À mes petits-enfants
Ma lecture du Notre Père
Notre Père : déjà un premier scandale : comment s’adresser à Dieu en l’appelant Père ! On nous raconte tout le temps que Dieu est « tout puissant » et c’est sûrement faux. Si c’était le cas il n’y aurait pas de guerre, pas de souffrance des enfants ou des adultes. Dieu est « petit » devant le mal. Il est soumis à la concurrence du Malin (diable, Méphisto…) et là il ne peut que lui opposer son Amour. Un Amour de Père (de Mère) qui peut prodiguer des conseils (Saint Esprit) ou stimuler notre intelligence pour que nous fassions ce que Nous estimons être le bien ; qui peut nous entourer de son affection (qui se manifeste par celle de ceux qui nous entourent) ; qui sait, comme un Père ou une Mère nous aimer et nous pardonner les c…, le mal que nous faisons parfois aux autres et même à nous même. Et tout d’un coup ce n’est plus un Dieu fouettard et lointain mais une vraie personne, un(e) ami avec qui nous allons pouvoir construire notre vie et qui va nous accompagner.
Qui es aux cieux : voilà une proposition bizarre. En 2010 qui se soucie du Ciel ou des cieux ? Un peu les astronautes qui essaient de se balader dans le ciel, mais pour eux c’est le vide. Où sont-ils ces Cieux ? Pour les juifs de l’an 30 et pour les populations avec lesquelles ils vivaient, il y avait beaucoup de cieux. Chaque dieu avait son ciel. Et voilà que Notre père est dans Les cieux, tous les Cieux. Il prend la place de tous les dieux. Il devient l’Unique. Notre Référence. Il est dans ce lieu mystérieux que nous nous fixons comme idéal à atteindre et qui cependant reste à notre portée puisque c’est là qu’est Notre Père.
Que ton nom soit sanctifié : ce père qui est dans les cieux, nous le sanctifions, nous estimons qu’il est un modèle, un but à s’imposer. Il est le seul Saint. L’Église nous a encombrés de trop de personnes dont nous ne savons plus si ce sont des hommes ou des dieux. S’ils restent des modèles dont on peut s’inspirer (pas toujours pas pour tout) le seul Saint, le seul Modèle reste ce Dieu que nous prions.
Que ton Règne vienne : ça y est ! nous n’avons pas envie que ce Dieu reste dans ses cieux à ne rien faire. S’il a plein de bonnes idées ou de bons conseils à nous prodiguer, qu’il les applique. Nous lui demandons qu’il fasse autorité, qu’il soit le modèle.
Sur la Terre comme au ciel : de la même façon que nous imaginons qu’au ciel tout se passe bien, nous lui demandons de faire la même chose sur la terre, là où nous sommes. Là c’est plus difficile car c’est nous qui habitons cette terre. C’est nous qui avons envie (devons) la rendre vivable par tous. À commencer par ceux qui sont plus faibles que nous. Et qui nous entourent ! C’est cela le règne que nous avons envie de voir sur terre.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour : donne-nous ce qu’il nous faut pour nourrir notre corps et notre esprit. Nous ne mendions pas ! Nous pensons que la plupart des gens n’ont pas leur pain quotidien. Nous savons que si aujourd’hui nous l’avons, ce n’est pas sûr pour demain, et nous remercions Notre Père de nous l’avoir donné aujourd’hui et peut être de l’avoir un peu partagé. Nous ne nous contentons pas de le quémander : nous réalisons que nous avons à construire « sur la terre » ce royaume : à nous d’organiser le monde pour que chacun ait son pain quotidien. Dieu Merci il y a encore du boulot.
Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés : ce n’est pas très à la mode et c’est plus facile à dire qu’à faire. Il m’a manqué ! Belle expression régionale qui me permet de lui mettre une torgnole. Et si j’essayais de savoir pourquoi il m’en veut ! Et si chez lui il y avait aussi de la souffrance ? Bien sûr je ne vais pas me laisser faire mais au moins je vais reconnaître en lui l’homme, le dieu avec qui je vais essayer d’ouvrir la discussion pour qu’un jour nous puissions nous pardonner.
Et ne nous soumets pas à la tentation : ça, c’est le plus bête : pourquoi Dieu, notre Père ou Mère va s’amuser à nous soumettre à la tentation, c'est-à-dire à nous livrer aux forces qui lui sont antagonistes et qu’il ne peut pas supporter ? Il me semble qu’il accomplit là son rôle de Père : il ne nous surprotège pas, il nous lâche sur cette terre afin que nous soyons libres de la modeler comme nous le désirons, et c’est là que peuvent apparaître nos faiblesses quand nous ne reconnaissons pas que l’autre est quoi qu’il arrive habité par le même père.
Mais délivre-nous du mal : c’est le contrepoint de la proposition précédente. Bien sûr nous faisons, nous propageons le mal quand nous ignorons l’autre qui est habité de Dieu (à son image). Vers qui se tourner pour nous donner la force et l’intelligence de nous affranchir de ce penchant, de cette « pesanteur » (S. Weil) ? Vers qui d’autre que NOTRE PÈRE qui est aux cieux mais aussi en tous ceux qui croisent notre route.
Car c’est à Toi qu’appartiennent le Règne, la Puissance et la Gloire : cette phrase a été ajoutée tardivement mais elle est très importante et forme une belle conclusion. Les Protestants enchaînent directement cette phrase qui prend toute sa valeur : nous qui détenons un peu de pouvoir (dans notre travail, notre famille…), nous ne l’avons que par délégation. Nous devons des comptes au Père de tout ce qui se passe dans l’exercice du pouvoir que nous détenons et en particulier de la façon dont nous avons traité ceux qui sont sous notre pouvoir et à quoi a servi ce pouvoir. Ce que nous entendons tous les jours à la radio devrait nous faire crier cette phrase tous les jours.
Bernard Zeltner
Aix en Provence