En dehors de l’Église, pas d'évangélisation
Le but de mon propos consiste à situer la tâche ou mission d'évangélisation par, avec et dans
l'Église. C'est selon moi une évidence qu'il n'y a pas d'évangélisation hors de l'Église. Mais cette évidence est malmenée pour toutes sortes de raisons et c'est justement pour cela qu'il
convient de visiter à nouveau cette évidence.
Après avoir rapidement et partiellement relevé ce qui peut faire difficulté quant à l'Église (1), je proposerai, par un retour scripturaire et patristique, quelques lignes fortes pour une théologie de l'Église (2). Cela mènera, dans le contexte contemporain, à mieux comprendre l'Église en situation de diaspora (3).
On percevra alors pourquoi il n'y a pas d'évangélisation hors de l'Église (4). La vie à la suite du Christ pourra trouver dans ce cadre une sérénité malgré les adversités ecclésiales ou mondaines (5). Restera à tirer quelques conséquences par rapport au ministère presbytéral que l'on pourra partiellement étendre à la vie religieuse (6).
1. Le Christ, oui, l'Église, non !
Nous avons tous entendu, explicitement ou non, peut-être l'avons-nous nous-mêmes pensé : le Christ, oui, l'Église, non !
On comprend qu'il y ait de quoi rejeter l'Église. Il y a une histoire grevée de fautes qui sont des contre-témoignages. Il faut que cela soit suffisamment lourd pour que Jean-Paul II pense opportune une démarche de repentance1. On sait que dans certains milieux, cette démarche a suscité la réprobation. On aurait alors reconnu que l'Église était un rassemblement de vauriens ; où est donc son infaillibilité ?2
Non seulement il n'y a pas de quoi être fier de ce passé, mais il obère aujourd'hui la crédibilité de l'Église et partant de l'évangile, donc aussi de notre action pastorale.
Dans le rejet de l'Église, outre le poids de l'histoire, il y a aussi le contexte qui fait que l'on ne supporte aucune autorité. Héritée des Lumières, l'autonomie de l'homme signe sa grandeur : Sape audere, « Aie le goût d'oser » ! Mai 68 représente une charnière symbolique dans ce processus. Ce qui était l'apanage de quelques intellectuels et libres penseurs devient une manière de vivre en société, le rejet des autorités.
Mai 68, une charnière symbolique si l'on en croit, presque quarante ans plus tard, les noms d'oiseaux que l'on s'échange : anti-soixante-huitard, post-soixante-huitard, soixante-huitard attardé. Mai 68, une référence dont on ne cherche pas à comprendre la signification mais qui marque comme une fracture idéologique, dans l'Église au moins autant que dans le reste de la société.
Mais nous ne sommes plus en 68, et l'autorité, depuis, n'est même plus une valeur de droite. Le libéralisme idéologique, et non seulement économique, relativise lui aussi l'autorité. La liberté est devenue une valeur de droite alors qu'elle était confisquée par la gauche au XIXe siècle. On défend aujourd'hui la légitimité du « chacun son opinion », et il ne reste que la culture militante pour revendiquer la discussion et confronter les opinions. Les intégrismes seuls ont recours au principe d'autorité mais ne discutent pas davantage. Ils sortent affaiblis des conflits, réduits aux exclusions mutuelles et à la division parce qu'il n'y a pas de débat.
Dans l'Église, lorsque l'on recourt à l'autorité, c'est rarement celle de son supérieur immédiat en ce qui concerne les clercs et religieux, ou de son curé pour les laïcs. Si l'évêque n'est pas de votre bord, il n'est guère tenu en considération. On joue Rome contre les autorités locales et l'Église en est fragilisée. Rome devient l'instance décisive, ce qui convient bien à la centralisation magistérielle depuis deux siècles3. Même ceux qui contestent Rome en appellent à Rome ou en espèrent ce que leur ecclésiologie conteste. Il faut, de manière intempestive, que ce soit un J.-C. Guillebaud qui se fasse le défenseur de l'institution, y compris ecclésiale4.
