La Crise Financière 2007-200? (première partie)
vue par un observateur avisé
Tant d'analyses ont été faites depuis plus d'un an et même avant par ceux qui pensaient prévoir, qu'intervenir encore paraît faire preuve de beaucoup de prétention ! C'est pourquoi je serai prudent, me limitant essentiellement aux prémisses, laissant aux politiques ou aux économistes chevronnés le risque de décider de solutions que nous espérons bonnes.
J'esquisserai quelques remèdes à court ou moyen terme. Si je vais insister sur les causes plus ou moins lointaines, c'est que j'ai la conviction que pour remédier sérieusement à la crise actuelle, il faudra pratiquement reprendre point par point ce qui a été fait depuis près de 30 ans, tous ces verrous qu'on a fait sauter et trouver le moyen d'en remettre en place qui soient modernes et adaptés aux nouvelles conditions. Si on ne reprend pas ces erreurs, en essayant d'apporter une réponse adaptée à la situation actuelle, à brefs délais tout recommencera, la crise sera encore plus profonde et nous aurons brûlé toutes nos cartouches.
Un peu d'histoire
Bretton-Woods
La dernière guerre encore en cours (Juillet 1944), les responsables des alliés décident de se réunir (à Bretton Woods, New Hampshire) pour mettre en place un système financier, organisé autour des deux grands vainqueurs, afin d'éviter le retour des deux drames responsables, selon eux, de la guerre :
- l'hyperinflation allemande, à partir de 1923,
- la crise de 1929, avec la terrible déflation qui en est découlée.
Les accords créent, alors, deux outils majeurs pour conjurer ces risques :
- Le Fonds Monétaire International, appelé à conjurer l'inflation,
- La Banque Mondiale, pour assurer les liquidités,
Sans oublier les outils annexes,
Et surtout l'instauration de la libre convertibilité du $ en or (et provisoirement de la £).
Tout le monde est bien d'accord pour penser que tout pouvoir nécessite des contrepouvoirs efficaces et c'est ainsi que, dès la fin de la guerre, hors le monde soviétique, deux grandes tendances se font jour :
- le libéralisme dans la sphère anglo-saxonne, mais libéralisme très sérieusement contrôlé par la puissance des syndicats,
- une "économie sociale de marché", en Europe Continentale, plus libérale en Allemagne, en partenariat étroit Industrie/grandes banques, sans oublier la puissance des syndicats présents aux Conseils d'Administration des entreprises cotées, plus dirigée en France sous l'égide du Plan ou l'influence des entreprises nationalisées, particulièrement les grandes banques.
Et ce fut le départ d'une époque de développement rapide, comme jamais on en avait connu, les 30 Glorieuses, où l'Europe rattrapa à marches forcées les puissants Américains. Et surtout, comme jamais dans l'Histoire de l'Europe, on ne vit pareille mobilité des classes sociales au point qu'on a pu parler d'un ascenseur social qui serait en panne depuis.
La révolution conservatrice
Mais, dès la fin des années 60, les USA se sentent rattrapés, et s'estimant ligotés par l'étalon or, décident unilatéralement, le 15 Août 1971, de supprimer la libre convertibilité $/or.
Margaret Thatcher devient Premier Ministre en 1975, dans une grande situation d'instabilité, notamment due à la puissance excessive laissée aux syndicats. Elle redresse l'économie au prix de réformes radicales. Sa politique économique, fortement influencée par les idées libérales, est marquée par d'importantes privatisations (chemins de fer), par la baisse de la pression fiscale, la dérégulation systématique, la maîtrise de l'inflation et du déficit et la fermeté face aux syndicats, au prix de leur affaiblissement considérable.
En 1981, Ronald Reagan est élu Président et il lance lui-aussi une politique fortement libérale et conservatrice, la Révolution conservatrice américaine.
Pendant ce temps, la France élit un Président, lié par un Programme Commun qui ne tiendra guère que deux ans, mais qui ne sera pas sans laisser quelques traces… Réélu en 1988, Mitterrand nomme Pierre Bérégovoy Ministre de l'Économie et des Finances (son directeur de Cabinet, Jean-Charles Naouri, brillant inspecteur des Finances, sera le père de la grande réforme des marchés financiers. Il est aujourd'hui le patron d'une des principales entreprises de supermarchés). Pierre Bérégovoy s’attache à stabiliser le franc (politique du "franc fort"), afin de faire baisser l’inflation, ainsi qu’à libéraliser les marchés financiers et à moderniser la Bourse. Cette politique lui vaut une réputation de gestionnaire compétent auprès des milieux d’affaires.
