Festival de Cannes : le meilleur et le pire

Publié le par Garrigues

Plus que jamais, face au Palmarès de cette année il convient de garder sa faculté de jugement et ses capacités de discernement. Pour ma part, je dirais que les quatre premières récompenses sont parfaitement justifiées, et que je déplore complètement les quatre suivantes, attribuées à trois films d’horreur, puis à un film chinois décevant.

La Palme d’Or couronne un chef d’œuvre, Le ruban blanc, sans doute le seul de ce Festival. Michaël Haneke, cinéaste autrichien, nous emmène dans un village de l’Allemagne du Nord, en 1913. Dans un film en noir et blanc, d’une grande intensité, souvent dur, il suggère que la conjonction entre un pouvoir tyrannique, une éducation rigoriste et le règne de l’hypocrisie porte en germes toutes les dérives sociales. En 1914, à la fin du film, débute la Première Guerre Mondiale, grosse elle-même du nazisme à venir. Rien n’est souligné, tout est suggéré. Cet auteur nous propose là son meilleur film. Nous y reviendrons en octobre quand il sortira sur nos écrans.

La seconde récompense a été attribuée à un film français : Un Prophète, que l’ensemble de la critique a salué : l’éducation en prison d’un jeune de 19 ans, arrivé sans savoir ni lire ni écrire et qui en sort six ans après comme un nouveau caïd. La description de l’univers carcéral est en effet impressionnante. Personnellement, je trouve qu’un second prix convient bien à ce film.

Le Prix exceptionnel pour l’ensemble de son œuvre, remis à Alain Resnais, 86 ans, est évidemment hautement mérité, de même que le Prix d’interprétation masculine remis à Christoph Waltz, acteur américain qui joue avec brio le méchant colonel nazi dans le film de Quentin Tarantino Inglorious basterds. Dans son style expressionniste et excessif qui plaît tant aux jeunes, cet auteur américain compose une grande saga hollywoodienne où il réécrit avec humour l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale, dotée chez lui d’une fin imprévue. C’est très enlevé, très brillant ; Alexandre Dumas est battu sur son propre terrain : l’histoire réinventée.

Ensuite, dans le Palmarès présenté par Isabelle Huppert et son Jury, les choses se gâtent : trois films d’horreur, sans doute les trois films les plus insupportables de tous les films présents à Cannes, ont été récompensés. S’il est vrai que le cinéaste philippin Brillante Mendoza a un vrai talent, que Charlotte Gainsbourg est une excellente actrice, était-ce suffisant pour introduire ces deux films au Palmarès ? Pire encore : était-il nécessaire de leur adjoindre un film coréen de pure horreur sanguinolente, dont un journal comme Le Monde se permet de dire qu’il est « un monument de grotesque prétentieux, bête et ridicule » ?

À côté de cela, des films comme celui de Jane Campion consacré au poète romantique anglais John Keats, le film de Pedro Almodovar ou le dernier film du cinéaste italien Marco Bellochio méritent évidemment beaucoup plus d’attention.

Sans parler des nombreux films de qualité dans les Sections parallèles, que nous aurons l’occasion de voir tout au long de l’année qui vient.

Jacques Lefur

Publié dans Signes des temps

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