Les racines cachées d’une polémique
Voici quelques jours se déroulait une vive polémique au sujet d’une phrase du pape Benoît XVI lors d’une interview dans l’avion le conduisant à Yaoundé pour son voyage apostolique.
Aussitôt, en France, deux positions se sont affrontées.
La première, vive, s’est concentrée sur cette phrase sortie de son contexte et a accusé le Pape avec tous les noms possibles et imaginables. La seconde s’est employée à souligner un défaut de communication et à stigmatiser la mauvaise foi des médias.
Ne peut-on pas aller au-delà et prendre acte que, derrière les propos du Pape et cette polémique, se sont manifestées des conceptions de l’homme totalement opposées, au sujet de la vie sexuelle et de la « morale familiale » ?
D’un côté se revendique une liberté individuelle sans limite, justifiant le libertinage ou le « vagabondage » sexuel, n’imaginant aucune restriction si ce n’est celle de ne pas transmettre le virus du sida en usant du préservatif, moyen le plus sûr en ce domaine aujourd’hui à leurs yeux.
De l’autre s’énonce une invitation à vivre une vie sexuelle responsable, maîtrisant les pulsions et promouvant un respect du partenaire qui conduit à ne s’engager dans une vie sexuelle qu’au sein d’un projet de vie ensemble, le mariage.
D’où une opposition frontale dans les messages concernant le point particulier du sida : d’un côté, l’usage permanent du préservatif pour ne pas transmettre le virus ; de l’autre, la fidélité au même partenaire ou l’abstinence sexuelle.
Nous voyons mieux que les passions se sont exacerbées parce qu’en fait les enjeux sont autrement plus profonds que l’usage du préservatif. Le souci du continent africain a bon dos en l’espèce ! Le débat renvoie plutôt en Occident où, depuis plus de cinquante ans, des modèles de vie s’affrontent, autour de la famille tout particulièrement. Se banalisent ainsi les ruptures et les recommencements, en déniant le plus souvent les répercussions sur les enfants. Autour de la sexualité, des messages visuels, culturels, modèlent des comportements permissifs présentés comme des sources du bonheur, alors que la recherche de nouveaux partenaires offre le meilleur des démentis.
Alors, il n’est pas étonnant que la question « qu’est-ce qui est le plus humain ? » ne puisse que diviser. L’homme n’aurait-il pas d’autre issue que de se soumettre à ses instincts et à ses pulsions ? La sexualité serait-elle la seule dimension de sa vie qui n’ait nullement à être éclairée par la raison ? La sexualité serait-elle isolable de la personne humaine au point de pouvoir s’exercer sans projet aucun ? Qu’est-ce qui est le plus respectueux de celui qu’on appelle le partenaire d’un moment, d’une soirée : est-ce de l’utiliser un instant pour soi ou de prendre le temps de bâtir un projet qui n’en fait pas qu’un objet de plaisir ?
Oui, la racine cachée de la polémique est profonde : qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce qui humanise ? Qu’est-ce qui est humain ? C’est de cela que, chrétiens, nous nous sentons responsables, avec bien d’autres d’ailleurs.
Georges PONTIER
Archevêque de Marseille
Le 25 mars 2009