Dogmatisme, légalisme... sectarisme ?
Depuis plusieurs semaines, différents organes de presse du monde entier se font l’écho d’un malaise croissant des catholiques, suite aux déclarations du Vatican vis-à-vis de la réintégration d’évêques intégristes et des questions morales. Le pape Benoît XVI est incontestablement un intellectuel plus habitué à des confrontations universitaires qu’à la pastorale concrète avec les hommes d’aujourd’hui et aux relations avec les médias. Or, l’Eglise catholique proclamant une parole publique ne saurait méconnaître l’importance de la communication. On ne peut pas à la fois vouloir une présence médiatique fortement développée par Jean-Paul II et regretter que les journalistes ne saisissent pas toutes les subtilités théologiques permettant de relativiser des propos abrupts en matière de dogme ou de morale, ou, pire encore les accuser de « complot » 1.
Le danger aujourd’hui serait que les responsables de l’Eglise catholique s’enferment dans des constructions théologiques qui peuvent avoir leur cohérence mais ne parlent plus aux hommes d’aujourd’hui. Non pas pour relativiser le message radical de l’Evangile ou se livrer à des complaisances démagogiques avec les médias, mais tout simplement pour être fidèle au Christ qui, au lieu de juger, n’a cessé de comprendre, de guérir, d’aider et de pardonner. C’est là, et non dans des condamnations, que se situe la radicalité évangélique comme l’exprime avec bonheur le philosophe et théologien catalan Raimon Panikkar : « Pour moi, le Christ n’est pas un obstacle ou un mur qui sépare, mais le symbole de l’union, de la fraternité et de l’amour. Jésus est certainement un signe de contradiction, mais l’est, non parce qu’il me sépare des autres, mais parce qu’il s’oppose à mon hypocrisie, à mes craintes et à mon égoïsme ; il me rend vulnérable comme il l’est lui-même » 2.
Un des grands théologiens allemands, Hans Kung, ancien collègue de Josef Ratzinger, avant d’être interdit d’enseignement par Rome, fut reçu longuement par le nouveau pape au début de son pontificat. Dans un entretien avec le journal Le Monde il évoque ses craintes pour l’avenir de l’Eglise catholique qui, dit-il, « risque de devenir une secte »3. Même si l’on ne partage pas cette vision pessimiste, on ne saurait minimiser l’urgence, pour une institution qui se prétend porteuse de la Bonne Nouvelle qu’est l’Evangile, de s’intéresser au monde, et d’abord aux plus pauvres, au lieu d’être focalisé sur son fonctionnement interne.
C’est ce qu’expriment avec beaucoup de justesse les représentants de l’Antenne Sociale de Lyon4, association qui se veut l’expression lyonnaise du catholicisme social français et qui a été très présente dans les récentes Semaines Sociales tenues à Lyon. Dans une lettre ouverte au Cardinal Barbarin, ces catholiques s’expriment ainsi : « Au cœur de l’Evangile, Jésus appelle d’abord à prendre en compte les pauvres et à ne mettre en perspective la loi que dans cette optique. Le dogmatisme et le légalisme ne riment pas avec l’Evangile ». Pour eux, « il faut rapidement un débat dans l’Eglise pour sortir des contradictions de cet enseignement moral qui perd toute crédibilité.(…). Aussi, en Eglise, le débat doit-il être libre dans nos communautés avec l’aide de théologiens et en lien avec nos évêques. (…) Nous devons cela aussi à nos sociétés comme nous étions nombreux à le dire, le vivre, lors des dernières Semaines sociales ici à Lyon ».
Bernard Ginisty
Chronique hebdomadaire diffusée sur RCF Saône & Loire les 17 et 18/04/2009
1 - Cf. La Croix du 16 avril 2009, page 19 : Pour Benoît XVI, communiquer n’est pas une priorité
2 - Raimon PANIKKAR : Une christophanie pour notre temps. Éditions Actes Sud 2001 p. 40.
3 - Hans KUNG : L’Eglise risque de devenir une secte. Entretien dans Le Monde du 24 février 2009
4 - Antenne Sociale, 67, rue Laënnec 69008 LYON. http://antennesocialelyon.free.fr.