Banalité, Altérité, Universalité

Publié le par G&S

Réflexion sur les films
Non ma fille, tu n’iras pas danser, de Christophe Honoré, avec Chiara Mastroianni
et
Tu n’aimeras point
, de Haïm Tabakman
o O o

 Ces deux films sont souvent présentés dans la presse comme caractéristiques de l’air du temps.

À ce titre, ils méritent que l’on soulève quelques questions sur la manière même dont on considère les comportements et les choix que des hommes et des femmes y affichent. La qualité des acteurs, au demeurant remarquable pour l’un d’entre eux (Chiara Mastroianni), et l’art des scénaristes n’entrent pas dans l’objectif de cette réflexion.

Tu n’aimeras point porte à l’écran l’amour passionnel de deux hommes, juifs orthodoxes (dont l’un est déjà marié avec une femme) ; amour jugé scandaleux dans leur milieu d’origine.

Non ma fille, tu n’iras pas danser décrit, tout au long du film, le portrait d’une jeune femme qui fuit son époux, emportant avec elle ses enfants, se débat contre sa propre famille, contre elle-même et ne trouve pas davantage d’issue dans l’amorce de quelque aventure passagère.

Il ne s’agit pas ici de nous livrer à une analyse psychologique de ces cas ; pas davantage de porter sur eux un jugement moral ; leur histoire intime concerne seulement leur propre liberté. Mais l’existence de ces cas, et surtout l’hypothèse de leur fréquence plus élevée aujourd’hui nous incite à essayer de les situer dans le champ comportemental des couples humains existants. Dans ces films, les descriptions présentées – minutieuses, voire complaisantes – ne peuvent relever de véritables études cliniques de cas (appréciation de mon point de vue de psychologue). Mais leur large diffusion dans l’espace public entraîne, qu’on le souhaite ou pas, une banalisation de nouveaux modèles de couples au sein de la société actuelle : « on se compose et/ou se recompose de multiples façons ». Tous ces modèles de couple deviennent équivalents 1. Je le récuse d’un point de vue humaniste (et chrétien aussi sans doute).

Il me semble que l’on assimile rapidement l‘une à l’autre deux notions différentes : banalité et universalité. Ce qui caractérise l’humain, et qui le distingue des autres espèces vivantes, ce n’est pas la fréquence ou la banalité des comportements affichés, mais sa vocation essentielle à l’universalité. Cette vocation a été reconnue par de très nombreux penseurs (aussi différents que Sartre et Kant). Cela ne signifie pas, évidemment, que cette dimension, jugée essentielle, se réalise très facilement, partout et toujours. Mais il me paraît important de ne pas la sous-estimer, surtout aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation.

Sous-entendre que tous ces modèles de couples sont équivalents revient à nier cette dimension transcendante  d’universalité, et à deux niveaux :

- Constat de fait : si les modèles de couples unisexués devenaient la référence, avec application généralisée, l’humanité cesserait de se renouveler.

- Jugement de valeur : la non-reconnaissance de l’altérité de l’autre, comme la non prise en compte de possibles tentatives de dépassement des difficultés présentes, encourraient le risque d’enfermer l’individu dans les frontières figées d’une névrose cultivée.

Des cas individuels, analogues à ceux présentés dans ces films peuvent, selon les circonstances, correspondre parfois à un moindre mal. Ne pas juger les personnes et respecter « l’authenticité d’un vécu individuel » est une chose. Mais ne pas considérer que, par voie de conséquence, ces cas soulèvent des questions d’ordre général est autre chose. Le champ du regard ne peut être borné par  une obsession individualiste nombriliste. Sur le plan éducatif, ce serait dommageable, en ce domaine comme en bien d’autres (par exemple le domaine écologique).

Francine Bouichou-Orsini


1 -
On le sait, le projet a été soulevé : placer sous un même modèle institutionnel le mariage (comme l’adoption) pour les unions unisexuée, alors qu’il existe le PACS.

Publié dans Signes des temps

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M
Tout à fait d'accord avec le texte de Francine. Certes, je n'ai pas vu les films, mais j'ai lu divers commentaires, et surtout les problèmes qu'elle soulève semble une des questions clefs de notre société actuelle. Ne plus brûler vif les homosexuels, comme jadis, est une très bonne chose, acquise grâce aux Lumières ; respecter leur "choix sexuel", comme on dit pudiquement, pourquoi pas ? Vouloir en faire une norme, "banalisée", parmi d'autres : non. Il y a chez les homos une véritable obsession de faire reconnaître leur situation comme "normale" (Cf. les slogans des Gay prides) qui agace. Qu'ils vivent en couples relève du domaine de leur liberté individuelle ; qu'ils revendiquent (pour paraître "rangés" ?) le "mariage", alors même que l'on veut nous persuader que le mariage hétéro est un préjugé ringard, voire une aliénation, une forme de "prostitution" même, disaient les féministes de la belle époque, ça agace encore plus. En outre, reviendra bientôt la question plus sérieuse de l'adoption, autre leitmotiv des homosexuels … qui n'est pas un problème simple. «Quant à la désagrégation —de plus en plus fréquente et souvent pathogène—  des couples hétéros (et sans doute aussi homos), il ne faut pas se laisser impressionner par une revendication de "liberté"  (au nom de laquelle on a commis, depuis longtemps, beaucoup de "crimes" … ). C'est vrai que, dans certains cas, la rupture d'un couple est un moindre mal, voire un bien. Mais on a l'impression que les premières frictions, immanquables, deviennent prétexte facile à séparation. Qui parmi nous n'a jamais eu l'occasion, sinon un prétexte précisément, pour divorcer ? Est-ce que les couples, rafistolés mais finalement durables, sont vraiment plus malheureux que les couples à géométrie variable et à multiples occurrences ? «Et  je ne soulève même pas la question  —plus dramatique car personne ne s'occupe de leur liberté, et sur laquelle les gens dans "l'air du temps" semblent rester indifférents—  la construction et la santé psychologiques des enfants. Peuvent-il se "construire" dans l'instabilité, dans l'absence et les déchirements ? Les doubles résidences, les demi-frères et quarts de sœurs, ça ne se passe pas toujours si bien ! Il serait temps qu'on consulte un peu les psychologues cliniciens : non pas les psys de salon et de télé, mais ceux qui ont la charge des enfants "perturbés", et il y en a beaucoup ; ou les magistrats de la famille affrontés à des cas de plus en plus graves : il n'est que de lire les faits divers quotidiens. L'individualisme abusif du "ce que je veux, quand je veux, comme je veux" en ces domaines est criminel : on ne peut rejeter d'un revers les responsabilités que l'on a prises envers ceux avec qui ont a eu ou on a encore des liens.Marc Delîle
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