La résurrection des morts

Publié le par Garrigues et Sentiers

(Matthieu 22,23-33 ; Marc 12,18-27 ; Luc 20,27-40)
 
En ces temps de fêtes païennes et chrétiennes où la mort est « à l’honneur », il m’a paru intéressant d’aller voir dans la Bible comment est évoquée l’ennemie la plus efficace de la mort : la résurrection !
 
La résurrection dans les langues anciennes
La notion explicite de résurrection est inconnue de l’hébreu biblique, qui ne connaît ni le mot, ni le verbe ; en grec, le mot est anastasis, ana signifiant de bas en haut ; c’est donc l’action de se lever d’entre les morts.
En hébreu talmudique, la résurrection des morts est teryiyat métiym, où l’évocation de la vie, rayiym, et de la mort, mot, est évidente.
La valeur de l’expression en guematria est 72 plus 69, nombres des expressions il y eut un matin et de il y eut un soir, dans le récit de la Création de Genèse 1. La résurrection est bien une re-création, une création à l’envers, où le matin précède le soir, où le jour prend le pas sur la nuit, comme cette Résurrection vers laquelle nous marchons tous ensemble, amis lecteurs, en suivant Jésus sur son chemin de recréation de l’humanité !

Dans le récit de la Création de Genèse 1, un leitmotiv revient : il y eut un soir, il y eut un matin. Ici l'ordre est inversé, comme pour montrer qu'on est dans une création nouvelle, une nouvelle vie.

La résurrection dans le Premier testament
Dans les cultes de l’Ancien Orient, il y avait des dieux morts et ressuscités, comme la nature renaissant au printemps (l’éternel retour) : Osiris en Égypte, Baal en Canaan (devenu Adonis), dont le drame se répétait indéfiniment dans les cycles de la nature.
Pour sa part, le Premier Testament rompt, dès le début, avec cette vision : le Dieu unique est l’unique maître de la vie et de la mort (Cf. Deutéronome 32,39 : moi je fais mourir et je fais vivre, précisé par 1Samuel 2,6 : c'est Le Seigneur qui fait mourir et vivre, qui fait descendre au shéol et en remonter).
De même, il rachète l’âme des hommes de la fosse (Cf. Psaume 104,3 : lui qui rachète à la fosse ta vie) ; il s’agit là de l’œuvre de Dieu Goël, (Cf. Isaïe 43,14 ; 44,6.24, etc. Le mot vient du verbe ga’al, racheter ; le parent pouvant épouser par rachat une parente veuve), ce terme marquant une espèce de lien de parenté entre Dieu et son peuple, qui est comme son épouse.
On trouve des récits de résurrection dans le Premier Testament, avec Élie dans l’épisode de la veuve de Sarepta (1Rois 17,17-23) et Élisée dans l’épisode de la Shunamite (2Rois 4,33s ; 13,21), mais il s’agit, comme pour Lazare, de simples retours à la vie avant une seconde mort physique.
Parallèlement on trouve la notion de résurrection du peuple de Dieu, qui n’est pas – ici – le sujet.
Ce sont – à ma connaissance – les seuls textes sur la résurrection dans la Bible hébraïque classique.
Il faudra attendre la crise maccabéenne et la persécution d’Antiochus (167-164 avant Jésus-Christ) pour trouver des textes explicites sur la résurrection, dans le Livre de Daniel.
 
Livre atypique écrit en hébreu et/ou en araméen, et très disparate ; livre non reconnu comme prophétique et mis dans les écrits (ketouvim, 3e partie de la Bible hébraïque) par les juifs.
 
Ainsi, on lit dans l’Apocalypse de Daniel : un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s'éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l'opprobre, pour l'horreur éternelle ; les doctes resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand nombre, comme les étoiles, pour toute l'éternité (Daniel 12,2-3). Le phénomène de résurrection est ici à prendre au sens propre : les morts s’éveilleront et entreront dans une vie transfigurée, pour le bonheur ou le malheur éternel.
Les livres des Maccabées (appelés fréquemment aujourd'hui Livre des Martyrs d'Israël) explicitent cette conception, dans les deux seules occurrences du Premier Testament où on trouve le mot anastasis :
Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l'espoir d'être ressuscité par lui, car pour toi il n'y aura pas de résurrection à la vie (2Maccabées 7,14) et : il l'envoya à Jérusalem afin qu'on offrît un sacrifice pour le péché, agissant fort bien et noblement d'après le concept de la résurrection car, s'il n'avait pas espéré que les soldats tombés dussent ressusciter, il était superflu et sot de prier pour les morts (2Maccabées 12,13-14).
et quelques autres :
Scélérat que tu es, dit-il, tu nous exclus de cette vie présente, mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois (…). C'est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise et c'est de lui que j'espère les recouvrer de nouveau (…). Le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à l'origine de toute chose, vous rendra, dans sa miséricorde, et l'esprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour l'amour de ses lois (2Maccabées 7,9.11.23).
 
