La Charité, la Vérité et la Miséricorde
De retour du Brésil où j’accompagnais une délégation d’évêques et de prêtres, j’ai été tenu directement au courant de l’affaire de la petite fille brésilienne de 9 ans qui a été violée puis a subi un avortement. Elle attendait deux jumeaux. La presse internationale s’est emparée de cette affaire dans un contexte politique particulièrement polémique.
En effet, actuellement, au Brésil sont débattues des dispositions législatives tendant à élargir le droit à l’avortement. Certains lobbies se sont saisis d’une tragédie particulière pour justifier l’extension des conditions légales de l’interruption volontaire de grossesse.
La manière dont cette affaire a été souvent rapportée et traitée travestit l’objectivité des faits et instrumentalise un drame particulier au bénéfice de la transgression du respect de la vie.
L’impératif de la Charité à laquelle nous appelle l’Évangile a deux versants.
En premier lieu, la Charité est attachée au principe de la Vérité. Aimer quelqu’un c’est refuser de lui mentir. En ce qui concerne l’avortement, l’Église répète depuis toujours qu’il constitue une offense à la vie même s’il est légalisé par la loi et promu par certains courants d’opinion publique. Depuis la conception jusqu’à la mort naturelle, toute vie est sacrée. Elle mérite d’être respectée d’autant plus qu’elle est fragile. Une humanité qui nie ce respect inaltérable de la vie court à sa propre perte.
En parlant d’excommunication, l’Église souligne ce principe non négociable. Inscrite dans le droit de l’Église, l’excommunication a une double fonction. Elle rappelle à l’humanité une limite à ne pas franchir, un interdit à ne pas transgresser. Faute de quoi, elle n’est plus digne de ce pour quoi elle existe.
De plus, l’excommunication a toujours été présentée dans une perspective thérapeutique et médicinale. Elle invite à une prise de conscience, à une conversion, elle ouvre à la Miséricorde du Seigneur. En effet, la Charité s’accomplit toujours dans la Miséricorde. C’est là son deuxième volet. Comme l’enseigne le Christ, tout légalisme enferme dans la peur. Tout au long de Son ministère public Jésus a fait grâce à ceux qui s’écartaient des commandements de Dieu. Dans cette très douloureuse affaire de cette petite fille brésilienne nous avons pu recevoir de multiples témoignages de cette Miséricorde vécue par les communautés chrétiennes qui l’entouraient et l’accompagnaient face à la pression de certains lobbies qui s’exerçait sur elle et sur sa mère. Le Père Rodrigues, curé de leur paroisse, s’est dépensé sans compter pour cette famille en mobilisant toutes ses ressources pour la soutenir dans l’épreuve. Il dénonce « la manipulation de conscience et le manque de respect pour la vie humaine » dont toute la famille a été l’objet.
Cette tragédie nous place sur la ligne de crête de la Charité. Celle-ci doit rappeler à temps et à contretemps le respect dû à la vie (qui sommes-nous pour décréter qu’un être fût-il au stade embryonnaire de son développement mérite d’être éliminé ?) et d’autre part manifester notre compassion vis-à-vis des plus faibles et des plus fragiles comme cette petite fille victime des pulsions criminelles de son beau-père violeur. Contrairement à ce qui a été diffusé par de nombreux médias, ni la petite fille ni la mère n’ont fait l’objet d’une excommunication. La conférence des évêques du Brésil en reprécisant les premières déclarations faites par l’archevêque de Recife invite la communauté internationale qui s’est saisie de cette affaire, mais aussi chacun d’entre nous, à tenir ensemble les deux versants de la Charité. « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent », chante le psalmiste. Aimer c’est rappeler la vérité de ce qu’est la vie, et œuvrer de toutes ses forces pour la rendre possible.
Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon