Éloge du pharisien

Publié le par Garrigues

Les pharisiens ("les séparés") n'ont pas bonne réputation parmi les chrétiens. Les Évangiles les présentent parfois comme des êtres très contents d'eux-mêmes, (se) suffisant(s) et méprisants : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes » (Luc 18,11). Peu enclins à se reconnaître pécheurs, ils paraissent aussi plus attachés à la règle, aux formules et aux rites qu'à l'Esprit.

Mais ne soyons pas "pharisiens" à leur égard. Connaissant bien les Écritures, ils cherchent à vivre pleinement la Loi. Soucieux de perfection, ils ne manquent ni de générosité, ni d'exigences envers eux-mêmes : « Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » (Ibid. v. 12). Ce n'est pas si facile à faire ! Y en a-t-il beaucoup, parmi nous, capables de cette ascèse et de cette libéralité, en donnant une part notable de leurs biens, non pour se complaire à "faire le bien", mais - simplement - pour partager avec des frères en détresse ce dont ils ont pu profiter ? En outre, ils ne font pas partie de ceux qui condamnent Jésus ; certains, tel Nicodème, le défendent (Jean 7,50) ; d'autres se posent de bonnes questions à son sujet (Jean 9,16) : « Comment un homme pécheur peut-il faire de tels signes. » Quelques-uns même adhèrent à l'Église naissante (Actes 15,5). N'oublions pas que saint Paul se revendique comme "pharisien".

Leurs actes, souvent bons en eux-mêmes, ne deviennent donc discutables que par les conséquences qu'ils en tirent. Ainsi, leurs qualités-mêmes risquent d'alimenter chez eux cet orgueil dénoncé dans les évangiles. Leur zèle religieux, incontestable, pour faire des prosélytes (Matthieu 23,15) trouve ses limites dans celles que leur légalisme met à l'ampleur de l'Amour de Dieu (Matthieu 15,1-20).

Ce ne sont pas les hommes, avec leurs qualités et leurs défauts, qui sont en question, mais le "pharisaïsme". C'est-à-dire l'attitude qui consiste à se couvrir du masque de justicier, à s'emparer des "droits de Dieu" en s'autoproclamant son fondé de pouvoir, plutôt que de s'essayer à un amour fraternel humble et patient. L'exégète Xavier Léon-Dufour faisait remarquer naguère qu'il y avait du pharisaïsme chez les premiers Chrétiens dans leur mépris des Juifs (Lettre aux Romains 11,18-24). Il ajoutait : « Le pharisaïsme menace le christianisme dans la mesure où celui-ci régresse au stade d'une observance légale et méconnaît l'universalité de la grâce. »

Faisons donc attention aux clichés qui risquent de masquer la réalité et nous empêcheraient de voir la poutre dans notre œil...

Albert OLIVIER

Publié dans Réflexions en chemin

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J
Le judaïsme d'aujourd'hui , depuis la destruction du Temple est l'héritier des Pharisiens.<br /> Ne pas généraliser "les" pharisiens, dans les Evangiles ou les lettres de Paul, lorsqu'ils parlent "des" pharisiens<br />  
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