La transmission de la foi : confrontation au scandale

Publié le par Garrigues


Ce texte a été élaboré à l’occasion d’une journée de réflexion sur la transmission de la foi dans le cadre d’une « communauté de base » bruxelloise qui s’appelle La paroisse libre. Il tente d’articuler une réflexion en distinguant essentiellement deux volets.

 

Les valeurs évangéliques

S’il s’agit de transmettre ce qu’on appelle les valeurs évangéliques (bonheur des pauvres, justification des pécheurs, privilèges des petits, subversion des hiérarchies mondaines, etc.), d’en témoigner et de les transposer dans le domaine du « temporel », de la vie quotidienne, de l’engagement social, professionnel, de l’alliance conjugale ou familiale, je dirais que le pari reste osé, à la limite du possible, mais malgré tout soutenable. Non sans combats ni débats, avec des échecs plus ou moins graves, des avancées aussi. Le croyant en chacun de nous n’est jamais vainqueur à 100% : il doit sans cesse lutter et trouver en pratique  un compromis qu’il lui revient d’apprécier entre d’une part le «  bon sens », les contraintes du réel et sa propre fragilité et d’autre part le radicalisme eschatologique des exigences de l’Évangile. Avec toujours le danger de « se payer de mots »… Mais enfin, dans ce combat jamais gagné, le croyant peut s’attirer une certaine « crédibilité » de la part des hommes d’aujourd’hui et même trouver des alliés chez des gens qui se disent, eux, non croyants et partagent largement les mêmes « valeurs ». Il se heurtera par contre à l’indifférence ou à l’hostilité de gens pour qui ces « valeurs » ne comptent pas, qu’ils soient croyants d’ailleurs ou incroyants.


L’adhésion personnelle à Jésus-Christ

Par ailleurs, dès que le croyant que je suis, comme sans doute beaucoup d’autres appartenant aux communautés de base comme La Paroisse libre, veut référer ses « valeurs » à sa foi personnelle en Jésus-Christ, dès qu’il fait état d’une dimension religieuse ou de transcendance, il se heurte à une double difficulté, ne fût-ce que pour tenter de communiquer son point de vue. Quant à « transmettre » des convictions de quelque manière, cela ne paraît guère envisageable, tout cela faute d’un minimum de langage commun ou en raison d’un décalage culturel insurmontable.

Par rapport aux croyants que, pour faire bref, j’appellerai « traditionnels », je me trouverai souvent en porte à faux. Théoriquement, nous partageons la même foi, mais nos façons de croire se révèlent antithétiques. En simplifiant, la mienne leur paraîtra « moderniste », « protestante », « rationaliste », à la limite «blasphématoire » ; et la leur me paraîtra « anachronique » ou « surnaturaliste », etc. Sans tenir compte des divergences de vue, parfois très tranchées au niveau des engagements temporels. Cette situation n’exclut pas le respect mutuel, ni la courtoisie, ni même des échanges intéressants. Le plus souvent pourtant, il n’y aura pas de vraie confrontation ni, à proprement parler, de dialogue, parce que chacun, au nom de sa foi, ne pourra transiger sur sa façon de croire, ou, du moins, de formuler sa foi. Le plus souvent, eux et moi, nous finirons par ne pas parler de tout cela, sans doute pour nous ménager et vu l’inutilité du débat. Pour ma part, je crois avoir renoncé à tout prosélytisme de ce côté-là, persuadé que je suis devenu de la vanité de ce genre de tentative.

Par rapport aux « laïcs » que je fréquente, dont certains très proches, si le domaine des « valeurs évangéliques » constitue un espace de rencontres, d’accords, de solidarité et de collaboration, la dimension religieuse, avec ses aspects cultuels et la part de réflexion « théologique » qu’elle comporte à mes yeux semble relever de l’«intransmissible » par excellence. Il y a évidemment beaucoup de prises de positions du magistère romain, tout un faste et un décorum d’un autre âge, ou encore certaines manifestations d’un piétisme exacerbé ou pratiques sectaires, d’une façon générale la pesanteur et l’inadéquation des institutions ecclésiastiques. Tout cela fait écran, sinon barrage…, paraît ridicule ou inadmissible aux yeux de mes interlocuteurs. Moi-même je m’en distancie évidemment et ne me prive pas d’un jugement critique vis-à-vis de ce que je considère comme des déviations par rapport à la foi « évangélique », telle que je la conçois. Mais ces prises de position de ma part ne diminuent pas la difficulté de faire positivement état de cette foi (sauf, en fin de compte, avec un cercle très limité), d’en parler avec quelque chance d’être entendu simplement, et a fortiori d’en rendre « témoignage », en ce qui concerne de nouveau la dimension « spirituelle » ou « religieuse ». Non pas, la plupart du temps, que les gens manifesteraient une franche opposition ou de l’hostilité ouverte ; on déclarera presque toujours respecter une option qui relève de ma vie privée, on y verra même une forme d’originalité, une sorte de lubie inoffensive, sympathique parfois. Cependant, à supposer que j’aie la liberté d’aborder un tel sujet, je ne rencontrerai chez une majorité de personnes, y compris celles avec lesquelles je me sens proche sur d’autres terrains, qu’une indifférence ou un désintérêt poli. Au fond, ils ne s’estiment pas concernés par cette dimension religieuse de l’être et par les expressions qu’elle peut prendre et qui leur semblent relever d’un autre monde et d’un autre temps. Finalement, sans que le sujet devienne tabou, eux et moi, par une sorte d’accord tacite, nous préférerons ne pas en parler. Attitude de respect mutuel sans doute en partie, de prudence, d’évitement aussi face à la quasi impossibilité d’un débat.

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Publié dans DOSSIER L'EGLISE

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B
Tout à fait d'accord.<br /> Cette coquille de la religion appartient à une culturer, un âge donné.<br /> L'Evangile VECU, dans sa sobriété peut être reçu, quelle que soit la culture et l'époque, parcqu'il est de l'ordre de la vie.
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