KATYN, d’Andrzej Wajda
Le grand cinéaste polonais Andrzej Wajda, révélé à Cannes dès 1957, a toujours été, en même temps qu’un grand artiste, un cinéaste courageux. On se souvient de L’homme de marbre (1977), point de départ du dégel qui allait donner naissance à « Solidarnosc ». On lui doit d’autres chefs d’œuvre, comme Bois de bouleaux (1970), La terre de la grande promesse (1975) ou le film sur Danton (1982) avec Gérard Depardieu.
Il nous revient aujourd’hui avec ce film consacré à un des plus grands drames de la Seconde Guerre Mondiale. Le film, réalisé en 2004, vient enfin de trouver un distributeur en France.
Dans la forêt russe de Katyn, près de Smolensk, 11 000 officiers polonais, qui représentaient l’élite de la nation, médecins, ingénieurs, universitaires, ont été froidement assassinés les uns après les autres, sur ordre de Staline, en avril 1940. Parmi eux se trouvait le père du cinéaste. À cette tragédie de l’histoire polonaise s’ajoutent à vrai dire deux autres drames : auparavant, ces officiers avaient été emprisonnés par l’armée soviétique dès septembre 1939, coup de poignard dans le dos à l’occasion de l’envahissement de la Pologne par les nazis. Ensuite, alors que les charniers avaient été découverts par l’armée allemande en 1941, la propagande soviétique a réussi à imposer à la Pologne et au monde entier que les nazis étaient les responsables des massacres de Katyn, « vérité » officielle jusqu’en 1990, date où Gorbatchev fait connaître la vérité historique. Aujourd’hui encore, Katyn reste un mot tabou dans beaucoup de pays de l’Est.
Wajda nous présente les événements historiques, de septembre 1939 jusqu’aux années de la domination soviétique en Pologne, à travers trois familles d’officiers emprisonnés puis disparus.
Des portraits de femmes courageuses, un récit poignant : ce film, en même temps qu’un bouleversant récit d’histoire, offre une belle leçon d’humanité.
Jacques Lefur