La grâce des recommencements
Le texte de cette lettre, écrite à des amis par un frère franciscain, nous a paru assez "
universel " pour trouver sa place parmi nos Fioretti. Elle est bien sûr publiée avec l'accord de son auteur, que nous tenons à remercier très fraternellement ; le titre est de
G&S.
Chers amis,
Merci pour vos messages. Je n’ai guère pris le temps d’y répondre étant accaparé par le déménagement vers ma nouvelle fraternité. Mais je suis très sensible à toutes les manifestations d’amitié au moment où je vis de si grands détachements.
Plusieurs fois durant ma vie religieuse, j’ai vécu la difficulté d’un changement de fraternité ou de mission. On s’attache vite à un lieu ou à un ministère, à cause des liens tissés, de l’amitié créée. Quand on a fait son « trou » dans un fromage, comme on dit familièrement, on envisage difficilement un autre avenir pour soi. Les chapitres qui reviennent pour nous religieux tous les trois ans nous remettent à chaque fois devant l’incertitude du lendemain. Pourtant, lorsque je regarde le passé, je peux dire qu’il y a une grâce des nouveaux commencements. Il y a en nous des virtualités qui n’ont pas encore été révélées et que l’on va découvrir à l’occasion d’une nouvelle mission.
Et cela est le lot de chacun d’entre nous, car chacun vit au cours de son existence des changements qui peuvent être douloureux, mais aussi heureux et pleins d’espérance… Le changement de travail, de lieu de résidence, le chômage, une déception affective, un deuil et voilà que le sens de notre vie n’apparaît plus aussi clairement. Toutes sortes de sentiments peuvent alors nous traverser : joie d’écrire une nouvelle page de notre vie, bien sûr, mais aussi, il faut le dire, sentiment d’injustice, de ne pas avoir été compris, révolte, peur… En ces jours quelque chose de très fort peut se jouer en nous : lorsque que l’on consent à abdiquer toute prétention sur soi-même et sur les autres, lorsque, en grande pauvreté, on se retrouve face au Seigneur, un sentiment très fort nous envahit : « Cela doit avoir un sens dans le cœur de Dieu ». Alors toutes les énergies qui passaient à ruminer dans la nuit, sont tournées vers la lumière, et voilà qu’un sens apparaît, un sens ténu tout d’abord, comme un léger souffle de vent, comme « la voix d’un fin silence » qu’entendit Elie sur la Montagne. En regardant notre histoire à la lumière de la foi, on aperçoit alors comme un fil rouge qui relie les différents événements de notre vie. Oui, de loin en loin, le Seigneur nous a remis en route. J’en ai fait personnellement plusieurs fois l’expérience : chaque fois que j’ai lâché prise à l’appel du Seigneur, s’est ouvert pour moi ensuite une belle et nouvelle page de fécondité.
Le Seigneur n'en aura jamais fini de nous remettre debout : "Lève-toi" c'est vraiment la parole de Dieu par excellence, celle que le Seigneur ne cessera jamais de nous redire. On a vite fait de s'installer dans son petit confort spirituel, mais le Seigneur, il veut plus de nous. Il vient nous chercher là où nous en sommes, souvent dans nos vieilles ornières, nos vieilles habitudes, pour certains dans leur confort spirituel, pour d'autres dans leurs faiblesses, dans leurs péchés, et Il nous remet en route. Notre vocation chrétienne et par conséquent, franciscaine, c'est d'être des pèlerins et des étrangers en ce monde. Être pèlerin, c'est être sur la route, sur ces routes innombrables. Être pèlerin c'est marcher vers la montagne de Dieu. Être pèlerin c'est aller à la rencontre des hommes. Et le Seigneur a un chemin particulier pour chacun d’entre nous. Et pour chacun le "Lève-toi" aura une signification particulière, que l'on découvrira dans un coeur à coeur avec le Seigneur. On sait bien où le Seigneur nous attend, où Il nous appelle. Et à notre tour, parce que nous serons des hommes et des femmes debout, nous aiderons les autres, les hommes et les femmes de notre temps, à se remettre en route. "Hâte-toi et cours d'un pas léger, sans achopper aux pierres du chemin. Va confiante, allègre et joyeuse" écrit sainte Claire à Agnès de Prague. Mais cela suppose le détachement... laisser tout ce qui pourrait alourdir notre marche.
