Bar Timée, l’aveugle clairvoyant

Publié le par Garrigues

(Marc 10,46-52)

Je vous propose aujourd'hui de nous intéresser à un épisode que la plupart d'entre vous, amis internautes, connaît à peu près par cœur, à tel point que je suis sûr que chacun de vous est en mesure de se représenter la scène dans sa tête et peut-être même de mettre un visage sur cet aveugle si célèbre !

L'aveugle de Jéricho, Bar Timée, est pour nous comme un frère, proche, presque jumeau... Et si je parle de jumeau, ce n'est pas par hasard !


Bar Timée, fils jumeau

En effet, Marc - en général très concis - prend le temps de dire le nom de cet aveugle et de le traduire : Bar Timée, fils de Timée (ce qui explique pourquoi je prends la liberté de l'écrire en deux mots). Mais on peut rétrovertir ce nom en hébreu de plusieurs manières, et celle sur laquelle je voudrais m'arrêter, car elle est très liée à ce que vit cet homme, est bar teom, fils jumeau.

Ce n'est sans doute pas par hasard que cet épisode se situe juste après la requête de deux frères, les fils de Zébédée (cf. l'article Jacques et Jean comme deux larrons) et que l'épisode parallèle en Matthieu (20,30-34) met en scène deux aveugles ?! Curieux non ?

Donc, apprenant que Jésus est en train de passer, Bar Timée se met à crier : Fils de David, Jésus, aie pitié de moi !


Jésus, double Messie

Or, la tradition juive évoque une espèce de double nature du Messie (qui serait, oserai-je dire, jumeau !) : le Messie fils de Joseph, le serviteur de Dieu, et le Messie fils de David, le chéri (c'est le sens du mot David) de Dieu victorieux.

Le Messie ben Iosseph (Joseph) est toujours présent - plus ou moins caché - dans le monde et se manifeste de temps en temps (on pourrait citer des noms...), tandis que le Messie ben David doit venir pour réaliser les promesses de Dieu.

Le Messie ben Iosseph n'a apparemment que des victoires éphémères, comme le serviteur souffrant du prophète Isaïe, alors qu'un texte juif ancien dit : si vous en êtes dignes, c'est le ben David qui viendra. On peut penser qu'alors la victoire du Messie sera durable.

Il me paraît évident que Jésus rassemble en lui les deux caractères du Messie, ben Joseph et ben David. Et ce n'est sans doute pas par hasard - encore une fois ! - que, dans les évangiles, les généalogies de Jésus le montrent à la fois fils de Joseph et fils de David : Jésus est venu, ben Iosseph, et Jésus reviendra, ben David, aux derniers temps.

Alors, comment Jésus ne serait-il pas saisi par ce cri hautement prophétique du pauvre mendiant aveugle assis au bord du chemin ?

C'est pourquoi, à ces mots, et alors que tout le monde était sourd aux cris de l'aveugle, lui s'arrête. Et tout se met tout-à-coup à l'envers : Bar Timée réécrit la Bible à l'envers, non sans quelques soubresauts ! : l'aveugle - le non-voyant que personne ne voyait - est découvert par la foule, qui essaie aussitôt de le cacher en le rabrouant, car elle n'a aucune confiance en ce va-nu-pieds... puis lui dit d'avoir confiance en Jésus qui demande qu'on l'appelle. Elle lui dit : courage, lève-toi.

Encore un hasard ? C'est ici, à Jéricho, que Josué avait passé le Jourdain et bondi en Terre promise, sur la même parole : sois fort et plein de courage ! (Deutéronome 31,7.23 ; Josué 1,6.7.9.18)


Bar Timée, l'aveugle qui bondit

Aussitôt Bar Timée - enfin découvert par Jésus et par la foule - se découvre lui-même en jetant son manteau, pour courir vers sa terre promise à lui : Jésus... dans le noir, mais vers la lumière !

Je ne suis d'ailleurs pas sûr que tous les lecteurs de cet épisode se soient rendu compte que l'aveugle bondit dans le noir absolu, ce qui est une immense marque de confiance en celui qui l'appelle !

Bar Timée bondit et va vers Jésus, après s'être dépouillé, pour lui demander qu'il le revête de lumière, lui, qui était juif, et qui devait réciter tous les matins : Béni sois-tu, Seigneur qui ouvre les yeux des aveugles... Béni sois-tu, Seigneur (...) qui habille les nus.

Et cette affirmation trouve toute sa force si on remarque qu'une série de jeux de mots en hébreu parcourt cet épisode avec des mots - tous de la racine 'or - qui signifient lumière, se lever (lève-toi du verset 49), prendre courage, se dépouiller (en quittant son manteau, sa peau), être nu, et aveugle !

