Quels prêtres pour demain ?

Publié le par Garrigues

article publié dans le journal La Croix du 18 juin 2009
(image ajoutée par G&S)

Benoît XVI, qui va ouvrir vendredi 19 juin à Rome l’Année sacerdotale, a surpris en proposant au clergé du troisième millénaire le curé d’Ars comme modèle

Le curé d’Ars, modèle pour les prêtres du XXIe siècle ? En annonçant en mars 2009 une Année sacerdotale, c’est-à-dire consacrée aux prêtres, Benoît XVI a doublement surpris. D’une part, parce que peu de personnes en avaient été averties, y compris au Vatican. D’autre part, parce qu’il a voulu placer cette Année sacerdotale sous le patronage de Jean-Marie Vianney, dont on célèbre justement les 150 ans de la mort.

Le choix de ce prêtre de campagne du XIXe siècle, dont la ferveur populaire vante l’esprit de sacrifice (« deux pommes de terre par jour pour seule pitance ») et la lutte contre le démon, a en effet de quoi surprendre. Après le concile Vatican II, qui a reconnu toute leur place aux laïcs dans l’Église, après aussi la crise des vocations que connaît notamment l’Europe et qui contraint les prêtres à repenser leur rôle et leur vocation, que peuvent apporter l’exemple de Jean-Marie Vianney et son profil typique de prêtre du concile de Trente ? En quoi les jeunes prêtres y puiseront-ils de quoi répondre aux défis de la société urbaine et sécularisée d’aujourd’hui ?

Sans doute faut-il partir de ce paradoxe. Jean-Marie Vianney fut prêtre de paroisse, et seulement prêtre de paroisse. Une manière pour le pape de signifier au clergé qu’il doit revenir à l’essence de sa vocation. Vatican II, et en particulier Lumen gentium, a mis en lumière la vocation des laïcs. Celle des prêtres est devenue moins évidente, d’autant plus que leur raréfaction contraint à imaginer des réorganisations paroissiales.

 

Lutter contre une « dilution du sacerdoce ministériel »

« Il est nécessaire de veiller à ce que les “nouvelles structures” ou organisations pastorales ne soient pas pensées pour une époque où l’on devrait “se passer” du ministère ordonné, en partant d’une interprétation erronée de la juste promotion des laïcs », a ainsi mis en garde Benoît XVI, lorsqu’il a annoncé l’Année sacerdotale le 16 mars devant la Congrégation pour le clergé. Sinon, avertit-il, « on poserait les conditions d’une dilution supplémentaire du sacerdoce ministériel ».

Aux yeux du pape, il s’agit de remédier à la crise d’identité spirituelle que vit le clergé : avec cette Année sacerdotale, il faut, dit-il, « favoriser cette tension des prêtres vers la perfection spirituelle dont dépend avant tout l’efficacité de leur ministère ». Cette crise trouverait son origine dans la sécularisation qui, comme le note souvent le pape, a atteint l’Église elle-même, donc les prêtres.

 

« D’un modèle ecclésial à un autre »

Dans un discours devant les responsables de séminaires, et publié ensuite par L’Osservatore Romano, Mgr Jean-Louis Bruguès, secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique, parle ainsi du passage « d’un modèle ecclésial à un autre », notant que la génération de prêtres des années postconciliaires, « qui a identifié l’ouverture au monde à une conversion à la sécularisation », est aujourd’hui remplacée par des plus jeunes qui, au contraire, « cherchent surtout à prendre leurs distances vis-à-vis d’elle et revendiquent leur identité et leurs différences ».

Plus fondamentalement, Benoît XVI, qui porte une attention extrême au clergé, à sa formation, à son état moral et spirituel, fixe la barre très haut, n’hésitant pas à lui demander de tendre vers la « perfection morale qui doit habiter tout cœur authentiquement sacerdotal ». De ce point de vue, Jean-Marie Vianney correspond sans aucun doute aux qualités du prêtre souhaitées par le pape. Il faut, confirme-t-on à la Congrégation pour le clergé, « sortir le curé d’Ars de ses pommes de terre ».

 

Le curé des pauvres

Entendez : dépoussiérer son image de tout ce qui est lié au XIXe siècle (dolorisme, lutte dans un contexte postrévolutionnaire, etc.) et se concentrer sur les vertus du saint d’Ars : le « curé des pauvres » a su conjuguer vie contemplative, prière et action caritative, fondant des œuvres comme La Providence. Cet homme simple, sans beaucoup de bagage intellectuel, fut aussi un très grand confesseur, de l’avis unanime de ses contemporains.

Or, justement, Rome insiste aujourd’hui pour remettre le sacrement de la pénitence au cœur de la mission du prêtre. Enfin, le curé d’Ars, de constitution fragile, était loin d’être un « super-héros ». Au contraire : toutes les biographies soulignent les difficultés multiples qu’il a rencontrées, l’opposition dans sa commune, l’opposition de ses confrères dans sa propre paroisse, et surtout, les combats intérieurs d’un homme en proie à de grands questionnements et doutes spirituels. Bref, un prêtre fragile, humble parmi les humbles, sans recettes toutes faites, avec pour seule arme une immense confiance en la Miséricorde de Dieu.

De ce point de vue sans aucun doute, le curé d’Ars est terriblement d’actualité.

Isabelle de Gaulmyn
à Rome

Publié dans Signes des temps

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J
Il faut lire absolument l'intervention de Jean-Louis Bruguès, commentant l'intervention du Pape.C'est un texte qui est signficatif, et symptomatique. La lecture de J.L. Bruguès fait froid dans le dos, en tout cas dans le mien. Le combat est-il vraiment où il le dit ? Je n'en crois rien.
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