D'une cruche d'eau à la Coupe du Vin

Publié le par Garrigues et Sentiers

 
Dans l'évangile, Jésus, qui a décidé de fêter la Pâque avec ses apôtres, commence par envoyer deux d’entre eux en avant, en leur demandant d’aller dans une maison et de dire au propriétaire qu’il a décidé de manger la Pâque chez lui.
Dans l’évangile de Marc (ch. 14, versets 12 à 16) il précise : allez à la ville et vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau ; suivez-le, et là où il entrera, dites au propriétaire : « le Maître te fait dire : où est ma salle, où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?” » 
Ce moyen de reconnaissance est précis – une cruche d’eau – et surprenant, d’autant plus que le porteur de la cruche doit être un homme : il n’était pas banal, à cette époque, de rencontrer dans la rue un homme portant une cruche. Et il fallait aussi que les apôtres voient le contenu de la cruche, ce qui n’était pas si simple !
Il doit donc y avoir une explication symbolique et théologique à cette curieuse demande, comme d’habitude quand de telles précisons sont données dans un texte biblique.
Pour certains, la cruche, en hébreu kad, dont la valeur est 24 (en guematria juive classique, valeur numérique des mots), représenterait le nombre des livres du Tanakh, c’est-à-dire de l’ensemble de la Bible hébraïque.

Tanakh est l’acronyme du nom des trois parties de la Bible hébraïque : Torah (Pentateuque), Neviy’yim (Prophètes, au sens large), Khetouviym (Hagiographes, livres poétiques et de sagesse), qui comportent 24 livres.

L’homme en question porterait les Écritures et ne pourrait que mener les apôtres dans l’endroit idéal pour manger la Pâque. Peut-être.
Mais en hébreu une cruche d’eau est tsaparhat maiym, en particulier en 1Rois 19,6 : [Élie] regarda et voici qu'il y avait à son chevet une galette cuite sur les pierres chauffées et une cruche d'eau. Il mangea et but, puis il se recoucha.
C’est l’épisode où le prophète Élie veut mourir dans le désert après s’être violemment confronté aux prêtres de Baal dans un concours de miracles, qu’il gagna, les avoir massacrés de ses propres mains et, pour cela, avoir été menacé de mort par Jézabel.
L’épisode d’Élie évoque le manger et le boire (ce que Jésus s’apprête à faire avec ses disciples), mais surtout il présente une véritable Eucharistie. En effet, l’ange du Seigneur le toucha et dit : « lève-toi et mange, autrement le chemin sera trop long pour toi. » Ce que trouve Élie est un viatique, une nourriture pour la route, que Dieu lui donne.
D’ailleurs le texte ajoute : il se leva, mangea et but, puis soutenu par cette nourriture il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu'à la montagne de Dieu, l'Horeb.
C’est le lieu où Dieu s’est manifesté à Moïse (Ex 3) et où il a fait Alliance avec lui (Ex 19,24). On retrouve Élie et Moïse sur cette même montagne au moment de la Transfiguration de Jésus (Mt 17,1-8 et parallèles).
L’Eucharistie qu’instituera Jésus, Alliance nouvelle et éternelle, va être préparée dans la salle où les disciples seront conduits par le porteur de la cruche d’Élie, dont on reparlera sûrement un jour, à propos des coupes de ce dernier repas…
Jean racontait dans l’évangile des noces de Cana le miracle de l’eau changée en vin de l’Alliance ; Marc parle d’une cruche d’eau qui conduit à la coupe du vin de l’Alliance : miracle du symbolisme et de la pensée hébraïque, miracle d’un Dieu qui nourrit l’homme et le désaltère dans l’épreuve et la détresse, miracle d'un Dieu qui fait alliance avec lui au cœur des fêtes !

René Guyon

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M
Je cherchais des précisions sur la cruche et votre article a nourri m’a connaissance. Merci
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R
<br /> @Denis Grenier<br /> Merci d'apprécier ce vieil article qui me tient particulièrement à coeur !<br /> Le texte de Marc ne suggère rien aux lecteurs modernes, surtout s'ils n'ont pas fait d'hébreu. mais il devait suggérer quelque chose aux juifs de son temps.<br /> En effet l'expression ne se trouve que dans l'occurence que j'ai citée ; on trouve une forme un peu différente (la cruche de l'eau) dans le Livre<br /> de Samuel.<br /> La lecture que je propose me nourrit, comme nourrit l'Eucharistie !<br /> Si vous lisez d'autres de mes articles, en particulier dans la rubrique D'une Alliance à l'autre, vous verrez toutes les allusions qu'on peut découvrir dans le texte évangélique et qui passent inaperçues aux lecteurs modernes ;<br /> c'est pour cela que j'écris ici... !<br /> Bien cordialement<br /> René Guyon<br />
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D
<br /> Merci René Guyon pour ce commentaire. Le renvoi à Élie est intéressant. Cependant rien dans le texte de Marc ne le suggère. Je reste donc sur ma faim et... sur ma soif.<br />
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K
bonne journée!!!! biz
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