Pour cela nous avons besoin, j’ai besoin de l’amitié de tous, de votre amitié. Et je voudrais par cette lettre mendier un peu de cette amitié, comme on mendie son pain au bord du chemin. Merci.
Chers amis,
Merci pour vos messages. Je n’ai guère pris le temps d’y répondre étant accaparé par le déménagement vers ma nouvelle fraternité. Mais je suis très sensible à toutes les manifestations d’amitié au moment où je vis de si grands détachements.
Plusieurs fois durant ma vie religieuse, j’ai vécu la difficulté d’un changement de fraternité ou de mission. On s’attache vite à un lieu ou à un ministère, à cause des liens tissés, de l’amitié créée. Quand on a fait son « trou » dans un fromage, comme on dit familièrement, on envisage difficilement un autre avenir pour soi. Les chapitres qui reviennent pour nous religieux tous les trois ans nous remettent à chaque fois devant l’incertitude du lendemain. Pourtant, lorsque je regarde le passé, je peux dire qu’il y a une grâce des nouveaux commencements. Il y a en nous des virtualités qui n’ont pas encore été révélées et que l’on va découvrir à l’occasion d’une nouvelle mission.
Et cela est le lot de chacun d’entre nous, car chacun vit au cours de son existence des changements qui peuvent être douloureux, mais aussi heureux et pleins d’espérance… Le changement de travail, de lieu de résidence, le chômage, une déception affective, un deuil et voilà que le sens de notre vie n’apparaît plus aussi clairement. Toutes sortes de sentiments peuvent alors nous traverser : joie d’écrire une nouvelle page de notre vie, bien sûr, mais aussi, il faut le dire, sentiment d’injustice, de ne pas avoir été compris, révolte, peur… En ces jours quelque chose de très fort peut se jouer en nous : lorsque que l’on consent à abdiquer toute prétention sur soi-même et sur les autres, lorsque, en grande pauvreté, on se retrouve face au Seigneur, un sentiment très fort nous envahit : « Cela doit avoir un sens dans le cœur de Dieu ». Alors toutes les énergies qui passaient à ruminer dans la nuit, sont tournées vers la lumière, et voilà qu’un sens apparaît, un sens ténu tout d’abord, comme un léger souffle de vent, comme « la voix d’un fin silence » qu’entendit Elie sur la Montagne. En regardant notre histoire à la lumière de la foi, on aperçoit alors comme un fil rouge qui relie les différents événements de notre vie. Oui, de loin en loin, le Seigneur nous a remis en route. J’en ai fait personnellement plusieurs fois l’expérience : chaque fois que j’ai lâché prise à l’appel du Seigneur, s’est ouvert pour moi ensuite une belle et nouvelle page de fécondité.
Le Seigneur n'en aura jamais fini de nous remettre debout : "Lève-toi" c'est vraiment la parole de Dieu par excellence, celle que le Seigneur ne cessera jamais de nous redire. On a vite fait de s'installer dans son petit confort spirituel, mais le Seigneur, il veut plus de nous. Il vient nous chercher là où nous en sommes, souvent dans nos vieilles ornières, nos vieilles habitudes, pour certains dans leur confort spirituel, pour d'autres dans leurs faiblesses, dans leurs péchés, et Il nous remet en route. Notre vocation chrétienne et par conséquent, franciscaine, c'est d'être des pèlerins et des étrangers en ce monde. Être pèlerin, c'est être sur la route, sur ces routes innombrables. Être pèlerin c'est marcher vers la montagne de Dieu. Être pèlerin c'est aller à la rencontre des hommes. Et le Seigneur a un chemin particulier pour chacun d’entre nous. Et pour chacun le "Lève-toi" aura une signification particulière, que l'on découvrira dans un coeur à coeur avec le Seigneur. On sait bien où le Seigneur nous attend, où Il nous appelle. Et à notre tour, parce que nous serons des hommes et des femmes debout, nous aiderons les autres, les hommes et les femmes de notre temps, à se remettre en route. "Hâte-toi et cours d'un pas léger, sans achopper aux pierres du chemin. Va confiante, allègre et joyeuse" écrit sainte Claire à Agnès de Prague. Mais cela suppose le détachement... laisser tout ce qui pourrait alourdir notre marche.
Pour cela nous avons besoin, j’ai besoin de l’amitié de tous, de votre amitié. Et je voudrais par cette lettre mendier un peu de cette amitié, comme on mendie son pain au bord du chemin. Merci.
Frère Marcel DAVAL