Jésus était juif !
Cette affirmation serait un truisme si – rappelée avec force – elle n'avait l’avantage de fonder en vérité la parenté entre Juifs (nos "frères ainés" comme l'a dit Jean-Paul II) et Chrétiens. Et surtout, elle doit nous faire souvenir que cette évidence a trop longtemps été oubliée, aussi bien par les uns que par les autres, et à leur détriment. C’est cette "consanguinité" spirituelle, confirmée par la "parole-agie" de Jésus, totalement imbibé de la culture de son peuple, qui justifie que nos “Écritures” rassemblent les écrits des deux Alliances. Un ami juif converti m’a fait saisir, lors de mes premiers pas en christianisme, qu’on ne pouvait comprendre le message de Jésus ni le Nouveau Testament dans son entier, sans connaître l'être juif vécu par Jésus, les évangélistes et les premiers apôtres.
Jésus n'était d'ailleurs pas chrétien, c'est une autre évidence ; sinon il aurait dû s'adorer lui-même ce qui eût été un peu idolâtre. Comme Juif, il suivait les mœurs de sa communauté, célébrait ses fêtes,
prêchait dans les synagogues ; il respectait la Loi (avec un grand L, celle de Dieu par Moïse). Certes, il l’appliquait avec la liberté d’un fils de Dieu, celle que nous devrions
tous garder devant les pouvoirs. Mais il a bien affirmé qu’il n’était pas venu abolir la loi mais l’accomplir. Qu’est-ce à dire ? La loi n'a pas de valeur pour soi mais pour
l'homme : " Le sabbat est fait pour l'homme et non pas l'homme pour le sabbat " (Évangile de Marc 2,27) ; et saint Benoît disait la même chose : la Règle est
faite pour le moine non le moine pour la Règle. Le respect des pratiques cache trop souvent un aveugle "attachement à la tradition des
hommes" (Marc 7,8). La loi a été donnée par Dieu, non pour emprisonner les hommes dans des prescriptions multiples, arbitraires, tatillonnes et superfétatoires, mais pour leur permettre
d’être libres, précisément, libres vis-à-vis des tyrannies extérieures, celles des "maîtres" de la Terre, mais aussi, et d'abord, des tyrannies intérieures, celles de leurs propres pulsions
difficiles à contrôler. Elle est d'utilité, comme le code de la route, sans lequel la circulation serait impossible et nous ne serions plus libres de nous déplacer.
Le fondement de la Loi – non seulement pour les Juifs, mais pour toute l’humanité – ce sont les 10 paroles, les 10 préceptes (que la
traduction “commandements” connote regrettablement). Ainsi, le Tu ne tueras point permet des relations interpersonnelles relativement apaisées en limitant l'emploi de la
violence primaire qui peut être en chacun. Dans les westerns, c'est le premier qui tire qui a raison, fût-ce hors de toute raison… Sans ces règles minimales : ne pas tuer, ne pas voler, ne
pas faire de faux-serments, ne pas renier les responsabilités familiales, etc., il n'y aurait aucune vie sociale possible : la "cité" se transformerait en jungle. Mais pour que l'observation
de ces principes soit juste et reste vraie il leur faut d'autres fondements que la crainte imposée ou distillée, qui serait elle-même une forme de violence, vite soumise aux "rapports de
forces".
Si Jésus est venu "accomplir la Loi", il est en même temps venu dire, et montrer par sa vie –jusqu'à sa mort d'homme parfait, ce qui
est aussi l'une des caractéristiques du Messie – que la seule "arme" pour faire admettre cette loi et la pratiquer était l'amour : il a donné une "âme" à la Loi ; il en a vivifié la
lettre – le juridisme toujours menaçant – par l'Esprit.