Des petits vieux aux yeux éteints
Le Père Daniel Ange, bien connu pour ses discours enflammés,
donne ici une image très "pessimiste" de la jeunesse.
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?
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o O o
Ah ! Cette chape de plomb pesant sur nos épaules, voilant nos visages, éteignant nos regards !
Tout est dû. Tout est vu. Tout est prévu. Tout est vécu. On a tâté à tout. On ne désire plus. On n'espère plus. On n'attend plus. Plus rien. Ni de personne. Ni de la vie.
Le lierre a tellement étouffé la jeune pousse que la sève ne peut plus monter. Les enfants ne disent même plus merci.
Les cadeaux de Noël ? Il y en a trop ! On s'en servira quelques jours, quelques semaines, puis on les... partagera ? Que non ! L'abondance a fermé le cœur : on les jettera.
D'ici là, le gadget dernier cri aura déjà excité mon appétit. Mon copain, lui, l'a déjà, pourquoi pas moi ? Je dois paraître "in", "branché"... Je le veux, à tout prix ! Et tout de suite, sans "s'il vous plaît" ! J'y ai droit. La pub l'a dit, hier soir, à la télé. Je ferai la tête à mes vieux jusqu'à ce que je l'obtienne. Et s'ils ne cèdent pas, je me débrouillerai : je ferai un casse avec les copains. Je l'aurai coûte que coûte ! Sinon, je me taille !
Tyrannie des marques ! Humiliation des enfants qui ne peuvent se les payer !
L'avoir rend tout dérisoire, car il devient synonyme de pouvoir. La richesse engendre le stress. La possession enclenche l'ambition. Rimes terribles ! Cercle vicieux s'il en est !
Et nous voilà toujours tristes, parce qu'on n'a jamais tout ! Et nous voilà enchaînés aux choses ! À force d'aimer les choses et de se servir des personnes, au lieu de se servir des choses et d'aimer les personnes : mortelle inversion ! Et les personnes elles-mêmes deviennent des choses. Des choses à user, à utiliser, à consommer : petits gadgets frémissants livrés à mon plaisir.
Je suis déchiré par ces enfants à qui on arrache leur enfance, ces adolescents frustrés de leur adolescence. En cédant à tous leurs caprices, on en fait des petits vieux aux yeux éteints, au regard blasé, au sourire surfait.
Daniel Ange
(La Joie. Editions des Béatitudes 2009, pages 162-163)