Chercher dans la vie de chaque enfant les traces du passage de Dieu

Publié le par Garrigues

Entretien de Nathalie Gadéa,
mère de famille, infirmière, diplômée en théologie
et membre du Comité de rédaction de
Garrigues & Sentiers

avec
Agnès Auschitzka, du journal La Croix

 

Parce qu'ils croient que Dieu est la source de tout amour,
les parents croyants sont invités à regarder
les couples de leurs enfants avec confiance

 

Quand leurs enfants font un choix de vie de couple autre que celui qu'ils avaient souhaité, les parents souffrent et se culpabilisent souvent. La foi peut-elle les aider ?

Nathalie Gadéa : Avant de parler de foi, arrêtons-nous sur cette souffrance et ce sentiment de culpabilité. Spontanément, quand on est parent, on a le désir de transmettre à son enfant ce qu'on expérimente comme bon pour soi. Si nous sommes heureux dans le mariage, si le sacrement de mariage est un chemin de bonheur pour soi, comment ne pas désirer que ses enfants l'empruntent à leur tour ? Quant au sentiment de culpabilité, il se traduit chez le parent par cette question : « Mais qu'ai-je donc mal fait, mal pensé, pour que mes enfants ne veuillent pas suivre le même chemin que moi ? » Or, la foi chrétienne ne peut pas éradiquer de la vie la souffrance, les déceptions, les difficultés, les conflits qui sont liés à notre condition humaine. Il n'y a pas de croissance sans souffrance, sans arrachement, sans renoncement. Les chrétiens croient que l'engagement de Dieu en Jésus est allé jusqu'au bout du don de lui-même, jusqu'à mourir sur une croix, rejeté des siens. Tout parent, dans sa relation à son enfant, s'inscrit dans cette démarche de don de soi et ne peut donc pas faire l'impasse de certaines souffrances ni même parfois du rejet. Reste que la foi peut aider le croyant à ne pas se laisser clouer par ses souffrances.

C'est-à-dire ?

La théologie chrétienne affirme que la souffrance, la mort ne sont pas ultimes, qu'elles peuvent être un passage, une ouverture vers la vie. Cette vérité de foi qui s'incarne dès à présent dans nos vies ouvre des perspectives à celui qui la fait sienne. Ainsi, le parent est invité à chercher dans la situation que vit son enfant, différente du modèle donné et souhaité pour lui, ce qui est signe de vie, de croissance, d'avancée tant pour lui-même que pour l'enfant. Il est invité à se poser cette question : en quoi le mode de vie de mon enfant est-il signe du Royaume de Dieu à l'œuvre aujourd'hui, et à quelle conversion m'invite-t-il?

Cette attitude est-elle valable dans tous les cas ? Autrement dit, peut-on voir des signes de vie dans toute relation amoureuse, dans toute situation familiale de son enfant ?

Oui, je le crois ; et pour le dire, je m'appuie sur la théologie chrétienne qui affirme que Dieu Amour se révèle par son Esprit dans le cœur de tout homme. Dans la foi, on reconnaît que Dieu, présent en chacun de nous, est la source de toutes nos amitiés, de toutes nos amours humaines. Ce n'est pas le modèle de vie, quel qu'il soit, qui peut être garant du travail de l'Esprit. Celui-ci est donné à tous, sans distinction. C'est parce qu'il croit à cela que le parent chrétien peut changer, convertir son regard sur son enfant et voir dans la sincérité de son amour, dans sa capacité à pardonner, à respecter l'autre, à lui donner de la tendresse, à ouvrir sa maison, à accueillir l'étranger, les traces du passage de Dieu, les fruits du travail de l'Esprit dans son couple. Même si ce fils est parti vivre avec son ami, même si cette fille a choisi d'épouser un homme d'une autre religion, divorcé ou d'un milieu social différent du sien. La vie de Dieu, l'œuvre de son Esprit dans la vie de nos enfants n'est pas dépendante de la conscience qu'ils en ont. Quand un homme et une femme font ensemble l'expérience vraie de la vie, du pardon, ils font l'expérience de Dieu et nous pouvons nous en réjouir pleinement.

Ce changement de regard parental change-t-il quelque chose à la relation avec les enfants ?

Oui, cela change tout, car il permet aux parents d'assumer le rôle qui est vraiment le leur et d'établir une relation juste avec leurs enfants. Au lieu de laisser se dresser des murs de séparation entre eux, au lieu de se donner une mission qui n'est pas la leur (dire à son fils ou sa fille comment il doit aimer), ils iront à la rencontre du couple tel qu'il est, ils « demeureront » chez lui. Comme Marie allant visiter Élisabeth, les parents parcourront la distance nécessaire pour le rejoindre. Cette démarche d'amour et de rencontre permettra alors à la parole de jaillir, au dialogue de s'établir, chacun recevant de l'autre pour sa propre croissance.

Nathalie Gadéa

Publié dans Réflexions en chemin

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C
Permettez-moi un commentaire non théologique, celui d’une mère inquiète.Ce n’est pas tant « ne pas faire comme eux » qui éprouve les parents. C’est ce qu’ils ressentent comme un mauvais choix. Car ils n’ont pas forcément eux-mêmes fait des choix qui les satisfont. Justement, ils se prévalent alors d’expériences dont ils veulent prévenir leurs enfants. Les excuses (le monde a changé), l’amour (c’est mon enfant envers et contre tout) ne sont pas suffisants pour éloigner des parents ce sentiment non seulement de souffrance, mais d’échec ; comme si c’était effectivement leur échec. C’est la source de la culpabilité qu’exprime si bien N. Gadéa.L’attitude des parents, c’est soit celle du modèle, soit celle du repoussoir. Fais comme nous ou ne fais pas comme moi/nous.Je crois qu’aucune attitude n’est satisfaisante : des enfants malheureux dans leur couple m’ont dit : « mes parents avaient mis la barre trop haut : un couple comme le leur, on savait bien qu’on n’y arriverait pas… ». Réciproquement, on peut entendre : « si tu penses ça, alors, je ne le ferai pas, regarde comme cela ne t’a pas réussi ! »Et puis, aucune expérience n’est semblable : aucun enfant, à partir d’expériences a priori comparables, n’en fera un même destin.Quelle attitude adopter (une fois qu’on a affirmé que la porte et le cœur doivent toujours rester ouverts) ? Rester en retrait… mais peut-on voir son enfant souffrir, ou risquer de souffrir, sans vouloir lui éviter l’épreuve ? Intervenir ? Mais que sait-on des surprises de l’avenir ? des évolutions de chacun et des deux ensemble ?Je suis perplexe, comme une mère qui ne sait pas ce que sera le choix de vie de son enfant, et qui a peur, en effet, d’un mauvais choix, sur lequel elle n’a pas de contrôle et dont elle ne porte pas la responsabilité.Je partage avec N. Gadéa l’opinion qu’il y a une part de Dieu dans chaque souffrance. Dans chaque bonheur aussi. Et qu’on doit tout faire pour être du côté du bonheur. Le pardon n’est pas en cause : de quelle vérité de vie suis-je assez sûre pour devoir/pouvoir « pardonner » à celui qui ne suit pas « mon conseil » ou « mon exemple » ?Alors ? Être authentique… porter Dieu…Et aimer, c’est la seule chose qui nous reste. <br /> Clémence Cursol
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