Et l'Europe entre, à la suite du Royaume-Uni et des USA, dans une époque marquée par la fin de l'économie dirigée, la privatisation, la déréglementation, le libéralisme économique, l'effacement des syndicats (un peu moins en Allemagne) et, bientôt, en France, la fin du Plan, le tout marqué par un chômage croissant.
On ne saurait oublier un nouveau fait majeur dont l'influence va être croissante, si ce n'est déterminante, l'allongement de l'espérance de vie sans que change dans un premier temps, si ce n'est à contre courant, la durée de vie professionnelle. Pour les pays qui ont opté pour le système de retraites par répartition cela va se traduire par la hausse des prélèvements et par une prise en charge par la collectivité, mais pour ceux, les plus nombreux, qui ont choisi la capitalisation, il va bien falloir faire face : la recherche des meilleurs rendements va pousser les gestionnaires des fonds de pension, de plus en plus puissants, à exiger des taux de retours sur investissements croissants, jusqu'à 15%, ce qui dans une période à faible inflation et avec une progression du PIB guère supérieure à 2 ou 3%, conduit soit à des escroqueries, soit à des prises de risque irresponsables. De proche en proche, ce fameux taux de 15% va empoisonner l'ensemble du système financier mondial et pousser les gestionnaires à indexer leurs revenus (bonus ou stock-options) sur leurs résultats. L'économie réelle, fondée sur la production de biens et de services, est devenue ce que JM Keynes avait naguère appelé une économie de casino.
La Mondialisation
Et ces changements considérables se font dans le contexte nouveau de la mondialisation (voir mon Mémo de Mars 2002 sur le sujet). L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) n'a eu de cesse de détruire toutes les règles, toutes les barrières de protection qu'avaient instaurées les États. Les paradis fiscaux, les transferts financiers quasi instantanés ordonnés par les entreprises multinationales (ce que sont la plupart des entreprises françaises du CAQ 40), rendent inopérants toute réglementation qui ne serait pas multilatérale. Les transactions financières (bourse, produits dérivés, "futures") représentent prés de 100 fois les transactions commerciales, c'est dire l'importance de la bulle financière. C'est une question capitale qu'il faudra bien régler. On ne changera pas la rapidité des transactions, on peut essayer de contrôler les paradis fiscaux ou ceux qui y opèrent.
Systématiquement, en Grande Bretagne, puis aux USA, puis en Europe, dans le Monde enfin, les contrepouvoirs lentement mis en place depuis un siècle ont été balayés, le sacro-saint marché devant être capable de prendre leur place avec, théoriquement, plus d'efficacité. On l'a cru, un temps !
Les conséquences
Suivant l'image bien connue du "renard libre dans le poulailler libre", cette nouvelle situation va bénéficier d'abord aux plus forts, aux plus riches, à ceux qui sont déjà en "situation" et qui ont les moyens de peser sur le monde économique, c'est-à-dire les responsables d'entreprises et, finalement, à tous ceux qui tiennent plus ou moins les leviers financiers.
Trois grandes conséquences :
- Lentement mais sûrement, le partage des profits des entreprises, monté à 68/32 (travail/capital), au début des années 80 (et donc avant l'arrivée des socialistes) se déplace en faveur du capital pour arriver à 58/42 au début du nouveau millénaire. Un économiste, pas vraiment à gauche, Patrick Artus, déclare "une moitié de la hausse du profit des entreprises provient de la déformation du partage des revenus en faveur du capital au détriment du travail".
- La stagnation si ce n'est la baisse du pouvoir d'achat des classes moyennes, c'est-à-dire de la grande majorité des consommateurs, aurait pu influer gravement sur le développement des entreprises par la baisse de leur consommation. Or il est capital que les entreprises continuent à se développer, les revenus des dirigeants étant indexés sur les cours de Bourse. Raisonnant à l'inverse de Ford qui voulait que ses salariés aient de bons salaires pour acheter ses voitures, faute de hausses de salaires l'emprunt est facilité pour les particuliers par tous les moyens, emprunt hypothécaire à tout va, y-compris pour ceux dont les revenus sont manifestement insuffisants (d'où les subprimes), cartes de crédit multiples (souvent émises par les grands commerces eux-mêmes), emprunts pour acheter des voitures de plus en plus grosses (faits par des filiales des constructeurs), emprunts pour acheter des entreprises sous forme de LBO (c'est-à-dire l'effet de levier qui permet un minimum de capital initial)… Et bien sûr tout cela favorisé par une politique de taux très bas sous l'influence de la FED américaine. L'intelligence des financiers anglo-saxons (dont bon nombre ont été formés par les meilleures écoles françaises) invente des produits de plus en plus sophistiqués, pour ne pas dire opaques, pour drainer des capitaux de plus en plus larges, à l'affût de rendements incroyables.
