Éditorial

Publié le par Garrigues

Garrigues & Sentiers on the Net
Dossier n° 10


l'Église



Pour introduire ce dixième dossier de notre blog, « Entre Esprit et institution : l’Église », deux images empruntées au Vatican. Sur l’une, le vitrail de l’abside de la basilique Saint-Pierre, avec la colombe de l’Esprit-Saint qui plane au-dessus de la chaire de l’Apôtre ; sur l’autre, la garde suisse qui veille sur le « successeur de Pierre ». Façon de signifier qu’il sera uniquement question ici de l’Église de Rome. Cela parce que les contributions qui nous sont parvenues sont le fait de seuls catholiques : traiter de cette Église a été pour eux comme une « affaire de famille », ce qui les a parfois conduits à « balayer devant leur porte », comme on verra. On se consolera de ce romano-centrisme  car, avec tout ce qu’elle représente dans l’imaginaire occidental, Rome est sans doute la mieux à même d’exprimer cette tension entre Esprit et institution qui est le fait de toutes les Églises.

Tension féconde, comme toute tension, car elle est signe de vie : seuls les morts sont atones. De fait, elle est présente dès les origines. Dans les Écritures, c’est le même Seigneur qui proclame « L’Esprit souffle où il veut » (Jean 3,8) et qui institue les Douze comme apôtres. En les établissant « pour être avec lui et les envoyer prêcher » (Marc 3,14), il préfigure ce que sera l’Église après sa résurrection. Et ce qu’elle est appelée à être jusqu’à son retour : une Église qui vit par l’Esprit, mais trouve chair dans une institution, avec les pesanteurs que cela comporte. L’un ne va pas sans l’autre. Lors du récent Colloque de Marseille sur « La coresponsabilité en Église », Olivier Bobineau l’a fort bien exprimé au travers des figures (un peu schématisées, souci pédagogique oblige) de Pierre et de Jean.

Chez l’un, de façon préférentielle, la transmission d’un message ; chez l’autre, un témoignage personnel. Pour l’un, le souci tenace de conserver – il faut rien moins qu’une vision pour le faire renoncer aux prescriptions de la Loi (Actes 10,9-16) – ; chez l’autre, surtout le désir de changer les cœurs, afin qu’il soit donné à chacun d’« adorer en Esprit et en vérité » (Jean 4,23). Etc. : on pourrait poursuivre indéfiniment ce parallèle. Comme on pourrait aussi le prolonger dans le temps, car tout au long de l’histoire, l’Église a été constituée d’autres Pierre et d’autres Jean. Mais aussi par d’autres Pierre et d’autres Jean.

À preuve les contributions réunies dans ce dossier. L’institution –Pierre si l’on veut – y tient toute sa place. Qu’il s’agisse de redire sa légitimité, tant il est vrai, comme l’écrit l’un d’entre nous, qu’« En dehors de l’Église, pas d’évangélisation ». Ou de porter sur elle, comme le font d’autres articles, un regard critique où s’exerce ce don précieux et inaliénable qu’est la « liberté des enfants de Dieu » (Romains 8,21). Quant à Jean, on le reconnaîtra sans peine chez ceux qui nous ont confié en quelle Église ils espèrent ou nous exhortent à « revenir à l’Évangile » et son Esprit. D’un article à l’autre (et souvent, bien entendu, au sein d’un même article), Pierre et Jean poursuivent ainsi, non sans tension parfois, ce dialogue noué dès les débuts de l’histoire chrétienne qui a fait et fait encore l’Église. Pour plus de détails, voir l’Avant-Propos en forme de clé de lecture dont nous avons tenu à faire précéder ce dossier particulièrement nourri.

Il reste que la vie de l’Église – et singulièrement de l’Église de Rome – n’est pas faite que de tensions fécondes entre Esprit et institution ; elle connaît aussi des crises. Au moment même où nous nous apprêtions à mettre en ligne ce dossier, l’actualité vient de nous le rappeler avec la levée de l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X par le pape Benoît XVI. En raison notamment de sa coïncidence avec les propos négationnistes tenus par un de ces évêques, la mesure a soulevé une émotion considérable très au-delà même du monde catholique. Qu’il ait donné lieu spontanément à autant d’indignations, de prises de position décidées, et jusqu’à des pétitions, invite à lire cet événement comme un « signe des temps » (Matthieu 16,3).  Car il dit beaucoup sur notre Église, mais aussi sur ce que notre monde en attend, en espère ou en désespère.

 C’est pourquoi la première réaction qu’il a suscitée au sein de notre comité de rédaction, celle d’Albert Olivier, Levée des excommunications : jusqu’à l’insupportable ? a été rangée non dans ce dossier, mais dans la rubrique de notre blog précisément intitulée « Signe des temps ». Notre souhait serait qu’elle ne reste pas isolée. À vous maintenant, amis internautes, d’alimenter cette rubrique pour intervenir dans un débat qui est tout sauf de circonstance. Car il touche au plus intime quiconque se veut disciple du Christ. Et il prolonge à sa façon la réflexion que nous avons voulu ouvrir par ce dossier sur l’Église.

