Famille dans la société
Ces temps de réflexion politique tous azimuts peuvent être l'occasion d'une réflexion sur la famille en général, défendue becs et
ongles par l'Église catholique (et d'autres religions), et combattue, parfois avec virulence, par une grande partie de la gauche, en particulier les mouvements à tendance anticléricales ou
anarchisants. Pour les premières, la famille est constitutive de la société, sa base même ; pour les seconds, elle ne peut être qu'oppressive et favorise l'aliénation d'une partie de ses
membres. Cela dépasse la césure entre une vision collective et une conception individualiste de la société.
En fait, les deux camps ont raison, mais ils restent sur une image passée de la famille : une "micro-société" dont le père est le
"chef", le patron (padre patrone), voire le roi. Depuis longtemps et pendant tout le XIXe siècle, alors que les catholiques restaient viscéralement monarchistes on a entendu
des sermons où le roi était "père" de son peuple (NB. : au XXe siècle, on a eu droit également au "petit père", mais dans un autre contexte, et ce n'était pas mieux !).
Inversement, le père était présenté comme le "roi" de la famille.
On comprend dans ces conditions que libéraux et républicains aient eu parfois des réactions hostiles à cette famille. Et pourtant, en
même temps, la "morale" républicaine, telle qu'elle était encore enseignée dans l'Entre-deux-guerres, prônait une famille traditionnelle : le père ayant autorité, travaillant pour nourrir sa
maisonnée, s'intéressant éventuellement à la politique, chargé des relations extérieures… la mère, "âme du foyer", élevant les enfants dans le respect des hiérarchies paternelle, ecclésiale,
politique, veillant au confort de tous, dans la mesure des moyens matériels de cette famille qu'elle devait gérer au mieux (rôle qu'elle avait déjà sous l'Ancien Régime) ; les enfants,
enfin, devaient rester soumis aux parents jusqu'à leur majorité, comme ils devraient l'être, ensuite, à l'État et à la Patrie.
C'est un simple constat, et nous ne porterons aucun jugement moral à ce fait. Dans tous les temps, les moralistes n'ont conservé
aucune illusion sur l'efficacité de leur mise en garde. Incontestablement, une partie au moins des membres des nouvelles familles ont gagné en émancipation, dont il faudrait vérifier si elle mène
à une véritable liberté. Non moins incontestablement, d'autres – des enfants en particulier – y ont perdu certaines formes de sécurité : où est leur "demeure" (c'est un mot qu'on n'emploie
plus guère) ? Qui sont les référents parmi ces pères et mères, plus ou moins attentifs, qui se retrouvent dans leur environnement affectif ? Cette remarque ne signifie pas qu'ils
manquent d'amour parental, mais ils sont peut-être affrontés à une pluralité de relations qui peut être perturbante, surtout pour les plus petits.
On a dit parfois de la famille ancienne qu'elle était la pire forme de vie sociale ; mais, pour l'instant, il faut bien constater
que l'on n'a rien inventé de mieux, de plus "fonctionnel". Sans doute fallait-il qu'elle évolue. La législation qui a donné aux mères un droit égal quant aux responsabilités parentales, a été une
excellente chose. La reconnaissance de l'égalité des droits entre les enfants légitimes et adultérins marque un pas de plus grande justice envers des enfants innocents de leur "état
civil",…
La double question – car les deux éléments sont incontestablement liés – du "mariage" de couples homosexuels et leur adoption
d'enfants n'est pas si simple. Pourquoi ceux qui veulent vivre librement leur sexualité tiennent-ils absolument au terme de "mariage" qui, depuis longtemps, désignait l'union d'une femme et d'un
homme, afin, ajoutaient les "conservateurs", de constituer la cellule de réception des enfants ? Il y a des droits justes à préserver, en particulier dans le domaine matériel, successoral,
etc. Cela peut se régler dans un contrat (PACS amélioré ?), qu'on pourrait enregistrer légalement, comme le sont les "contrats de mariage" (mairie ?
notaire ?…).
Quant à l'adoption par des couples homosexuels, on a entendu jusqu'à présent deux types d'arguments favorables. Le premier porte, au
nom de l'égalité, sur un "droit" présumé universel à la "parentalité" ; il resterait à examiner cas par cas la balance avec le droit des enfants. Après tout, on retire bien, dans des
situations particulières, les droits parentaux à des familles défaillantes. Le second part d'un constat : bien des enfants de couples homosexuels sont mieux élevés et plus heureux que des
enfants négligés ou mal traités par des couples hétérosexuels. On pourrait répondre que rien ne peut empêcher un couple homosexuel de mal élever ses enfants… Il n'y aucune prédétermination, ni
dans un cas, ni dans l'autre.
Alors, renforcement de la famille, quelle que soit la détermination sexuelle des personnes qui la constituent ? Fin de la
famille, tout au moins dans le cadre du mariage, mais dans ce cas… (cf. supra) ?