La fenêtre
de Carlos Sorin (Argentine)
Le cinéma nous propose une rentrée très riche.. Deux films remarqués à Cannes sont sortis récemment sur nos écrans : « Inglorious bastards », pour ceux qui aiment le style brillant de Quentin Tarantino et les grandes aventures, genre roman de cape et d’épée, mais ici durant la Seconde Guerre mondiale. Et « Un Prophète » de Jacques Audiard, salué par la critique, témoignage saisissant sur la vie en prison, mais au sujet duquel (avec d’autres critiques) je me permets quelques réserves : le réalisme n’évite pas toujours le schématisme et le personnage principal « débrouillard, posé et intelligent… mais aussi traître, servile et utilitariste » (Stéphane Delorme dans les Cahiers du Cinéma) est certes attachant, mais pas pour autant un héros.
La vraie grandeur, la noblesse du cinéma est à mes yeux d’explorer la complexité et les richesses cachées de l’existence humaine. C’est pourquoi j’ai beaucoup apprécié un « petit » film, sorti à Paris le 3 juin, présent à Aix une semaine au mois d’août. Aviez-vous eu la chance de voir « Historias minimas » (2003) ou « Bonbon el Perro » (2005) ? Le réalisateur argentin Carlos Sorin s’attachait déjà, avec une grande chaleur humaine et une gentillesse malicieuse, « à ces petits riens qui font tout le sel de la vie ».
Son nouveau film, « La fenêtre » est sans doute son meilleur : tout simplement une journée de la vie d’un vieil homme usé et malade, dans une grande maison perdue au nord de la Patagonie. Son fils, devenu un pianiste célèbre, doit arriver le soir. Au long du jour, des souvenirs de jeunesse qui remontent à la mémoire, la visite de son médecin à qui il offre un ouvrage de Borgès dont il a été l’ami, l’arrivée du restaurateur de piano, l’agitation des habitants de la maison. À force de regarder par la fenêtre et malgré sa perfusion, le vieil homme se lance dans une escapade à travers champs, jusqu’à ce que la fatigue le fasse s’écrouler. Carlos Sorin confirme un talent exceptionnel pour décrire avec tendresse et humour ces tout petits détails, pour laisser entrevoir à travers eux la subtilité et les nuances infinies des relations humaines. Son style précis, ses cadrages rigoureux, en disent plus que bien des réflexions.
Comme déjà « Les fraises sauvages » de Bergman, il rejoint avec émotion la vieillesse et l’approche de la mort.
Jacques Lefur