Passer juste
« Elle est étroite la porte,
il est resserré le chemin qui conduit à la vie,
ils sont peu nombreux ceux qui le trouvent. »
Matthieu 7,14
Jean l’évangéliste est apparemment moins « rigoriste » que Matthieu et Luc. Il présente Jésus comme la porte unique et non comme la porte
étroite et dans l’Apocalypse (21,12-25), il prétend même que la Jérusalem Céleste comporte douze portes, trois face à chacun des quatre points cardinaux, pour symboliser que
l’invitation à rejoindre la compagnie de Dieu s’adresse à tous les peuples, toutes les nations, toutes les cultures…
Les auteurs synoptiques seraient-ils eux-mêmes étroits et grincheux (Matthieu en particulier) pour affoler ou secouer les candidats à la vie selon l’Esprit de
Jésus ?
Je ne le crois pas. Les uns et les autres ne se contredisent pas mais ils évoquent des aspects différents du Christ, seul chemin, médiateur pour tous les humains.
Il est lui même la Pâque et c’est par lui, avec lui et en lui que d’une manière ou d’une autre s’effectue le Passage.
Je pense que Matthieu s’adresse à un public « formaté » par la loi et entraîné à une ascèse qui exclut les débordements qui empêcheraient de franchir la
porte : ça passe juste et il faut être justes pour passer.
La conversion, si minuscule soit-elle, est affaire journalière et entreprise constante. Le juste, même s’il est tout à fait pécheur et empêtré dans ses
contradictions, désire avant tout que Dieu vienne à son secours et que Christ l’empoigne pour le conduire à son Père. Il ne se débattra pas trop, il tentera d’araser ce qui dépasse, déposera les
encombrants, unifiera l’amour de son cœur, ne fera pas le fanfaron, et se laissera guider. Bref celui qui choisi librement de se convertir n’est pas un batifoleur qui en prend et qui en
laisse.
Même faible et inconstant, il est sérieux et sait que sans un brin d’ajustement il ne franchira pas la porte étroite. Ce n’est pas la porte qui sera trop étroite
c’est lui qui, trop plein de lui-même, sera trop corpulent et en définitive peu désireux d’entrer dans la catégorie des ‘pauvres’ qui ont en promesse le royaume des cieux. Il lui faut se
soumettre à quelques ‘exercices spirituels’ pour tester son véritable amour.
Ni Dieu, ni son Christ n’ont rétréci la porte. Je crois même que leur invitation s’adresse à tous ceux qui le désirent. Mais faut-il encore que tous ceux et celles
qui ont reçu un carton décident librement de faire le pas, de s’alléger et de plonger dans la foi.
Pour finir je crois que la porte étroite n’est qu’une ‘version’ de la liberté :
- - d’aimer Dieu de tout son cœur et les autres comme soi-même,
- - d’être artisans de la justice,
- - de promouvoir paix et douceur,
- - de travailler à la concorde miséricordieuse et désintéressée,
- - d’investir son temps dans la consolation et la promotion d’autrui,
- - d’avoir un cœur de pauvre.
En fait la porte est large pour ceux et celles qui s’efforcent tant bien que mal de vivre les Béatitudes qui inaugurent le discours que Jésus tient à ses
disciples qui s’approchent de lui sur la montagne.
Quiconque le désire peut franchir le seuil, nul n’a consigne de barrer le Chemin d’accès à la Vie selon
l’Évangile.
© Christian Montfalcon