À l'école de Marie
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« Je Te salue Comblée de grâce, le Seigneur est avec toi »
Nous avons tellement lu ce passage, nous l’avons tellement entendu commenter, nous l’avons tellement prié, qu’il ne nous étonne plus assez ! Nous sommes à peine bouleversés et croyons presque par habitude. Et pourtant, une telle visite a de quoi chambouler cette jeune fille tout comme nos propres existences si nous nous mettons à l’écoute de cet appel qui nous est adressé aujourd’hui.
Dire oui aujourd’hui engage. Demain permettra-t-il d’assumer le premier oui de la confiance ? La maîtrise de l’existence terrestre échappe déjà. Les peurs sont là, bien tenaces et l’assurance d’une vie tranquille et bien programmée s’enfuit déjà. C’est tellement imprévu ! Pourquoi moi ?
Toutes ces questions ont sans doute traversé le coeur de cette toute jeune adolescente.
Et si aujourd’hui nous nous mettions rééellement à l'école de Marie ? Nous pourrions alors lui demander, non de nous raconter ce qui a bien pu se passer lors de cette rencontre tellement mystérieuse, mais de nous apprendre ce qui s'est réellement passé.
Lorsque je m'enracine dans l'Écriture, j'ai du mal à imaginer Marie sous les traits des Saintes madones des galeries de peinture.Je vous avouerai même que les vertus dont elles est parée : obéissance, pudeur, modestie, discrétion, m'irritent quelque peu. Quant à cet inaccesible modèle de perfection mariale associant virginité et fécondité, sans doute parce que totalement inacessible à la femme ordinaire que je suis, me laisse totalement insensible.
Par contre la foi de cette jeune fille d'à peine quinze ans qui, après un conciliabule assez serré avec ce Visiteur inattendu ose le oui: voila ce qui me subjugue.
Ce qui s'est passé, si je m’immerge dans la sobriété de l'Écriture, semble à première vue assez simple. Dieu a fait comprendre à cette petite jeune fille qu'Il l'appelait à être Sa mère, la mère de Son Fils. Et Marie a dit OUI. Je peux aisément imaginer que cette jeune adolescente avait un projet de vie personnel, une conception de la religion et du Messie et, sur intervention de Dieu dans sa vie, elle largue les amarres et accepte cette proposition tellement contraire à ses prévisions. L'Ange Gabriel, au nom de Dieu, vient bousculer son idée même de la consécration à Dieu, son idée de Dieu et l'entraîne bien au-delà de l'imaginable et de la prudence spirituelle qui lui avait sans doute été enseignée.
Comment ne pas se sentir proche de ce bouleversement intérieur qui entre tellement en résonance avec ce que nous pouvons resentir lorsque des événements viennent bousculer notre existence. Marie, bien qu'elle n'ait pas tout compris de suite, bien qu'elle n'ait pas réalisé jusqu’où cette aventure allait la mener, a dit oui. J'aime croire que Marie n'avait pas une vison très claire de toutes les conséquences de ce oui comme j'aime laisser résonner en mon coeur son oui rempli de stupeur .
Oserais-je cependant dire que son oui s'apparente à un "oui... mais" ? Elle est tout d'abord fortement troublée par cet étrange compliment de l'Ange arrivé impromptu "Je te salue ! Réjouis-toi, Marie. Tu es comblée de grâce ": Comment ne pas être saisie de trouble ? C’est progressivement qu’elle se laisse gagner par les mots de confiance du messager : "le Seigneur est avec toi ". Oser avancer dans l'obscurité de nos détresses, de nos désarrois n'est possible que sur la parole de foi reçue d'un autre : "Il sera avec Toi ”. L'aventure de la vie croyante peut parfois se vivre uniquement parce qu’un frère compagnon, ange du Seigneur, prononce en Son nom ces mêmes paroles. “Ne crains rien, le Seigneur sera avec toi”, et cela au moment-même où tout paraît impossible. Comme Marie alors, bouleversé par l'imprévu, ne comprenant pas "comment cela se fera ", accepter de se laisser embarquer dans une traversée qui dépasse.
Gabriel, Dieu fort, la rassure, sans pour autant faire de grands détours langagiers, en lui annonçant de façon assez abrupte qu'elle va être mère et que son fils sera le "Très Haut, que son règne n'aura pas de fin ". Libre à moi de supposer que Marie devait connaître assez bien le premier Testament, mais de là à imaginer que le Très Haut soit le Fils de Dieu, il y avait de quoi être sidérée.
Et Marie va discuter avec l’Envoyé qui, dans la formulation même de ses propos, ne lui demande pas vraiment son accord. C'est quasiment un ordre de mission qu'elle reçoit : "Tu concevras et enfanteras " et Marie de risposter : "je ne connais pas d'homme ”. Jeune fille de caractère, semble t-il ! Nous sommes loin des représentations des madones sublimes sagement et immédiatement consentantes.
L'Ange se fait de nouveau rassurant : “l'Esprit Saint viendra sur toi ” (comme auparavant sur le sanctuaire construit au désert par Moïse, lorsque la gloire de Dieu investit le nouvel édifice: Exode 40,45) et “Il te couvrira de son ombre, l’Enfant sera appelé Fils de Dieu ”.
Cela te paraît impossible, petite Marie ? Eh bien “rien n’est impossible à Dieu”. Et l’Envoyé de Dieu de donner un signe. La vieille cousine, celle qu’on appelait la femme stérile est enceinte de six mois. Inutile de chercher des signes de la puissance transformante et créatrice de Dieu dans les cieux. Désormais et pour toujours, c’est dans la vie ordinaire de notre quotidien qu’il nous faudra les discerner.
Surgit alors de son être désormais totalement consentant : “Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon ta parole ” L’Ange peut alors disparaître. Sa mission est remplie.
Loin des idées parfois reçues, le fiat de Marie fut réfléchi, progressif. Elle a cherché à savoir, à comprendre. C’est à bout d’arguments, qu’elle s’abandonne à la Parole qui la dépasse.
Je ne l’imagine pas pleurer sur le passé, sur ses projets personnels mis au rancart. Marie expérimente la rupture, le changement radical, l’arrachement à ses espérances pour entrer dans l’Espérance qui prend alors la forme d’un visage. Celui d’un nouveau-né qu’elle bercera dans ses bras. Notre Espérance c’est Quelqu’un de vivant.
Accueillir Dieu dans sa vie, devenir sa demeure, c’est faire confiance aux signes que l’on croit discerner. C’est croire en la volonté d’amour, de bonheur que Dieu porte pour chacun, dans la réalisation de sa propre vocation. Il s’agit de s’accepter en acceptant le choix de Dieu. Il s’agit de consentir et s’accepter choisi pour la mission. Une acceptation ni fataliste ni passive mais qui exige d’engager sa liberté dans une dynamique à la fois donnée et choisie, dépassant tout volontarisme, paresse ou résignation.
Accueillir Dieu dans sa vie, c’est tout un art : celui d’assumer toutes les annonciations que Dieu réserve à chacun.
En cet instant Annonciation consonne avec un autre mot, celui de Vocation.
En ce jour, à l’école de Marie, Dieu fort nous appelle, nous convoque à risquer notre oui aux imprévus de Dieu.