Les sept dormants
Sept livres en hommage aux sept moines de Tibhirine
de Rachid Koraïchi
John Berger, Michel Butor, Hélène Cixous, Sylvie Germain,
Nancy Huston, Alberto Manguel et Leïla Sebbar
(Actes Sud, 2004)
(Actes Sud, 2004)
Le 21 mai 1996, les 7 moines du monastère de Tibhirine, en Algérie, sont assassinés par un commando du G.I.A. Cet acte barbare a provoqué tristesse et stupéfaction dans l?opinion internationale.
La communauté trappiste vivait de prières et de partage près de Médéa, en harmonie avec une population musulmane très attachée à son identité.
Les 7 moines, après plusieurs visites des groupes terroristes, avaient choisi de rester avec leurs voisins, ce « peuple qui souffre » malgré le danger annoncé car « [leur] vie était donnée à Dieu et à ce pays. »
Rachid Koraïchi, artiste plasticien algérien, attentif à la vie spirituelle, a voulu rendre hommage à la mémoire des 7 moines et a sollicité des écrivains d'origines diverses pour enrichir son travail ; d'où, réunis dans cette édition en un seul volume, 7 livres d'artistes, un pour chaque frère : Frère Christian, Frère Christophe, Frère Bruno, Frère Luc, Frère Célestin, Frère Paul et Frère Michel.
Le titre fait référence à une sourate du Coran « la Caverne » qui jette un pont fraternel avec la religion chrétienne en relatant le martyre de 7 jeunes chrétiens par des idolâtres puis leur résurrection.
Similitude criante, les habitants croyants de Tibhirine ne s'y sont pas trompés qui entretiennent avec amour et respect le cimetière où sont les sept dormants.
Dans une lettre visionnaire, aux premiers mots prémonitoires « quand un A-Dieu s'envisage... », frère Christian (Christian de Chergé) a pris soin de mettre en garde contre tout amalgame entre l'Algérie et son assassinat. Nous en reproduisant ci-après quelques lignes écrites un peu plus d?un an avant sa mort.
Ce « testament spirituel », qui est aussi donné à lire dans sa version manuscrite, place d'emblée l'ouvrage dans l'émotion et le recueillement.
Rythmés par le nombre 7, les textes (et les calligraphies) se succèdent et se répondent dans leur diversité. Qu'ils évoquent directement l'assassinat des moines, l'Algérie vécue ou rêvée, les vertus et les souffrances, les croyances des uns et des autres, c'est une communion de prières qui s'élève et étreint le lecteur.
« Quand un A-Dieu s'envisage...
... J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J'aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout coeur à qui m'aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de meurtre ».
(Recension d'Esther Bendayan)