Pourquoi voulons-nous vivre et agir ensemble ?
Les récentes élections au Parlement européen ont témoigné à quel point nous étions éloignés d’un civisme européen qui nous ferait partager ensemble un grand dessein et une nouvelle frontière. Et l’abstention qui croît à chaque scrutin manifeste à quel point les Européens saisissent mal en quoi leur vie quotidienne est concernée par les institutions communautaires.
En France, la plupart des commentaires portent sur les règlements de comptes que ces élections ont permis dans le jeu politique franco-français. Ainsi, on n’en finit pas d’analyser le déclin d’un parti socialiste en proie à ses divisions et régulièrement déstabilisé par les débauchages présidentiels de quelques stars de ce parti à l’ego particulièrement développé. Ou bien, comment Nicolas Sarkozy va pouvoir se débarrasser d’un François Bayrou que le débat avec Daniel Cohn-Bendit a profondément déstabilisé. Utilisant pour la première fois les nouvelles dispositions de la Constitution, le Président de la République réunit le 22 juin prochain Députés et Sénateurs en congrès à Versailles pour donner tout le faste qui convient à son succès électoral.
Et il faut dire que la déroute des gauches européennes est aussi celle de la social-démocratie qui a constitué longtemps le ferment de la construction européenne. C’est ce qu’analyse Massimo Cacciari, philosophe et maire de Venise, qui s’exprimait ainsi dans le journal Libération : « Il s’agit d’une défaite qui vient de très loin. En réalité, la débâcle aux européennes représente l’échec des grandes traditions sociales-démocrates qui ont construit l’Europe dans la seconde moitié de l’après-guerre mais qui sont en crise depuis les années 80. Avec Reagan et Thatcher, leur modèle social est entré en crise, lorsque l’imposition fiscale, pour financer ce welfare state, est devenue, pour beaucoup de citoyens, intolérable. La gauche européenne n’a jamais affronté ces problèmes. Elle n’a pas pris en compte l’émergence de nouvelles classes sociales, de nouveaux types d’entrepreneurs. Dans le même temps, elle n’a pas su construire une Europe nouvelle et une politique étrangère commune pour affronter les nouveaux déséquilibres du monde. Les limites et contradictions de cette gauche ont fini par exploser »1.
Dans un éditorial du Nouvel Observateur, Jacques Julliard s’adresse à ses amis socialistes pour leur expliquer pourquoi, pour la première fois, il n’a pas voté pour eux, mais pour Daniel Cohn-Bendit. « Ce n’est pas que ce que vous dites soit nécessairement mauvais ou inintéressant. C’est que l’on ne vous entend plus. C’est que l’on ne veut plus vous entendre. Essayez de parler simple et vrai, comme Dany, comme si vous n’étiez pas, pour l’éternité, candidats à la prochaine présidentielle. Vous verrez que cela ira déjà beaucoup mieux »2.
Et il est vrai que la présidentialisation de la vie politique française ne cesse de produire des effets pervers tant dans la majorité que dans l’opposition.
Au-delà de cette valse des ego dont se régalent les gazettes, il s’agit pour les Européens de savoir pourquoi ils veulent vivre et agir ensemble. Les récentes élections montrent que nous sommes encore loin d’avoir répondu à cette question.
Bernard Ginisty
Chronique diffusée sur RCF Saône & Loire le 12 juin 2009
1 - Il n’y a pas de leaders en Europe. Interview de Massimo Cacciari, philosophe et maire de Venise (parti démocrate) in journal Libération du 10 juin 2009.
2 - Jacques JULLIARD : Pourquoi j’ai voté Cohn-Bendit in Le Nouvel Observateur du 10 juin 2009.