- La diminution, voire la suppression des régulations, le besoin impératif de lever des capitaux, la concurrence des fonds de pension et finalement l'esprit de lucre qui a saisi bon nombre de responsables, a fini par avoir raison du bon vieux sens moral ou éthique que Max Weber avait attribué au capitalisme à la mode anglo-saxonne et puritaine. La confiance, maître-mot de l'économie capitaliste, a fini par ne plus être qu'un faible cache-misère de bien des turpitudes, qu'on pense à la collusion grandes entreprises/agences de notation !
La Situation en 2007
En ce début de millénaire, il ne manque pas d'esprit avisé pour sentir que la situation ne peut durer longtemps et qu'elle est à la merci du seul retournement des taux d'intérêt. Pratiquement tout le système a été monté sur des taux particulièrement faibles sous la conduite de la FED américaine. Son directeur, Alan Greenspan, spécialiste de la crise de 1929 utilise systématiquement, face à chaque crise, l'augmentation de la masse monétaire et la pratique de taux d'intérêt très bas.
Les meilleurs économistes sont conscients que ça ne peut durer longtemps. Mais, surtout, les produits financiers distribués par tous ou presque tous les banquiers sont devenus si sophistiquées qu'ils sont à la merci d'un grain de sable…
Le tremblement de terre a démarré en 2007. A ce jour, deux secousses ont déjà ébranlé le monde de la finance, pour ne pas dire le monde tout court, peut-on prévoir que ce n'est pas fini et qu'au moins une ou deux sont encore à venir.
La crise des "subprimes"
En fait elle a commencé fin 2006, mais n'a été révélée qu'en février 2007 par la banque HSBC (2e banque mondiale) et s'est transformée en crise financière mondiale durant l'été 2007. Tout était parti des USA. Pour soutenir le marché de la construction immobilière, les vendeurs, avec la complicité des banques (et des organismes publics comme Fanny Mae ou Freddy Mac qui les réassuraient), ont poussé des acquéreurs de plus en plus insolvables à s'endetter sans limite et à des taux de plus en plus élevés, variables qui plus est (subprime). Tout allait à peu prés bien quand les taux de base étaient très bas et que la spéculation poussait les prix à la hausse. Lorsque les taux ont commencé à remonter, les mensualités se sont envolées, poussant les propriétaires insolvables à vendre, pesant ainsi sur les prix et la spirale s'est brusquement emballée. Et on s'est rendu compte que ces crédits très risqués représentaient plusieurs milliers de Milliards de $ (pour mémoire, le PIB des USA est de 14 500 Milliards de $ en 2008). Il a bien fallu que l'Etat Fédéral intervienne, d'abord en nationalisant Freddie Mac et Fanny Mae, puis en soutenant les banques les plus engagées qui avaient pour une bonne part "titrisé" leurs créances.
La crise financière
Pour entretenir la spéculation, il a fallu inventer des produits nouveaux. On a commencé par "titriser" les créances. La titrisation est une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des créances (par exemple des factures émises non soldées, ou des prêts en cours), en transformant ces créances, regroupées en portefeuille par le passage à travers une société ad hoc, en titres financiers, à taux d'autant plus élevé qu'ils comportaient plus de créances risquées. Ces créances étant garanties ou non par les banques qui en débarrassaient ainsi leur bilan. Le fin du fin étant de mixer un nombre important de créances plus ou moins risquées, à des taux différents, dont plus personne ne sait bien quel risque elles comportent et notamment leur pourcentages en "crédits toxiques". Ces titres étaient ensuite émis sur le marché des capitaux. Et on a placés ces titres d'un genre nouveau dans les portefeuilles des fonds de placement ou de pension ce qui contribuait à leur assurer un bon rendement.
Quand certaines de ces créances ont commencé à être impayées, on n'est plus arrivé à savoir la sûreté de ces titres, d'où perte de confiance grave dans les banques qui les avaient émis et la spirale de la crise s'est enclenchée. Les déposants ou les souscripteurs ont cherché à récupérer leurs avoirs et tel un feu d'artifices au moment du bouquet final, tout s'est embrasé en cascade.