G&S

Publié dans DOSSIER L'EGLISE

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C
si nous sommes d'accord, comment éviter que ceux qui parlent en Son nom, s'arrogent un label d'unique vérité?Mon souci maintenant est que les pauvres en esprit , que nous sommes, tous prophètes, nous manifestions auprés de la hiérarchie pour qu'elle CHANGE. Et je demande à tous: comment? grandes manifs pacifiques, du type des cercles de silence? Il nous appartient de ne pas laisser l'image du Chtist se dévaluer auprés de nos frères.
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A
Sans être théologien (et donc sans pouvoir juger en expert), mon intuition (c'est peut-être ce que l'on appelle le sensus fidelium) est que Clémence fait de la très bonne théologie, bien meilleure que celle de son curé (ou du conseiller ecclésiastique de notre président de la République quand il lui a soufflé de dire dans son discours du Latran  que jamais un instit' n'arrivera à la cheville d'un curé, d'un rabbin ou d'un imam).Oui, on peut être "de Jésus" (personnellement, je dirais plutôt "du Christ") sans être affilié à une Église; c'est ce que nous dit la grande parabole du chapitre 25 de Matthieu sur le Jugement dernier : ceux qui se retrouvent à la droite du Père ne le doivent pas au fait qu'ils ont fréquenté les églises (ou les temples, les synagogues, les mosquées, les pagodes, que sais-je ?) mais à ce qu'ils ont nourri les affamés, racheté les captifs, etc. Pour parler cette fois comme Paul, leur peuple (que l'on espère immense...) constitue, même sans le savoir, le corps du Christ dont les contours ne sont pas ceux des institutions religieuses. En cela, ils sont des saints ou, pour parler comme Clémence, des "parfaits"... même si, sans doute, ils ne sont pas (ou n'ont pas été) parfaits en tout dans leur vie.Inversement, même si cela n'est pas dit, il doit y avoir au Jugement dernier pas mal de bigots de tout poil (ou plutôt de toute confession) à la gauche du Père, faute d'avoir reconnu dans la pauvre l'image de Dieu. Que cela ne nous décourage pas cependant de fréquenter les Églises car, si imparfaites soient-elles, elles sont signes de l'amour de Dieu ; et cela, elles le doivent aux saints qui sont aussi en elles et que, souvent, nous ne savons pas voir.<br /> Alcofribas Nasier 
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C
Aprés avoir salué la qualité des textes proposés, devant lesquels on se sent bien peu savant..., je voudrais vous parler de  l'homélie entendue ce dernier dimanche dans ma paroisse. C'était la journée des malades. Il fut donc question de l'assistance aux malades et aux pauvres. Il nous fut expliqué que seule l'assistance apportée par les chrétiens était le vrai amour des autres, parce qu'elle s'inscrivait dans un plan: elle était apportée par charité, alors que l'action des "humanitaires" était vide de sens.Immédiatement à l'esprit , vient la parole de Saint Paul: " si Jésus n'est pas ressuscité, buvons et mangeons car demain nous mourrons". Ainsi , ces gens qui ne croient pas, devraient "profiter de la vie", sans se soucier des autres.  Quels imbéciles..Leur abnégation, leur dévouement ne sont ils  pas au contraire une leçon , un exemple pour les chrétiens, ceux qui n'aident pas , comme  ceux qui aident?Aujourd'hui, on ne dit plus charité: ce mot a longtemps porté en lui la notion de rachat marchandé: "tu vois mon Dieu, comme je suis quelqu'un de bien... alors, ça vaut le paradis, NON? ça rachète mon orgueil, mon égoisme, tout l'argent que je gagne sur le dos des autres, n'est-ce pas?".On dit Amour, en effet, et ça supprime la dimension comptable.. On pourrait dire alors que ces gens , qui observent l'Evangile sans le connaître, sont des chrétiens qui s'ignorent.C'est là que je rejoins le débat sur l'Eglise.Sont-ils d'Eglise? ( d'ailleurs, eux  s'en moquent!mais pas nous, car ils suppriment l'une des manières de marquer notre foi...) Alors, sont-ils De Jésus? : dans ce cas, peut on être De Jésus, sans être d'Eglise? C'est évidemment le problème évoqué par tous les textes du dossier.Ma réponse est OUI , à cause du bon larron: cet homme n'a pas connu la prédication de Jésus, il n'était pas un disciple; et parce qu'il a cru, c'est-à dire qu'il a fait un acte de foi sur l'Amour, Jésus l'a pris à son côté dans les cieux.Ma réponse est OUI, pour des raisons socilologiques, que j'emprunte au dernier ouvrage de Frédéric Lenoir: le Christ philosophe. Que cela nous choque ou pas, nous vivons dans un monde imprégné de christianisme, qui a imposé comme une évidence les valeurs de l'Humanisme, revendiquées aussi par plusieurs de vos textes , la liberté, l'amour des autres ... Etonnamment, ceux pour qui ce n'est pas une évidence, ce sont ceux qui persistent à instaurer un monde INJUSTE ou SANS LIBERTE- ce qui se recoupe! Où les trouve t-on? parmi les économistes, les gouvernants, en somme les gens de pouvoir . Souvent, ils se disent chrétiens! Ils sont D'Eglise. Leur dit-on qu'ils ne sont pas De Jésus?....Qu'en pensez vous? Certes, Jésus, dans Matt.6, 46-48, répond à la question: il faut être parfait: qu'est ce que cette perfection? La modestie, le silence, l'acceptation même de l'imperfection et de l'échec, la Faiblesse, celle de Jésus sur la croix, qui se retourne en Gloire et qui change la face du monde .Justement , nos "humanitaires" agissent dans le silence et n'attendent aucun retour ( j'exclus les vedettes...): sont-ils parfaits?
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