Un homme libre et un Dieu patient
Dans l'Ancien Testament le livre des Juges raconte l'histoire de Gédéon. Elle dépasse l'anecdote plus ou moins véridique et certainement enjolivée, pour transmettre un appel puissant à travers les âges.
Dieu fit de Gédéon un VAILLANT pour la libération de son Peuple. Pour qu'il ne devienne pas orgueilleux il lui confia toujours des missions au-dessus de ses forces « Marche, je t'accompagne ». Gédéon découvrit ainsi que le TOUT ATTENTIONNÉ combattait avec lui et lui donnait la victoire qui libère de l'oppression.
Gédéon parfois doutait, il s'interrogeait sur les "comment", il voulait s'assurer de l'assistance du Seigneur, il lui posait des questions, le « tarabustait » pour solliciter des réponses précises. Bref, il mettait à l'épreuve la puissance de Dieu....
À la lecture de ces textes savoureux et merveilleux, on découvre la PATIENCE du Seigneur.
C'est ainsi qu'au début de sa vocation, Gédéon, inquiet, voulu vérifier l'efficacité de la Parole de Dieu et décida de lui offrir un sacrifice. Comme il n'avait rien sous la main pour concrétiser son offrande, il fit attendre Dieu, le temps de rassembler ce dont il avait besoin, Il lui dit : « Ne t'éloigne pas d'ici, je reviens dans un moment, juste le temps d'apporter mon offrande et de la déposer devant toi » (Juges 6,18). Gédéon partit chercher un chevreau, fit cuire au moins quarante livres de pain sans levain, mit le jus dans un pot. Il eut l'audace de prendre son temps, il testa ainsi la Patience du Seigneur qui "attendait jusqu'à son retour".
Depuis toujours notre Dieu attend, on pourrait même dire qu'il ne fait qu'attendre, il nous appelle constamment et s'arme de patience ou se désarme de patience, jusqu'à ce que sa Parole porte du fruit. Il donne du temps au temps pour que l'homme se décide à entrer dans son dessein et prépare avec minutie son offrande.
Rien ne presse, Dieu reste présent, éveillé, il ne brusque rien, il fait confiance. Sa fidélité et la vraie connaissance de ses "élus" le rendent patient. Parce que sa Parole est éternelle, le temps ne lui pèse pas, il en profite pour contempler ses créatures et peaufiner sa pédagogie, pour chacune d'elles.
Certes les lambins l'exaspèrent, les tricheurs l'insupportent mais il les aime quand même, il attend le bon moment.
Nul mieux que lui ne sait que la conversion est une entreprise de longue haleine, qu'elle requiert un engagement progressif et fidèle. Il demande à chaque jour le possible et laisse aux uns et aux autres le temps de trouver "un pot pour mettre le jus" avant d'en faire oblation. En définitive, c'est le fait d'aimer et de se donner qui rend Dieu patient.
À chaque mission qu'il confiait à Gédéon, le Seigneur adaptait sa demande au caractère de son serviteur (sans doute un inquiet perfectionniste) ; il lui demandait de plus en plus de lui faire confiance, le détachait de ses astuces étroites et de ses stratégies sécuritaires. Il l'invitait à ne se reposer que sur lui seul : le Tout Puissant. Dieu "élevait" Gédéon et désirait qu'il soit tout proche de lui et partage sa force pour libérer le peuple.
Tout cela se passe bien jusqu'au moment ou Gédéon se mit à son compte et se prit pour le "maître". Il devint idolâtre. Triste fin mais bien beau parcours (Juges 8,28).
En résumé, rien n'est jamais définitivement gagné, le meilleur serviteur reste fragile, sa liberté de rompre avec Dieu demeure tout au long de sa vie ; cette possibilité montre à la fois la grandeur de l'homme et l'inépuisable patience du Seigneur.
Et le Seigneur dit: « Je resterai jusqu'à ton retour » (Juges 6,18).
Christian Montfalcon
L'illustration est Gédéon choisit ses soldats de Gustave Doré