Il y avait autre chose à dire
J'ai appris comme tout le monde que la mère d'une fille de neuf ans, enceinte de son beau-père, avait été excommuniée par son évêque au Brésil, avec l'équipe médicale qui avait procédé à l'avortement de sa fille. Comme évêque, je suis solidaire de tous les évêques du monde. La solidarité impose de dire ses désaccords, sinon elle ne serait que complicité. Je dois dire à mon frère l'évêque de Recife - et au cardinal qui l'a soutenu - que je ne comprends pas leur intervention. Devant un tel drame, devant la blessure d'une enfant violée et incapable, même physiquement, de mener à terme une grossesse, il y avait autre chose à dire, et surtout des questions à se poser : comment accompagner, encourager, permettre de sortir de l'horreur, de retrouver sens et goût à la vie ? Comment aider la fille et la mère à se reconstruire ? Nous balbutions, surtout nous les hommes, et devons compter sur les femmes pour être là avec plus de présence que de paroles. Mais des paroles de condamnation, un rappel de la loi, aussi juste soit-elle : c'est ce qu'il ne faut pas faire.
Jésus aurait dit que la morale est faite pour l'homme et non l'homme pour la morale. Il a dénoncé l'hypocrisie de ceux qui lient de pesants fardeaux sur les épaules des autres.
Je confesse que j'ai accompagné des femmes avant et après une IVG. Je crois que l'Église catholique assume sa responsabilité sociale en insistant, à temps et à contretemps, sur le respect de la vie humaine « depuis la conception jusqu'à la mort naturelle ». Nous manquerions à notre responsabilité en taisant cet appel, qui relève de la défense des plus petits et des plus faibles. Après, il s'agit d'accompagner chaque personne, dans des situations où je ne voudrais pas être, et où chacun essaie de faire au mieux de ce qu'il ou elle peut. Dieu nous appelle à des décisions qui peuvent être exigeantes, mais d'abord il nous enveloppe de sa tendresse, et il nous accueille dans les obscurités et les drames de la vie. J'attends des hommes d'Église, mes frères, qu'ils n'utilisent pas son nom pour condamner des personnes ou les enfermer dans la culpabilité.
Francis Deniau,
évêque pour la Nièvre
Rome, 12 mars 2009 (source ZENIT.org)