Entrons dans la rentrée
En ce début septembre, alors que chaque matin, les brumes qui annoncent l’automne se font un peu plus présentes, il n’est question que de « rentrée ». Rentrée des classes, rentrée dans les bureaux et les entreprises, rentrée de nos animateurs habituels sur nos écrans de télévision. Après nos escapades vacancières au soleil de l’été, nous sommes invités à retrouver le quotidien de nos vies.
Dans son édition du 1er septembre le journal Le Figaro titre à la Une « Sarkozy fait une rentrée sur les chapeaux de roue » et nous annonce qu’après 3 semaines de vacances, « l’hyper président » est de retour. La rentrée littéraire sera forte, nous dit-on, de 659 nouveaux romans. La rentrée politique se vit au gré de ce qu’on appelle les universités d’été où des excellences en chemisette côtoient les militants et s’adonnent aux joies des petites phrases qui alimenteront les gazettes.
Dans le mot « rentrée », la lettre –« r » indique une répétition, un retour aux formes habituelles de notre vie alors que le mot « entrée », sans ce « r » répétitif, annonce un acte inaugural, le début d’une nouvelle aventure, d’un nouvel âge de la vie. Il n’est pas anodin, à l’heure où l’on nous parle de tous côtés de « sortie de la crise », de savoir si c’est pour rentrer dans les ornières du passé ou entrer dans de nouveaux modes de vie personnels et collectifs.
Pour la finance internationale et les grands banquiers, la rentrée a consisté à retrouver les délices de la spéculation et des bonus mirobolants après que le contribuable eut été prié de bien vouloir régler la facture de la crise. Dans une lettre commune à la présidence suédoise de l’Union Européenne, les dirigeants des trois premières économies européennes Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et Gordon Brown souhaitent que le prochain G20 adopte des mesures plus fortes pour interdire ces comportements aberrants pour le fonctionnement des économies. « L’atténuation des tensions financières, écrivent-ils, a conduit certains établissements financiers à penser qu’ils pourraient renouer avec les mêmes principes d’action qui prévalaient avant la crise. Nous ne pouvons l’accepter ». Et ils ajoutent : « Le sujet des rémunérations dans le secteur financier est un enjeu important qui doit être discuté à Pittsburgh et qui constituera un résultat concret de notre engagement à construire un système financier plus stable. Nos concitoyens sont particulièrement choqués par le retour de pratiques condamnables, alors que l’argent des contribuables a été mobilisé au plus fort de la crise pour soutenir le secteur financier ».
L’avidité des profits à court terme au hasard des opportunités spéculatives et au mépris d’un engagement durable dans des activités entrepreneuriales n’est pas seulement irresponsable. Il est l’expression d’un nihilisme pour qui il n’y a pas de sens en dehors de l’immédiateté et donc pas d’horizon.
S’il est important que soient non seulement dénoncés, mais combattus, ces comportements de la finance internationale, cela ne devrait cependant pas nous éviter de nous interroger, à notre niveau, sur notre capacité à « entrer » dans le risque créatif de nouvelles visions du monde, de nouveaux modes de vie, de nouvelles formes de solidarité. Cela, pour éviter, qu’à notre tour, nous « rentrions » dans le rang des répétitions mortifères des errements du passé.
Bernard Ginisty
(Chronique diffusée sur RCF Saône & Loire le 5 septembre
2009)