Ces quelques propos trop rapides n'ont d'autre but que de développer les formes multiples que peut prendre l'expression « Le Christ, oui ; l'Église non ! » Il y a déjà quelques années, J. Rigal intitulait un de ses ouvrages : L'Église, obstacle ou chemin vers Dieu5.
2. L'Église ou son Église...
Après avoir rapidement et partiellement relevé ce qui peut faire difficulté quant à l'Église (1), je proposerai, par un retour scripturaire et patristique, quelques lignes fortes pour une théologie de l'Église (2). Cela mènera, dans le contexte contemporain, à mieux comprendre l'Église en situation de diaspora (3).
On percevra alors pourquoi il n'y a pas d'évangélisation hors de l'Église (4). La vie à la suite du Christ pourra trouver dans ce cadre une sérénité malgré les adversités ecclésiales ou mondaines (5). Restera à tirer quelques conséquences par rapport au ministère presbytéral que l'on pourra partiellement étendre à la vie religieuse (6).
1. Le Christ, oui, l'Église, non !
Nous avons tous entendu, explicitement ou non, peut-être l'avons-nous nous-mêmes pensé : le Christ, oui, l'Église, non !
On comprend qu'il y ait de quoi rejeter l'Église. Il y a une histoire grevée de fautes qui sont des contre-témoignages. Il faut que cela soit suffisamment lourd pour que Jean-Paul II pense opportune une démarche de repentance1. On sait que dans certains milieux, cette démarche a suscité la réprobation. On aurait alors reconnu que l'Église était un rassemblement de vauriens ; où est donc son infaillibilité ?2
Non seulement il n'y a pas de quoi être fier de ce passé, mais il obère aujourd'hui la crédibilité de l'Église et partant de l'évangile, donc aussi de notre action pastorale.
Dans le rejet de l'Église, outre le poids de l'histoire, il y a aussi le contexte qui fait que l'on ne supporte aucune autorité. Héritée des Lumières, l'autonomie de l'homme signe sa grandeur : Sape audere, « Aie le goût d'oser » ! Mai 68 représente une charnière symbolique dans ce processus. Ce qui était l'apanage de quelques intellectuels et libres penseurs devient une manière de vivre en société, le rejet des autorités.
Mai 68, une charnière symbolique si l'on en croit, presque quarante ans plus tard, les noms d'oiseaux que l'on s'échange : anti-soixante-huitard, post-soixante-huitard, soixante-huitard attardé. Mai 68, une référence dont on ne cherche pas à comprendre la signification mais qui marque comme une fracture idéologique, dans l'Église au moins autant que dans le reste de la société.
Mais nous ne sommes plus en 68, et l'autorité, depuis, n'est même plus une valeur de droite. Le libéralisme idéologique, et non seulement économique, relativise lui aussi l'autorité. La liberté est devenue une valeur de droite alors qu'elle était confisquée par la gauche au XIXe siècle. On défend aujourd'hui la légitimité du « chacun son opinion », et il ne reste que la culture militante pour revendiquer la discussion et confronter les opinions. Les intégrismes seuls ont recours au principe d'autorité mais ne discutent pas davantage. Ils sortent affaiblis des conflits, réduits aux exclusions mutuelles et à la division parce qu'il n'y a pas de débat.
Dans l'Église, lorsque l'on recourt à l'autorité, c'est rarement celle de son supérieur immédiat en ce qui concerne les clercs et religieux, ou de son curé pour les laïcs. Si l'évêque n'est pas de votre bord, il n'est guère tenu en considération. On joue Rome contre les autorités locales et l'Église en est fragilisée. Rome devient l'instance décisive, ce qui convient bien à la centralisation magistérielle depuis deux siècles3. Même ceux qui contestent Rome en appellent à Rome ou en espèrent ce que leur ecclésiologie conteste. Il faut, de manière intempestive, que ce soit un J.-C. Guillebaud qui se fasse le défenseur de l'institution, y compris ecclésiale4.
Ces quelques propos trop rapides n'ont d'autre but que de développer les formes multiples que peut prendre l'expression « Le Christ, oui ; l'Église non ! » Il y a déjà quelques années, J. Rigal intitulait un de ses ouvrages : L'Église, obstacle ou chemin vers Dieu5.
2. L'Église ou son Église...