Une vie bouleversée - Journal (1941-1943)

Publié le par Garrigues et Sentiers

de Etty Hillesum (Éditions du Seuil)


Etty Hillesum est une jeune juive d’Amsterdam. En 1941, elle a 28 ans. C’est une intellectuelle étonnamment moderne pour l’époque. Assez tourmentée et dépressive, elle suit des séances avec Julius Spier qui est « psycho-chirologue » (il interprète les lignes de la main). 
A partir de cette rencontre, Etty commence un journal. Elle confie librement sa sensualité et l’évolution de sa relation avec Spier. A son contact, la vie intérieure et l’expérience spirituelle d’Etty s’enrichissent et s’approfondissent.

Bien sûr, dans ce journal Etty relate la vie quotidienne difficile des juifs de Hollande, les vexations de plus en plus cruelles qui les affectent, mais dans ce constat de l’horreur grandissante Etty choisit de ne pas céder à la haine.
Voici ce qu’elle écrit le 15 mars 1941 : « … C’est un problème à notre époque. La haine farouche que nous avons des allemands verse un poison dans nos cœurs : ‘’ On devrait les noyer, cette sale race, les détruire jusqu’au dernier !’’  – on entend cela tous les jours… Jusqu’au jour où m’est venu cette pensée libératrice qui a levé comme un brin d’herbe hésitant au milieu d’une jungle de chiendent : n’y aurait-il plus qu’un seul allemand respectable, qu’il serait digne d’être défendu contre toute une horde de barbares et que son existence vous enlèverait le droit de déverser votre haine sur un peuple entier. » p.25
 
Mais son journal est surtout un témoignage poignant de l’évolution de son itinéraire spirituel. D’une relation à Dieu, au début du journal, assez timorée, (elle se qualifie elle-même comme « la jeune fille qui ne savait pas s’agenouiller ») Etty avance vers une relation de plus en plus intime. Elle écrit le 18 août 1943 : « Toi qui m’as tant enrichie, mon Dieu, permets-moi aussi de donner à pleines mains. Ma vie s’est muée en un dialogue interrompu avec toi, mon Dieu, un long dialogue. Quand je me tiens dans un coin du camp, les pieds plantés dans la terre, les yeux levés vers le ciel, j’ai parfois le visage inondé de larmes – unique exutoire de mon émotion intérieure et de ma gratitude. »
C’est assez déroutant de lire cette jeune femme qui dit, en ces temps noirs, avec simplicité, qu’elle est heureuse de vivre et que la vie est belle. Etty n’est pas une illuminée qui nie la réalité mais elle est tout entière habitée par un profond amour de l’humanité et l’espérance. Elle note le 20 juillet 1943 : « Mon Dieu, cette époque est trop dure pour des êtres fragiles comme moi. Après elle, je le sais, viendra une autre époque beaucoup plus humaine. J’aimerais tant survivre pour transmettre à cette nouvelle époque toute l’humanité que j’ai préservée en moi malgré les faits dont je suis témoin chaque jour. C’est aussi notre seul moyen de préparer les temps nouveaux : les préparer déjà en nous. Je suis intérieurement si légère, si parfaitement exempte de rancœur et d’amour en moi. »
 
A la fin du journal, on trouve des lettres que Etty a écrites du camp de transit de Westerbork.
Elle est morte à Auschwitz le 30 novembre 1943.
Fanny Elbanort
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