Le Nom déchiré

Publié le par Garrigues

Dans les premiers chapitres de la Genèse, le nom de Dieu évolue.

Dans le premier chapitre de la Genèse Dieu s'appelle « Dieu ». Il crée. Il dit : « Que la lumière soit » et il y a la lumière. Il est le Créateur Tout-puissant qui fait exister l'univers, la terre et les créatures. Il donne la vie. Celui qui crée la vie est appelé « Dieu ».

Dans le deuxième chapitre de la Genèse apparaît un nouveau nom de Dieu : « le SEIGNEUR Dieu ». Ces deux mots restent toujours ensemble, comme si l'on avait simplement ajouté une précision au nom divin, sans ajouter une nouveauté. Dieu est le même que dans le premier chapitre mais on découvre qu'il est Dieu ET Seigneur. On remarque que le mot « Seigneur » (ou Yahvé dans la Bible de Jérusalem, ou l'Éternel dans les Bibles juives) apparaît dans le chapitre où est racontée la création de l'homme et de la femme.

Est-ce que cela signifie que l'homme et la femme révèlent qui est Dieu ?

Il semble que la création est destinée à l'homme et que l'homme en est responsable. Le Seigneur Dieu commence à parler à l'homme pour lui expliquer ce qu'il peut manger et ce qu'il ne peut pas manger. Et quand l'homme parle pour la première fois c'est pour s'émerveiller devant la femme qu'il découvre à ses côtés.

Le mot « Seigneur » dans le Nom divin semble être lié à la création de l'homme et de la femme et, par conséquent, apporte une information nouvelle sur l'identité du Créateur. Il ne crée pas seulement des êtres vivants mais des êtres libres auxquels il donne des instructions. Ces êtres sont donc capables de dire « oui » ou de dire « non » à leur créateur. C'est une grande nouveauté dans la création. Auparavant seul Dieu pouvait prendre des décisions ; désormais l'homme aussi peut – comme Dieu – choisir, vouloir, décider... Et parler.

Dans le troisième chapitre de la Genèse apparaît un nouveau « personnage » qui parle, le serpent.

C'est alors que le Nom divin « le Seigneur Dieu » va être déchiré.

La femme n'avait pas entendu les recommandations du Seigneur Dieu puisqu'elle n'avait pas encore été créée. C'est l'homme qui avait dû les lui transmettre. Or, au début de ce troisième chapitre, le serpent dit à la femme « Dieu vous a dit... ». Il fissure le Nom de Dieu.

Le serpent déforme le Nom divin en le prononçant partiellement. Il oublie le mot Seigneur apparu au moment de la création de la liberté ; il montre à la femme uniquement la puissance divine. Le serpent masque la bonté du Créateur qui nous a fait libres et qui, pour nous préserver du malheur, nous a donné des instructions. Le Seigneur Dieu nous a expliqué ce qui est bon et ne l'est pas pour notre « santé » et le serpent déforme ses prescriptions en disant que tout est bon à manger. Autrement dit, avec le serpent nous pouvons nous laisser aller à manger de tout sans réfléchir. Il suffit de suivre nos penchants, nos appétits, nos envies. Nous voyons un champignon agréable à nos yeux et nous le mangeons. Pourtant, le Seigneur Dieu nous avait offert un « mode d'emploi », il nous avait indiqué quels étaient les bons et les mauvais champignons.

Le serpent, en supprimant le mot « Seigneur », nous fait revenir à notre état de créature sans liberté, il nous rabaisse à l'état animal où nous ne réfléchissons plus à ce qui est bon ou pas à manger. L'animal mange tout ce qu'il a envie de manger ; c'est son corps qui lui indique ce qu'il peut ou ne peut pas manger, il n'a pas besoin d'instructions. C'est fatigant de réfléchir et de se poser des questions : « est-ce que je peux ou pas manger cela ? ». Le serpent nous propose la facilité, la paresse, le bonheur immédiat. Je mange ce bon champignon vénéneux parce qu'il est beau et parce qu'il a bon goût. Tant pis pour la suite...

Dans le quatrième chapitre de la Genèse, le Nom divin est vraiment déchiré. Il y a soit le Seigneur, soit Dieu. Le Nom n'est plus unifié, Il n'est plus Harmonie, Unité. Alors l'homme doit travailler à la réparation de ce Nom abîmé : « Caïn apporta au Seigneur une offrande... ». C'est la première fois dans la Bible que le mot « Seigneur » est mentionné sans le mot « Dieu ».

Et ce n'est plus le Seigneur Dieu qui parle, mais le Seigneur. C'est comme si le Seigneur voulait « redevenir » Dieu, comme si le Seigneur voulait que son Nom redevienne complet, comme si le Seigneur voulait, avec l'homme, réparer son propre Nom.

Après le quatrième chapitre de la Genèse et dans tout le reste de la Bible, les mots « Dieu » et « Seigneur » apparaissent presque toujours séparément.

C'est le peuple d'Israël qui déclare : « Le Seigneur EST Dieu ». Ainsi apparaît de temps en temps le Nom unifié, le Nom complet de Dieu.

Mais, la blessure reste ouverte. La déchirure à l'intérieur du Nom de Dieu est aujourd'hui la même que celle du troisième chapitre de la Genèse. Cette déchirure est visible et partout douloureuse. Elle a commencé par le Nom de Dieu et s'est étendue à toute la création. Comment la réparer ?

Peut-être en commençant par « réparer le Nom de Dieu », en respectant son Nom.

Et, heureusement, au moment où le Seigneur Dieu a vu son Nom se déchirer, il a expliqué à l'homme comment le réparer : la Bible sert à cela…

Pierre Orset

Publié dans Réflexions en chemin

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