Ce qu’en dit Jésus
Jésus évoque sa résurrection avec les apôtres, qui n’y comprennent rien (mais pouvons-nous leur jeter la pierre ?) : comme ils descendaient de la montagne (après la Transfiguration), il leur ordonna de ne raconter à personne ce qu'ils avaient vu, si ce n'est quand le Fils de l'homme serait ressuscité d'entre les morts ; ils gardèrent la recommandation, tout en se demandant entre eux ce que signifiait ressusciter d'entre les morts (Marc 9,9-10 et autres).
 
Les Pharisiens, comme Jésus, croient à la résurrection, comme le montre le fait qu’un conflit se produisit entre Pharisiens et Sadducéens, et [que] l'assemblée se divisa : les Sadducéens dis[ai]ent en effet qu'il n'y a pas de résurrection, ni ange, ni esprit, tandis que les Pharisiens profess[ai]ent l'un et l'autre (Actes 23,8).
Évidemment titillé par les Sadducéens sur ce sujet, Jésus apporte des réponses surprenantes. Quand ils lui demandent – dans le cas où il y aurait une résurrection (ce à quoi ils ne croyaient pas) – de qui sera femme celle qui, dans le cadre du lévirat, aura épousé successivement sept frères (Luc 20,36), il emploie une expression curieuse en parlant de ceux qui sont morts : ils ne peuvent plus mourir, car ils sont pareils aux anges et ils sont fils de Dieu, étant Fils de la Résurrection, expression qui est un hébraïsme (qu’on ne trouve qu’une fois dans toute la Bible, ici) qui signifie simplement ressuscités (de même que fils de l’homme signifie homme).
 
Bien sûr, quand il utilise le Premier Testament pour expliquer sa pensée, il ne se sert pas des citations des livres des Maccabées qu’on a évoquées plus haut (bien que la scène se déroule pendant la fête d’Hanoukka, qui leur est directement liée !) car ils ne font pas partie de la Bible Hébraïque. Il utilise un passage du livre de l’Exode – bien moins explicite – voulant sans doute indiquer que, pour lui, les Patriarches sont toujours vivants : Quant au fait que les morts ressuscitent, n'avez-vous pas lu dans le Livre de Moïse, au passage du Buisson, comment Dieu lui a dit : je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob ? Il n'est pas un Dieu de morts, mais de vivants (la citation est de Exode 3,6).
 
Tout cela semble bien mince pour préparer les hommes à l’événement proprement incroyable qui va bouleverser la marche du Monde : la Résurrection d’un homme, Jésus, le Christ, fondement de la foi de tout le peuple chrétien !
Et il est sûr que le don de l’Esprit n’a pas été superflu pour permettre à ce peuple de commencer – siècle après siècle – à entrevoir ce à quoi peuvent – peut-être – ressembler la résurrection et la vie éternelle sans lesquelles la foi qu’il professe est totalement vidée de sens !
Car Paul écrivait déjà : si le Christ n’est pas ressuscité des morts, votre foi est vaine (1Corinthiens 15,17) ; et si le Christ n’est pas ressuscité nous ne ressusciterons pas non plus…
 
Il est tout de même étonnant que Jésus ait été aussi peu explicite sur ce point fondamental, tout aussi étonnant que son silence – absolu – sur tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à la notion de péché originel, autre fondement de la foi, au moins depuis saint Augustin… quatre siècles plus tard !

Et, même si nous faisons nôtre la parole de Jésus à Marthe : Moi, je suis la Résurrection ; qui croit en moi, même s'il meurt, vivra... il est important que nous puissions en discuter grâce à ce blog, lieu privilégié des échanges entre lecteurs de Garrigues & Sentiers !
René Guyon
 
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