Aphikoman et chocolat
Il y a quelques jours, alors que j’écoutais avec passion la brillante conférence d'une amie juive, Sonia Binisti, sur la fête juive de Pessah, j’ai été soudain frappé par un rapprochement pour le moins étonnant.
Le jour est venu où je dois vous en faire part, Amis Internautes !
Si vous (re)lisez mon article Une coupe, des coupes… une Pâque, des Pâques, vous y verrez que la fête de Pessah commence la veille au soir, dès l’apparition de la première étoile, par la recherche, à la bougie, du chamets (prononcer ramets), le levain. Aucune parcelle de levain ne doit rester à l’intérieur de la maison, sur le balcon, dans l’escalier, dans la voiture…
Ce qu’il faut savoir aussi, et que m’a appris Sonia, c’est que la maîtresse de maison a auparavant passé environ deux semaines à faire la « vraie » chasse au levain, dans un exercice qui rappelle irrésistiblement ce qu’on appelait naguère le « grand nettoyage de printemps » !
La « chasse de la veille » n’est en fait qu’un petit rituel où les enfants apprennent que les hébreux ont célébré la Pâque avec du pain azyme car ils devaient partir en hâte tout de suite et éprouvent un grand plaisir à regarder leur père chercher dans tous les recoins de la maison la parcelle de levain qu’ils y ont cachée ! Quand il l’a – enfin – trouvée, on brûle ces miettes.
Le soir du Seder de Pessah, un exercice exactement inverse se déroule, puisque le père de famille rompt une des trois matsot (galettes de pain azyme ; cf. l’article ci-dessus évoqué) et cache un des deux morceaux, à charge pour les enfants de retrouver à la fin de repas ce symbole de l’agneau pascal et de réaliser que le peuple hébreu l’a mangé en se cachant des égyptiens ! Quand ils l’ont – enfin – trouvé, on mange ce morceau de matsah appelé aphikoman (mot grec signifiant dessert, ce qui est – doublement – curieux !).
En résumé, tout le monde cache, tout le monde cherche… et les enfants apprennent !
o O o
Dans la vie païenne (en politiquement correct on dit : normale) il en est de même… enfin, à moitié seulement !
Le matin de Pâques, fête du gigot et des œufs, les parents cachent un certain nombre d’œufs (ou de sujets) en chocolat dans la maison et/ou ses alentours, à charge pour les enfants de les retrouver…
Comment ne pas faire le rapprochement avec les deux rites juifs dont on vient de parler, surtout celui de l’aphikoman, même si la moitié d’une seule matsah est remplacée ici par un certain nombre d’œufs en chocolat (le plus souvent c’est même un nombre certain) ?
Je n’y vois qu’une seule différence, mais elle est de taille : on peut se demander ce qu'apprennent les enfants dans cette cérémonie des œufs (expression entendue sur une radio locale de service public…), sinon à s’empiffrer…
Comment ne pas penser à ce qu’écrivait Paul aux Philippiens (3,19) : « ils ont pour
dieu leur ventre (…) ils n'apprécient que les choses de la terre » ? Et ne pas regretter profondément que, malheureusement, il visait sans doute les juifs en tenant ces propos
?
Signe des temps…
René Guyon