donné sa vie. » Il se dit « bouleversé » par cet appel ouvert à la désobéissance. Il rappelle aux prêtres d’avoir promis librement respect et obéissance à l’évêque au moment de leur ordination. « Vous l’assumez ? », demande-t-il.
Car celui qui lâcherait le principe de l’obéissance, décomposerait l’unité ajoute-t-il. L’obéissance chrétienne serait une école de liberté, il s’agirait d’une traduction concrète dans la vie de ce que nous prions dans le Notre Père, que Sa volonté soit faite. « Cette prière reçoit son sens et sa force par la disposition intérieure du prieur d’accepter la volonté de Dieu là aussi où elle s’écarte de ses propres idées », rappelle l’archevêque.
Le cardinal propose une voie concrète pour un cheminement commun : donner à la mission la première place et surtout, « faire des efforts pour devenir nous-mêmes de nouveaux et meilleurs disciples de Jésus. »
En même temps, il répond aux membres de l’initiative qui se sentent poussés à désobéir : « Celui qui, avec une conscience examinée, aboutit à la conviction que « Rome » est sur une fausse piste, qui contredit gravement la volonté de Dieu, devrait tout au plus tirer la conclusion de ne plus cheminer avec l’Église catholique romaine. Mais je crois et espère que ce cas ne se produira pas ici. » De ce point de vue, il annonce vouloir dialoguer avec les représentants de l’initiative des prêtres, « car ce serait un signe d’estime réciproque qui ferait avancer ».