Mes démêlés avec Marie
Nous devons ce texte à l’amitié de Françoise Reynes, qui a pendant des années
animé sur RCF une émission de prière, « Mes démêlés avec l’Évangile », dans laquelle elle imaginait notamment des passages d’évangile où Marie entrait en scène. « C’est une femme
de race humaine comme moi », dit-elle, « je n’avais pas d’appréhension à chercher comment elle avait pu réagir ». Qu’on en juge par cet extrait.
Quelquefois Marie, je me suis demandée ce que tu pensais de mes
« Démêlés », et il m’arrivait d’avoir quelques incertitudes à ce sujet. Est-ce que ça n’était pas un peu léger de mettre de l’humour sur des sujets aussi graves, est-ce que ça n’était
pas choquant, irrévérencieux ?
Et puis je me suis aperçue que Toi, toute ta vie, tu
t’étais posée des questions, et bien souvent, on a l’impression, en lisant les évangiles que les réponses à ces questions n’étaient pas évidentes pour Toi, au moment où tu te les posais.
Autrement dit, révérence parler, tu as eu des démêlés avec ton fils. Et ça a commencé dès sa naissance.
Tu étais jeune fille, fiancée à Joseph mais pas mariée.
Comment avoir un enfant dans ces conditions ? Les explications de l’ange étaient assez vagues, c’est le moins qu’on puisse dire. Il disait aussi que ta cousine Élisabeth était enceinte. Elle
était vieille et stérile jusqu’ici, mais elle était quand même mariée. C’était curieux. Tu es partie en toute hâte pour l’aider pendant sa grossesse mais également pour constater de visu cette
naissance inespérée.
Quand tu es revenue à Nazareth après la naissance de
Jean-Baptiste, ça s’est arrangé avec Joseph qui avait bien vu que tu attendais un enfant dont il n’était pas le père mais qui t’a emmenée vivre chez lui. Presque au moment de la naissance, il a
fallu partir pour Bethléem pour se faire recenser. Pas question de trimballer le berceau, toute la layette préparée avec amour. Joseph avait précisé : « Léger, léger le bagage à
emporter » ; il n’avait qu’un petit âne à te proposer, il ne fallait pas surcharger cette pauvre bête. Comment dans ces conditions, avoir un accouchement convenable ? Cet enfant,
d’après ce que tu avais compris, était promis à un avenir hors du commun, mais aurait-il un avenir avec un accouchement à hauts risques ? Je mesure ton angoisse. On a beau faire confiance à
Dieu, on ne peut éviter de voir les problèmes.
Comme tu le craignais la naissance a eu lieu dans des
conditions assez inconfortables, mais l’enfant a survécu. La présentation au temple avec la rencontre de ces deux vieillards, Siméon et Anne, t’a laissé abasourdie et Joseph était aussi étonné
que toi. C’est dit en toutes lettres. Et ensuite nouvelle alerte avec ce départ précipité en Égypte pour fuir Hérode qui s’alarmait pour quoi au juste. Vous n’en saviez rien.
Après la mort d’Hérode, vous avez pu revenir à Nazareth,
et pendant quelques années vous avez pu mener une vie tranquille, normale avec un petit bonhomme, certes un peu en avance sur son âge, mais somme toute, charmant.
Mais dès qu’il a eu douze ans, rebelote, il agit de façon
inquiétante ! Au cours du pèlerinage à Jérusalem, il disparaît pendant plus de trois jours et trois nuits et sa réponse à votre question angoissée vous laisse pantelants. Tu as eu du mal à
comprendre. C’est dit en termes feutrés, mais c’est dit : « Marie conservait toutes ces choses dans son cœur ». Et là, nous différons un peu !
Toi tu conservais au fond de ton cœur, autrement dit, tu
méditais, moi j’explicite, j’explose, je tempête, je fulmine, sachant quand même que le Seigneur sait ce qu’Il fait. Mais notre réflexe n’est-il pas le même ? C’est-à-dire essayer de
comprendre ce que Dieu veut nous dire.
À Cana quand même, tu ne t’es pas laissé démonter par son
refus. Mais là, tu savais que tu avais raison et Il l’a reconnu. Mais ensuite Il a l’air de ne pas reconnaître sa famille, quand il agit, pendant sa vie publique, de telle façon qu’Il exaspère
les puissants du temple en leur faisant peur, les amenant à organiser sa perte ; quand tu mesures la haine qui les habite, quelle a été ton anxiété Marie ! Jusqu’au jour où Il est mort
de façon cruelle et infamante, et là, tu ne te posais plus de questions, tu souffrais, c’est tout.
Alors je me demande : est-il contraire à l’abandon
confiant entre les mains du Seigneur (auquel chacun de nous aspire) de se poser des questions ?
M’appuyant sur mon expérience, je crois pouvoir répondre
par la négative. Car ça m’a permis de m’adresser au Seigneur, de lui présenter mes interrogations, d’entrer en relation avec Lui, de le sentir vivant et proche de moi. Et comme Il ne me laisse
pas seule pendant que je me triture la cervelle pour essayer de mieux Le comprendre et ainsi de mieux L’aimer, comme généralement Il me souffle la réponse, je pense que ces démêlés m’ont été
profitables. Aussi je Le remercie et cette fois ci comme toi, Marie, je Le remercie du fond du cœur.
Une partie des textes des « Démêlés » de F. Reynes sont sur le site de Port-Saint-Nicolas, où on peut librement les copier : http://www.portstnicolas.org/spip.php?rubrique61
Des textes lus par l’auteur sont également disponibles sur un C.D. que l’on peut se procurer pour 10 € port
compris à : RCF Méditerranée, B.P. 523, 83041 Toulon Cedex 9.