Versatilité de la foule, grandeur du Peuple
« Les chef des prêtres et les scribes ainsi que les notables,
cherchaient à le faire mourir, mais ils ne trouvaient pas le moyen d’y arriver ;
en effet le peuple tout entier était suspendu à ses lèvres. »
(Luc 19,47-48)
Si j’avais eu un conseil à donner aux chefs des prêtres, aux scribes et aux notables qui ‘dominaient’ Jérusalem quand Jésus bouscula les marchands du Temple, je leur aurais dit : « Ne craignez rien et surtout pas la foule… elle n’est pas organisée, vous la ‘retournerez’ quand vous le voudrez… ! Vous savez la manier. Aujourd’hui la foule se porte ici, demain elle se portera ailleurs… »
Dans ces versets, pour parler du peuple, Luc emploie le mot grec ‘laos’. Fin lettré, il sait bien qu’il ne recouvre pas tout à fait la même réalité que ‘dèmos’. Le premier terme signifie plus particulièrement foule, le deuxième évoque le peuple qui s’organise, réfléchit, propose, s’oppose…
« Messieurs les ‘notables’, c’est ce dernier qu’il faut redouter car il sait sa force et peut l’exprimer, tandis que la foule versatile se laissera séduire et conduire ».
Ainsi depuis toujours et sans doute jusqu’à toujours, il faut faire une vraie distinction entre d’une part la foule qui un jour crie ‘Hosannah’ et quelques jours après hurle à pleins poumons ‘A mort’ et d’autre part le peuple qui se donne les bons moyens d’analyse pour examiner une situation, prendre position et éventuellement refuser les orientations de ceux qui estiment bon de penser à sa place et de le conduire à leur guise.
Je crois que le Peuple de Dieu (assemblée de baptisés vivants en communautés disséminées dans le monde et dans toutes les cultures) est assisté par l’Esprit Saint. Il prie, il contemple, il intercède, il offre. Solidaire de ses proches contemporains il construit l’histoire avec eux. Il ne s’enferme pas dans sa communauté, il vit de la communion qui lui vient de son union au Christ Ressuscité. Il lit et relit dans la foi les ‘événements’ qui surgissent sans cesse comme des ‘avènements’ qui le provoquent, le stimulent, le poussent à la réflexion et à l’action.
Il croit que les évêques qu’il accueille comme des ‘dons de Dieu’ sont sacrements de la communion. Il n’a pas peur de leur ‘surveillance’ car il les sait remplis de ‘bien-veillance’ et de ‘bien-faisance’. De plus il dialogue avec eux pour découvrir ce qui est le meilleur selon l’Évangile. Ils sont pour lui des frères serviteurs et visiteurs à la manière de Jésus. Si par faiblesse ils ne le sont pas, il sait les ‘reprendre’ avec tendresse.
Le Peuple de Dieu n’est pas une foule changeante, délirante, séduite par les beaux parleurs. Humble, il a conscience de sa dignité. Pauvre, il vit par ses offrandes et ses partages. Démuni, il travaille, il étudie, il examine les situations, il dialogue, il propose. Occupé par toutes les activités du monde dont il est solidaire à part entière, il prend aussi le temps de la prière gratuite, de la lecture des Livres Saints et Spirituels, de la correspondance avec ses frères et sœurs dans la foi, des réunions communautaires.
Le peuple de Dieu ne recrute pas, il ne se cache pas. Au grand jour, en pleine lumière, il accepte d’être un simple signe et une proposition discrète de vie selon l’Évangile. À ceux et celles qui désirent s’y agréger par le baptême, il dit « viens et vois. »
Le peuple de Dieu n’est pas une foule désarticulée mais le Corps du Christ.
© Christian Montfalcon