La gloire et le glaive : paradoxe...

Publié le par Garrigues et Sentiers

 
Le 15 septembre, l’Église catholique célèbre Notre-Dame des Douleurs , que la tradition connaît encore comme Notre-Dame des 7 douleurs, bien que l’Église ait renoncé à les compter… Même Aragon y fait allusion dans son poème Les yeux d’Elsa :
 Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé
 
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le cœur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche.
 
L’Église nous invite à lire l’Évangile de la présentation au Temple (Luc 2,21-39) où le vieillard Siméon prend l’enfant Jésus dans ses bras pour célébrer la naissance de ce Sauveur, avant d’ajouter, à l’adresse de Marie :
« Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction. Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. »
 
Suit immédiatement un épisode qui est censé se dérouler 12 ans plus tard, et qu’on appelle savamment le Recouvrement au Temple (Lc 2,40-52) : Jésus reste au Temple après la fête de la Pâque à l’insu de ses parents qui découvrent son absence en chemin et le cherchent pendant trois jours avant de le retrouver au milieu des docteurs de la Loi où ils voient des choses surprenantes : ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant ; et tous ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses !
 
Le texte précise alors : À sa vue, ils furent saisis d'émotion, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés. » Et il leur dit : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? »
 
Tout cela serait suffisant pour penser qu’il s’agit là de la première des 7 douleurs de Marie, mais un détail le confirme, dans la continuité de la déclaration de Siméon : l’expression ils furent saisis d’émotion est en grec exeplaghêsan, du la racine plagha, coup et en particulier coup d’épée
 
Siméon parlait aussi de Jésus signe de contradiction ; et la contradiction est présente dans tout l’épisode :
 
-         Jésus reste à Jérusalem ; ses parents partent
-        Ses parents pensent que Jésus est avec eux ; il a disparu
-         Jésus interroge ; les gens sont stupéfaits de ses réponses
-         Marie dit : nous te cherchions ; Jésus répond : ne saviez-vouspas
-         Marie parle à Jésus de son père » ; Jésus parle de son Père
-         Jésus dit : je dois être chez mon Père ; puis il redescend avec eux
-         Jésus dit je dois être aux affaires ; puis il leur est soumis.
 
Luc fait ainsi entrer Marie dans les prémices de la Passion, alors même qu’elle offre en son fils, au Temple, les prémices de sa fécondité : cette épée avec laquelle son fils la transperce, au Temple, est la façon qu’a Luc de rappeler implicitement le verset de Zacharie cité en Jean 19,37 : ils regarderont vers celui qu’ils auront transpercé, Jésus en croix.
 
Marie prend le même chemin que celui de Jésus évoqué il y a quelques mois, dans l’article Descendons dans le Jourdain : le chemin de l’abaissement jusqu’au don absolu – ici, le glaive ; là, la Croix – qui se terminera en montée vers la GLOIRE DE DIEU !

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René Guyon

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