Une époque s'achève... Vient un autre Temps...

Publié le par Garrigues

Même si aujourd'hui le futur nous semble « extraordinaire », à la longue il ne deviendra simple et bienfaisant que si les humains le désirent, l'assument, l'aménagent.

C'est dans ce sentiment que se formulent mes vœux de Noël et du jour de l'An.

Mon propos aujourd'hui commence par une évocation de l'époque que nous vivons  maintenant ; il se terminera par un vœu...

Comme tous les Français, je constate que la planète ne tourne plus rond comme avant ! La crise nous agite, nous stimule, nous effraie. Elle vient de « je sais où » et rebondit jusqu'à « je ne sais où ».

Le monde vacille et tremble. Les limites craquent. Les institutions se délitent. Elles perdent la juste mesure. Comme les individus, elles sont dépassées. Les systèmes en -isme (Libéralisme, Socialisme...) vacillent. Ils semblent ne plus tenir leur promesse de régulation ; les repères philosophiques, politiques, économiques, sociétaux, religieux... s'effilochent. Ce n'est la faute de personne mais tout le monde se découvre à la fois responsable et impuissant. Stupéfaction. Ambiguïté. Hébétement. Désarroi.

Les cultures, avant de se métisser, s'affrontent dans une sorte de chaos cosmique...

Ce qui était vrai hier au crépuscule n'est plus vrai à l'aube du lendemain. Du matin au soir tout change. Il faudrait gérer la réalité plus vite que le temps ; nul n'en a les moyens. Gouvernants et simples citoyens, personne ne semble plus « tenir les manettes ».

Tout se passe en même temps, se mêle et se concentre sur mon petit écran. 

Peugeot, Ford, Volkswagen ne vendent plus leurs voitures ; le thon rouge disparaît ; les postiers craignent la concurrence ; les ours blancs périssent sur la banquise fondante ; les juges se plaignent de ne pas être assez respectés ; les saisons rechignent ; les brebis broutent au pied de la tour Eiffel ; les enseignants redoutent de n'être plus assez nombreux pour enseigner ; les méduses se prélassent sur les plages ; les urgentistes ont trop d'urgences ; le Dalaï Lama ne peut regagner ses montagnes ; les jachères ne sont plus subventionnées par Bruxelles ; les Airbus ont peine à se vendre ; le pétrole devient trop ou pas assez cher ; le soja est mal coté à Londres ; les anchois désertent la baie d'Arcachon ; les prisons regorgent ; les migrants de Sangatte n'ont plus de toit ; les clochards meurent dans les bois ; les frégates de Taiwan rebondissent en Clearstream ; les sous-traitants délocalisent ; les sangliers envahissent les villes...

Bref, la grande et multiple turbulence arrive jusqu'à chacun de nous, se déverse en nous et nous sature. La perplexité est à son comble... les informations assassinent le jugement et désespèrent l'action.

Lointain et proche, l'instant n'a plus de décalage horaire. La grand-mère internaute voit plusieurs fois par semaine sur son écran d'ordinateur ses enfants et petits-enfants éparpillés sur les cinq continents... Elle a plaisir et joie, mais aussi double crainte et double angoisse. Elle se fait un brin de souci parce que l'un d'entre eux semble avoir pleuré... il a les traits tirés. Tout lui saute aux yeux, elle est à la fois émerveillée et inquiète de ne pouvoir consoler un chagrin. Apparemment très proche, elle est en fait très loin.

Au trot (ou au trop) le monde entier défile dans la plupart des chaumières.

Si la planète n'explose pas avant, les prochaines décennies verront la mondialisation arriver à son point culminant. Il faudra bien vivre avec cette constante perspective universelle... Que faire pour garder sang-froid, conscience avisée et liberté personnelle ?

 

C'est là que mon vœu pour Noël 2008 et le Jour de l'an 2009 se formule.

Nul, quel que soit son âge, ne peut vivre sans des relations de proximité. Si quelqu'un n'est pas reconnu, distingué parmi d'autres, appelé par son nom, soutenu dans son évolution, en un mot aimé, il s'amenuise au point de mourir d'isolement. Je vous souhaite donc de vivre entouré d'un groupe ou d'une communauté d'une dizaine de personnes.

Je souhaite que dans cet espace de relations courtes et régulières, vous puissiez avec liberté, régularité, acharnement, patience, respect, vérité, profondeur, intelligence, sans colère ni crainte, prendre la parole, risquer un avis, écouter une contradiction, rendre un service et proposer une action commune simple qui a toute chance de se réaliser.

Je souhaite qu'avec ces mêmes partenaires de la réflexion, de l'approfondissement, du compagnonnage, vous puissiez « faire de la pensée » et trouviez les mots adaptés de l'intelligence de notre temps.

Je souhaite que vous puissiez cheminer avec quelques-uns pour, dans une ambiance modeste et entêtée, remonter les mailles d'un tricot sociétal qui tienne chaud à la vie quotidienne.

À mon sens il est urgent que chacun tisse un environnement social pour favoriser la formation de la conscience et pour forger des repères simples. Ainsi nous vivrons gaillardement l'inévitable mondialisation. Elle pourra alors donner des fruits succulents.

Joyeux Noël et bonne année !


Christian Montfalcon
Prêtre catholique octogénaire

Publié dans Signes des temps

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