Bar Timée est comme nu, comme était nu le premier homme qui avait été créé être de lumière et qui se cachait - parce qu'il était nu - avant que Dieu le revête de sa peau ; le premier homme, qui cherchait la connaissance absolue et avait seulement connu qu'il était nu.

Bar Timée, lui, a absolument besoin de faire le chemin inverse : quitter sa vieille peau et dire à Jésus qu'il veut ouvrir les yeux sur la lumière, redevenir un être de lumière, car il se connaît - lui - et sait qu'il est aveugle.

Il est évident ici que la connaissance de sa propre cécité (réelle et symbolique) par Bar Timée est indispensable à sa guérison, et en cela il n'est pas semblable aux pharisiens à qui Jésus disait : si vous étiez aveugles vous n'auriez pas de péché ; mais vous dites nous voyons ! Votre péché demeure (Jean 9,41).


Bar Timée, David et Jonathan

Jésus pose alors à Bar Timée La Question, la seule qu'il pose à l'homme : que veux-tu que je fasse pour toi ?

Petite question, en passant (réservée à ceux d'entre vous qui croient en Jésus) : s'il vous posait la même question, là, tout de suite, que répondriez-vous ?

C'était, comme on l'a évoqué en commençant, quelques versets avant cet épisode, celle qu'il posait à Jacques et Jean, les fils de Zébédée, qui lui avaient dit : Maître, nous voulons que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander. (Marc 10,35-36). Inlassablement Jésus demande à l'homme ce qu'il désire, même quand il subodore que ses pensées sont tordues...

C'est aussi, dans le Premier Livre de Samuel, la question de Jonathan à David, alors que Saül vient d'attenter à la vie de David ; littéralement : que veut ton âme (ton désir), je le ferai pour toi ? (1Samuel 20,4).

Peu avant, on lisait déjà : Lorsque (David) eut fini de parler à Saül, l'âme de Jonathan [fils de Saül] s'attacha à l'âme de David. (...) Jonathan conclut un pacte avec David, car il l'aimait comme lui-même : Jonathan se dépouilla du manteau qu'il avait sur lui et il le donna à David, ainsi que sa tenue, jusqu'à son épée, son arc et son ceinturon (1Samuel 18,1-4).

Ce texte est sans doute une clé de l'interpellation surprenante de Bar Timée vers Jésus : il se dépouille de son manteau pour bondir vers le fils de David, avec qui il va conclure un pacte d'amour pour le reste de sa vie. Le Premier Testament est encore mis à l'envers : c'est Jésus-David qui pose la question à Bartimée-Jonathan !

Et de même que les rapports de David et Jonathan sont très affectueux (ils sont comme des jumeaux, inséparables), l'âme de Bar Timée va s'attacher à celle de Jésus, alors qu'il s'est dépouillé pour aller vers lui.


Bar Timée - fils jumeau - veut voir...

Un autre personnage très connu des évangiles voulait voir lui aussi : l'apôtre Thomas, dit Didyme, c'est-à-dire jumeau ! Mais Thomas - lui - ne voulait pas se contenter de voir : il voulait toucher !

Eh oui ! La foi de Bar Timée est plus grande que celle de l'apôtre, même s il n'est pas dit que Thomas a effectivement touché les plaies de Jésus, qui lui dit : parce que tu me vois, tu crois... (Jean 20,29 ; cf. l'article Thomas, bon ou mauvais jumeau ? ).

Ses yeux sont ouverts et il voit Jésus !

Là s'arrête l'histoire... Ou plutôt : là commence l'histoire, la vraie vie de Bar Timée !

Jésus lui dit : Va ! Il lui donne sa liberté, comme il la donnera à Lazare qu'il venait de rappeler à la vie et qui sortait de son tombeau encore entouré de bandelettes : déliez-le et laissez-le aller (Jean 11,44), ou à la femme adultère qu'il venait de sauver de la lapidation : va, désormais ne pèche plus (Jean 8,1-11)

Avez-vous remarqué qu'il ne demande rien à Bar Timée, pas plus qu'à la femme adultère, ou à d'autres, sinon d'aller : va ! Et que Marc ajoute que Bar Timée suivait Jésus sur la route...

Cette désobéissance sera-t-elle punie ?... Je vous laisse répondre. Mais si votre réponse est « oui », je ne pourrai rien pour vous...

René Guyon

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A
Si Jésus me demandait «Que veux-tu que je fasse pour toi ?», je lui demanderais trois choses (est-ce possible ?) : 1° «Fais que les hommes soient capables de mettre fin à la misère qu'ils créent eux-mêmes contre leurs frères» ; 2° «Fais que je te vois tel que tu es» ; 3° «Fais que je me convertisse vraiment et que je sois capable de t'être fidèle». A. O.
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J
bonjourEt bien où vais-je aller maintenant ?Je sais ce que je vais faire !je vais suivre Jésus ....Pourquoi n'en feriez-vous pas autant ?Jean
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