Le signal grave ce fut la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, qui n'est pas sans rappeler celle de la Kreditanstalt à Vienne en 1931 qui développa la grande crise en Europe. Le gouvernement fédéral dût bien intervenir massivement alors et injecter des centaines de Milliards de $ dans les banques pour éviter le "credit crunch" (ou crise de liquidité) qui avait fait tant de mal après 1929.
Et il y a encore au moins deux crises à court terme à venir :
La crise des "hedge funds"
Ce sont des investissements réservés aux investisseurs sophistiqués, considérés comme risqués parce qu'utilisant souvent un effet de levier important (voir ci-dessus), mais assurant un rendement très intéressant si tout va bien. Fin 2007, près de 10 000 hedge funds étaient opérationnels dans le monde et géraient environ 1 760 milliards de $. Si tout va bien… Les difficultés prévisionnelles, et déjà là, de l'économie mondiale, les restrictions de crédit par les banques, rendent extrêmement risqué l'avenir de ces fonds qui, là encore du fait de leur rendement important, se retrouvent dans la plupart des fonds de pension, pour ne pas dire les patrimoines de riches particuliers. Leur défaillance risque également d'avoir un effet domino.
Le risque des cartes de crédit
Au-delà des crédits hypothécaires, pour permettre à des particuliers toujours plus poussés à consommer, et pas à épargner, les banques spécialisées, et même les grandes surfaces directement intéressées, ont poussé leurs clients à multiplier les cartes de crédit ou même les crédits révolving, sans guère s'appesantir sur leurs taux exorbitants (18 à 20%). L'important était de continuer à vendre.
Dans les pays anglo-saxons ou en Espagne, non seulement les ménages n'ont plus épargné, mais leur taux d'endettement est devenu considérable. En 2007, il atteignait 145% en Grande Bretagne, 140% aux USA, 115% en Espagne. En France, pays traditionnel d'épargne populaire, il atteint tout de même 68%. Un accroissement du chômage, une diminution des revenus, risque là aussi d'entraîner des effets en chaîne.
Et trois au moins ensuite :
L'hyper inflation, provoquée par les milliers de Milliards de $ ou d'€ distribués à tout va et que l'économie normale sera bien incapable de résorber (n'oublions pas que le PIB mondial est de l'ordre de 45 000 Milliards de $).
Les mouvements sociaux, provoqués par le chômage qui va s'accroître dans tous les pays et particulièrement dans ceux qui avaient commencé à émerger (Chine, Inde, Russie). Regardons ce qui se passe dans les Antilles Françaises.
Les problèmes concernant l'environnement, qu'ils soient liés à nos besoins (pétrole) ou à nos rejets (effet de serre, pollution, déchets divers…).
Des remèdes
Depuis 80 ans, les économistes ont eu le temps de réfléchir aux remèdes possibles. Faut-il néanmoins qu'ils soient mondiaux puisque la crise est devenue mondiale. Ce n'est pas totalement sûr, les causes n'étant pas identiques selon les pays. Ce qui est sûr, c'est que l'action à court terme doit être générale, coordonnée pour être rapide et essentiellement financière, quant au moyen terme, ils seront plus économiques et sociaux et devront pratiquement refonder un système économique. Se limiter aux questions monétaires serait de l'ordre de l'emplâtre sur la jambe de bois et amènerait rapidement des situations pires que celles que nous connaissons aujourd'hui.
À court terme
Il semblerait évident qu'une crise de cette ampleur qui touche pratiquement tous les pays soit à régler collectivement et massivement. Ce serait la sagesse, mais… Chacun est parti tout seul, ou presque, y-compris en Europe, encore heureux quand on ne vole pas dans les plumes de ses partenaires (voir les déclarations de Nicolas Sarkozy, malgré ses responsabilités européennes, sur l'Allemagne et tout récemment la Grande Bretagne ou la Tchéquie !). Où sont les conseillers du Pdt de la République qui le laissent accuser "la Grande Bretagne de ne plus avoir d'industrie à la différence de la France", alors que, selon Eurostat, le secteur de l'industrie (énergie comprise) représente, en 2007, 14,1% du PIB français, 16,7% du PIB britannique, 26,4% de l'allemand ! Dans la conjoncture actuelle, porter atteinte à l'Europe est la pire des tentations et serait la plus grave des folies.
Si les USA ont pris, malgré l'époque de transition, des dispositions massives, près de 1 000 Milliards de $ jetés dans l'économie, surtout bancaire, l'Europe et surtout la France, jouent petit bras : 26 Mds d'€ (soit 33,6 Milliards de $) pour la France. Si l'on peut apprécier qu'une partie importante de ces 26 milliards soit des projets en portefeuille et dont on accélère la réalisation, la majeure partie de cette somme représente en fait des accélérations de règlement. Mettre l'accent sur l'investissement, qui ne serait d'accord, ne serait-il pas préférable d'insister sur des investissements écologiques plutôt que sur des autoroutes ? Supprimer la Taxe Professionnelle ? Outre son impact considérable sur la capacité d'investissement des collectivités territoriales, par quoi la remplacer ? Nul ne le sait !
Mais le moteur essentiel de l'économie dans notre pays est la consommation des ménages, fortement bloquée en ce moment. Or le Président de la République s'oppose formellement à favoriser la consommation. Certes la baisse du coût du pétrole, des diverses matières premières, notamment agricoles, aura un effet sur le coût de la vie. Le bouclier fiscal, faute originelle, a favorisé essentiellement les plus favorisés qui épargnent leurs revenus supplémentaires, la suppression annoncée de la 1ère tranche de l'Impôt sur le revenu (quel va en être le coût ?), ne s'adresse qu'à ceux qui le paient, c'est-à-dire 50% de la population. Les autres 50% qui dépensent aussitôt en consommation leur surplus de revenus et qui pourraient faire repartir l'économie sont oubliés.
Enfin, le Gouvernement actuel oublie les besoins criants en logements sociaux locatifs. Qu'attend-il pour en lancer un grand programme de construction ?
Et ce n'est pas le RSA, dont l'efficacité jouera difficilement en période de récession qui apportera une solution, encore moins les heures supplémentaires. Faute de supprimer le bouclier fiscal, un rêve pour l'instant et plus réaliste que la baisse d'un point de TVA qui se dissoudrait à tous les paliers intermédiaires avant d'atteindre le consommateur, une solution serait dans l'augmentation rapide et sensible de la Prime pour l'Emploi (PPE), créée en 2001 par le Gouvernement Jospin. En 2006, 8,8 Millions de foyers fiscaux en ont bénéficié, soit 3,2 Milliards € (377 € en moyenne par bénéficiaire). Pour éviter un dérapage ultérieur, il faudrait limiter cette augmentation à deux ans seulement, ce serait une puissante incitation pour contrer la réaction instinctive actuelle de remettre à meilleure fortune les achats envisagés.
À moyen terme
C'est à une réforme profonde de l'ensemble du système économique et financier que doivent s'attaquer les pouvoirs publics, d'une façon coordonnée et ce rapidement car, passée la phase aigüe de la crise, on ne pourra plus rien faire.
La liste est longue et les propositions fleurissent de tous côtés : lutte contre les paradis fiscaux, réglementation des primes et bonus, taxation différentielle des bénéfices distribués ou réinvestis, réforme des organismes de surveillance et de contrôle, intervention étatique plus règlementée, sans oublier, en coordination européenne, l'organisation des délocalisations…. Mais aussi réforme approfondie des systèmes de retraites et de leur financement, développement de la formation et de la recherche (notamment pour tenir compte de notre environnement)…
Je pense qu'il faudrait prévoir, avant tout, l'organisation de contrepouvoirs. Et ils sont de deux ordres, syndicaux et étatiques :
Syndicaux : il faut retrouver une véritable syndicalisation des salariés et qui ne concerne pas seulement les salariés du Public. Pendant des décennies, nous avons déploré la politisation des syndicats, un surtout. Par chance, cela n'existe plus. Aux pouvoirs publics de décider les responsabilités réelles qui peuvent être déléguées aux syndicats et de leur donner les moyens d'exister.
Pouvoirs publics : Barack Obama nous donne l'exemple qu'on peut imposer au moins théoriquement aux entreprises la limitation de l'écart des salaires. Il y a beaucoup d'autres mesures possibles. Qu'attendons-nous en France ? Nous avons pourtant une vraie expérience de ce genre de réglementation.
Je me garderai bien d'entrer plus dans le détail, nombre de responsables politiques, économiques, syndicaux, ont leurs projets. Ce dont je suis sûr, c'est qu'il va bien falloir porter le fer là où ça fait mal, reprendre nombre de dérégulations faites dans l'euphorie du libéralisme et de la monétarisation à tout va, inventer de nouvelles pratiques plus morales et donc mieux contrôlées par les puissances publiques.
Cette crise intervient peut-être au bon moment. Nous avons pris conscience massivement que notre monde était limité, que nous ne pouvions, de toute façon, pas continuer sur notre lancée. A nous d'en profiter. Je le répète, c'est peut-être la dernière échéance.
Pierre RASTOIN
Ancien Adjoint au Maire de Marseille (Finances)
10 février 2009